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Entretien avec
Kerslay Melanie : «La sagesse ne s’enseigne pas, elle se cultive»
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Kerslay Melanie : «La sagesse ne s’enseigne pas, elle se cultive»

Philosophe autodidacte et passionné de pédagogie existentielle, Kerslay Melanie signe «Phronesis», un premier ouvrage ambitieux qui mêle sagesse antique et pratiques contemporaines. À travers ce livre, l’auteur invite à cultiver une pensée structurée avant toute action, décision ou engagement. Dans une société qu’il décrit comme «un régime d’opinion, il défend l’idée que chacun peut – et doit – acquérir cette sagesse pratique pour mieux négocier, converser et agir. Entretien avec un penseur qui croit au pouvoir transformateur du dialogue intérieur.
Dans un monde saturé de certitudes, «Phronesis» se pose en manifeste d’humilité intellectuelle et de transformation intérieure. Son auteur, qui préfère laisser son œuvre parler plutôt que de s’imposer comme «gourou», a accepté de répondre à nos questions. Entretien.
🟦Pourquoi avoir écrit «Phronesis»? Était-ce un besoin personnel ou une volonté de transmission ?
Avant tout, c’était un besoin personnel. J’étais en quête de sens et de structure. Mes lectures m’ont mené à une conclusion : il n’existe pas de vérité absolue. Les grands penseurs se contredisent. Alors, plutôt que chercher une vérité extérieure, j’ai voulu concevoir un cadre pour que chacun puisse faire émerger sa propre sagesse.
🟦Votre ouvrage repose sur quatre piliers : «Grow, Build, Elevate, Lead». Une construction empirique ?
C’est un mélange d’expérience personnelle et d’observation. Mon parcours en agriculture m’a inspiré : une graine ne donne pas un fruit par hasard. Elle suit des étapes – germination, croissance, floraison, fructification. J’ai transposé ce cycle à la vie humaine. Nous devons apprendre à cultiver notre trajectoire.
🟦Pourquoi avoir choisi le terme grec «phronesis» ?
Parce que c’est une vertu intellectuelle oubliée. On parle beaucoup d’amour ou de respect, rarement de sagesse pratique. Or, phronesis est ce pont entre pensée et action. C’est ce qui permet d’agir avec justesse, de concilier morale et habileté.
🟦Vous écrivez que ce livre «n’est pas à lire mais à pratiquer». Que signifie pour vous la philosophie en action ?
Il est trop facile de parler de vertu sans la vivre. La sagesse se renforce par l’action délibérée. Il ne s’agit pas de réciter des principes, mais de s’aligner intérieurement pour les incarner au quotidien. Une philosophie désincarnée est, à mes yeux, une imposture.
🟦Pourquoi la «phronesis» est-elle si absente du débat public, selon vous ?
Parce qu’elle exige de la lenteur, de la nuance et un effort constant. Or, nous vivons dans une époque d’immédiateté. La profondeur fait peur. Réfléchir longuement, écouter sincèrement, choisir ses mots avec soin : voilà des gestes qui ne trouvent pas toujours leur place dans le brouhaha médiatique.
🟦Certains lecteurs pourraient y voir un manuel de développement personnel. Que leur répondez-vous ?
Le développement personnel n’est pas un gros mot, mais il est trop souvent instrumentalisé. Ce livre ne promet pas la réussite, mais l’alignement. Il n’offre pas de recettes miracles, mais un chemin exigeant. Il faut être prêt à se transformer, parfois douloureusement.
🟦Trois compétences sont au cœur de votre démarche : courage, clarté, présence. Pourquoi ce choix ?
Ce sont trois leviers essentiels. Le courage permet d’oser grandir. La clarté aligne nos intérêts avec ceux des autres. La présence nous relie dans un monde distrait. Tout se résume à ces dynamiques : se transformer, s’aligner, se connecter.
🟦Avez-vous testé ces principes dans votre propre vie ?
Bien sûr, tous les jours. Le courage to grow s’est forgé dans le dépassement de mes doutes. La clarity to align s’exerce en négociant avec mes enfants – un exercice redoutable ! Quant à la presence to connect, elle s’est révélée face à l’ennui de conversations creuses : j’ai dû réapprendre à écouter.
🟦Vous associez sagesse antique et observations contemporaines. Comment avez-vous pensé cette articulation ?
J’ouvre chaque chapitre avec un «miroir grec» – une anecdote ou un mythe – que je relie ensuite à des enjeux actuels. Puis je propose trois questions au lecteur pour qu’il s’interroge lui-même. L’idée est de transformer la lecture en miroir, en expérience.
🟦Quel public aviez-vous en tête ?
Tout lecteur capable de penser. Cela peut être un jeune adulte ou un leader d’entreprise. La quête de sens ne connaît pas d’âge. La philosophie, comme disait Socrate, aide à «accoucher» de ses propres idées. Phronesis suit cette voie.
🟦Votre livre appartient-il à une école de pensée ?
Il puise dans le stoïcisme, dans Aristote, dans Socrate… mais ne se revendique d’aucun dogme. L’idée est de transmettre une philosophie vivante, adaptée au réel, pas une doctrine figée.
🟦Vous préparez trois autres tomes : que pouvez-vous en dire ?
Le tome 2 (Build) portera sur les disciplines concrètes pour passer à l’action. Le tome 3 (Elevate) explorera les valeurs qui élèvent l’existence. Et le dernier (Lead) s’intéressera à la sagesse appliquée au leadership et à l’influence positive. Même ton, même méthode.
🟦 «Phronesis» peut-il aussi inspirer une transformation collective ?
Absolument. Si chacun développe un état d’esprit de croissance, des compétences de négociation et une capacité à dialoguer profondément, nous poserons les bases d’une société plus cohérente. L’individuel irrigue le collectif.
🟦Une dernière phrase pour résumer votre intention ?
Je citerais Épictète : «No man is free who is not master of himself.» Voilà le cœur du livre : la liberté commence par la maîtrise de soi.
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