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Questions à...
Kentish Moorghen : «Les acheteurs mauriciens ne peuvent en tirer avantage»
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Kentish Moorghen : «Les acheteurs mauriciens ne peuvent en tirer avantage»

Neuf ans après son lancement, le «Smart City Scheme» montre ses limites. Entre spéculation foncière, prix artificiels et accès restreint pour les Mauriciens, le modèle s’éloigne de ses ambitions initiales. Alors que le ministère des Finances réévalue le dispositif, Kentish Moorghen plaide pour une révision en profondeur.
Depuis le lancement du «Smart City Scheme» en 2015, comment les valeurs foncières et immobilières ont-elles évolué dans et autour de ces projets ? Les attentes ont-elles été à la hauteur de la réalité ?
Pour être honnête, j’espère sincèrement que ce schéma n’a pas simplement servi de tampon pour débloquer ses nombreux avantages. Les valeurs foncières et immobilières ont certes évolué, tant pour les acheteurs locaux qu’étrangers. Cependant, nous observons une tendance préoccupante à la fixation de prix «imposés» dans plusieurs zones dites primaires. Tant que ces prix artificiels seront acceptés, la sur-spéculation deviendra inévitable. Certains peuvent croire que la valeur de leur bien a augmenté, ce qui n’est pas nécessairement vrai selon les réalités du marché. Un principe fondamental à méditer est la définition même de la valeur marchande : elle n’existe que lorsqu’il y a à la fois un acheteur et un vendeur consentants. Tout le reste découle de cela. Il est indéniable que la majeure partie des investissements directs étrangers se dirige vers l’immobilier, et des biens situés dans des emplacements dits «stratégiques» ou «primaires» sont aujourd’hui vendus à des prix jamais vus auparavant. La vraie question à se poser est la suivante: ces propriétés peuvent-elles réellement être revendues avec une plus-value?
Avec Rs 6,61 milliards d’exemptions fiscales accordées aux promoteurs, pensezvous que le schéma a alimenté des achats spéculatifs de terrains, et quels risques cela représente-t-il pour le marché immobilier au sens large?
Absolument. Le principal risque, c’est qu’à un moment donné, les projets doivent aboutir et les biens doivent être vendus. Cela soulève une inquiétude majeure : allons-nous vers une suroffre, en particulier si le marché visé est celui des acheteurs locaux ? En tant que population, avons-nous réellement les moyens financiers de faire face à de tels niveaux de prix ? Tandis que les acheteurs étrangers peuvent absorber ces prix, il faut rester vigilant pour ne pas arriver à une situation où la demande tirée par l’investissement crée des attentes irréalistes – avant que les investisseurs ne se rendent compte que le risque de compression des rendements locatifs est bien réel. Et pour avoir été dans le secteur depuis de nombreuses années, nous voyons déjà apparaître les premiers signes de cette compression.
D’après votre expérience, la majorité des promoteurs de Smart Cities ont-ils réellement respecté les principes fondamentaux du développement intégré et durable, ou l’accent a-t-il surtout été mis sur les gains commerciaux?
Il est clair que le schéma a été largement adopté pour ses avantages fiscaux, cela ne fait aucun doute. Soyons honnêtes : aucun promoteur ne se lance dans des projets d’une telle envergure sans objectif de rentabilité – sauf peut-être s’il est membre de la Croix-Rouge ! L’ampleur des exemptions dont ils ont bénéficié en dit long. En retour, la population locale, en particulier les acheteurs mauriciens, devrait pouvoir en tirer un certain avantage. Mais ce n’est pas le cas. Dans certaines Smart Cities, le prix du terrain nu atteint jusqu’à Rs 12 000 le mètre carré. C’est totalement inaccessible pour plus de 80 % de la population mauricienne. Certes, il existe une demande du côté des acheteurs étrangers, mais il faut se demander si ces projets doivent être conçus uniquement pour eux. À cela s’ajoute la hausse constante des coûts de construction, qui rend de plus en plus difficile l’accès à la propriété pour les personnes à revenu moyen, d’autant plus que beaucoup de nos concitoyens sont déjà fortement endettés.
Le ministère des Finances réévalue actuellement l’efficacité et l’impact fiscal du schéma. Selon vous, faut-il s’attendre à un ralentissement des investissements dans les Smart Cities si les principaux avantages fiscaux sont supprimés?
Très certainement, oui. Car l’équilibre entre le risque et le rendement serait alors profondément affecté.
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