Alors que l’économie mondiale se concentre de plus en plus sur les industries axées sur la connaissance, la nécessité d’une main-d’œuvre qualifiée et talentueuse devient essentielle. Maurice, cependant, fait face à un véritable exode de cerveaux, qui représente un risque majeur pour l’avenir des secteurs économiques, en particulier ceux qui dépendent de professionnels hautement qualifiés.

Dans la dernière édition du magazine du Centre for Biomedical and Biomaterials Research (CBBR) de l’université de Maurice (UOM), le CEO de RT Knits, Kendall Tang, tire la sonnette d’alarme sur les défis auxquels est confrontée l’industrie manufacturière locale. Il pointe du doigt le manque de main-d’œuvre qualifiée, un obstacle majeur pour garantir l’avenir de ce secteur clé de l’économie. «La fuite des cerveaux à laquelle Maurice est confrontée a mis en évidence une lacune critique», affirme-t-il. Il souligne que «notre vivier de talents actuel est insuffisant pour répondre aux besoins croissants d’industries comme la nôtre».

Kendall Tang explique que de nombreux jeunes Mauriciens talentueux préfèrent chercher des opportunités à l’étranger, attirés par des salaires plus élevés, des formations de pointe et une exposition internationale. Cette tendance, selon lui, représente «un risque significatif pour l’avenir des industries mauriciennes, en particulier celles qui dépendent de professionnels hautement qualifiés». Pour le CEO de RT Knits, une entreprise pilier de l’économie mauricienne depuis plus de 50 ans, «bâtir et maintenir un vivier de talents solide n’est pas simplement une stratégie commerciale, c’est une question de survie».

Changement sismique de l’industrie

Selon Kendall Tang, l’industrie manufacturière a connu un bouleversement majeur au cours des deux dernières décennies. Si auparavant le secteur reposait principalement sur une main-d’œuvre abondante pour répondre aux demandes de production, l’accent est désormais mis sur la technologie, l’automatisation et l’innovation. Prenant l’exemple de son entreprise, il souligne que cette transformation a nécessité des investissements massifs dans des technologies de fabrication avancées, la recherche et le développement (R&D) ainsi que des pratiques durables pour rester compétitif à l’échelle mondiale. «Toutefois, alors que nous évoluons vers un processus de fabrication davantage axé sur la technologie et la connaissance, le défi de trouver et de retenir les bons talents devient de plus en plus complexe.»

Le CEO de RT Knits ajoute que les concurrents mondiaux ne se battent plus uniquement pour des parts de marché, mais également pour le même vivier de professionnels hautement qualifiés.«Cette compétition est encore aggravée par la fuite des cerveaux que connaît Maurice alors que de nombreux individus talentueux préfèrent saisir des opportunités à l’étranger», déplore-t-il. Il ajoute que les individus talentueux représentent «la pierre angulaire de toute industrie axée sur la connaissance». Ces personnes, poursuit-il, apportent des perspectives nouvelles, stimulent l’innovation et créent une culture d’excellence qui se diffuse dans toute l’organisation.

Cependant, pour le dirigeant, le talent ne se limite pas aux compétences techniques. «À une époque de changements rapides, les employés capables de penser de manière critique, de résoudre des problèmes complexes et de collaborer efficacement à travers différentes disciplines sont inestimables.» Ces individus, selon Kendall Tang, joueront un rôle central dans le développement de produits durables de nouvelle génération, l’optimisation des processus de fabrication et la conduite des efforts vers la neutralité carbone. «Ce sont eux qui nous aideront à relever les défis de demain et à consolider notre place sur la scène mondiale.»

Place à l’action

Le défi de constituer un solide bassin de talents, dit-il, ne concerne pas seulement son entreprise, mais l’ensemble du pays. «Si nous voulons rester compétitifs dans une économie mondiale qui valorise de plus en plus la connaissance et l’innovation, nous devons investir dans notre capital humain.» Cela nécessite, selon lui, une collaboration étroite entre tous les acteurs concernés : le gouvernement, les institutions éducatives et le secteur privé. «Il est crucial de créer un écosystème qui non seulement forme les talents mais les incite également à rester et à contribuer à la croissance de Maurice»

Une approche collaborative

RT Knits prône une stratégie proactive, où la constitution du vivier de talents commence bien avant l’entrée dans le monde professionnel. «Cela exige une approche collaborative impliquant non seulement les entreprises, mais aussi nos universités, institutions de formation et même les écoles secondaires», explique Kendall Tang. Pour lui, cette synergie permettra de «créer un pipeline de professionnels qualifiés, non seulement préparés aux exigences de l’industrie, mais aussi motivés à contribuer au développement de Maurice». Certaines initiatives menées par l’entreprise incluent des partenariats avec les universités, des programmes de stage, le sponsoring de recherches, des visites d’entreprise et des programmes de développement des compétences.

*Le directeur de RT Kints, Kendall Tang, mise sur le solaire pour décarboner sa production.© RFI/Abdoollah EARALLY