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CP vs DPP
King’s Counsel, duels verbaux et valises de dossiers
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CP vs DPP
King’s Counsel, duels verbaux et valises de dossiers
Le CP Anil Kumar Dip. et Me Sanjay Bhuckory, représentant le DPP.
L’examen de la plainte constitutionnelle du commissaire de police (CP) Anil Ku- mar Dip contre le Directeur des poursuites publiques (DPP) Me Rashid Ahmine en Cour suprême a pris fin vendredi. Cette affaire, d’importance capitale, a attiré pendant trois jours une attention considérable en raison des implications majeures pour le système judiciaire mauricien. Ce procès, qui a tenu la Cour suprême en haleine, a été le théâtre d’une série de procédures rigoureuses où des témoins, y compris le CP, ont été entendus, et où les avocats des parties impliquées ont présenté leur plaidoirie. Le public venu assister au procès a eu la rare opportunité de voir des King’s Counsel (KC) renommés en action. Les trois jours intenses de cette audience mémorable ont vu une salle d’audience bondée, remplie de curieux, d’avocats et de journalistes. On vous raconte comment cela se passait à l’intérieur…
Trois KC dont la réputation n’est plus à faire – sir Geoffrey Cox, Paul Ozin, et Mark Rainsford – avaient fait le déplacement pour cette affaire. Des dossiers volumineux étaient posés sur la table des court officers et des valises étaient entassées dans un coin de la salle. Pour ceux qui n’ont pas l’habitude des procédures judiciaires, la vue de ces valises a pu susciter des interrogations amusées : pourquoi des bagages dans une cour de justice ? Les volumes de dossiers étaient si importants qu’ils nécessitaient des valises pour être transportés.
Dès le premier jour, l’ambiance était autre. Le CP Anil Kumar Dip, vêtu d’un costume impeccable et entouré de membres de diverses unités de la police venus le soutenir, a fait son entrée dans la salle d’audience avec une prestance remarquable. Parmi ses soutiens, l’ASP Ashik Jagai, le porte-parole de la police, l’assistant commissaire de police (ACP) Dunraz Gungadin. Le Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Rashid Ahmine, avait choisi de suivre les procédures à distance, optant pour une présence virtuelle, car il n’avait aucune obligation d’être présent en cour. L’audition du CP a été l’un des moments forts du procès. Avec sérénité et calme, il a répondu aux questions de son avocat, Me Désiré Basset, Senior Counsel (SC), et celui du DPP, Me Sanjay Bhuckory, SC. Le CP s’exprimait d’une voix tellement douce qu’elle en était presque inaudible, nécessitant une concentration accrue des auditeurs pour suivre ses réponses.
Sir Mark Rainsford et sir Geoffrey Cox, tous deux King’s Counsel.
Les jours suivants ont vu des plaidoiries impressionnantes des poids lourds du barreau anglais. Sir Geoffrey Cox a été le premier à monter sur le ring, enchaînant six heures de plaidoiries avec une maîtrise impressionnante, qui ont nécessité une grande attention et une écoute très fine pour comprendre et assimiler ce que disait le KC, dont l’accent anglais n’est pas toujours celui qu’on entend dans les salles d’audience. Par moments, la qualité du micro laissait à désirer, rendant l’audio difficile à comprendre. Bien que les avocats aient été invités à parler dans le micro, leurs gestes et mouvements de mains les amenaient souvent à s’éloigner de celui-ci, ce qui compliquait encore la compréhension de leurs discours.
Sir Geoffrey Cox était visiblement passionné par ce qu’il avait à dire, au point qu’il transpirait parfois et devait s’éponger le front. Habitué à ce genre d’exercice, il veillait à ce que les membres de l’audience suivent ses propos en se retournant de temps à autre pour croiser leur regard. Ses arguments étaient axés sur les pouvoirs du DPP en vertu de l’article 72 de la Constitution. Son argumentation a souligné l’importance cruciale du rôle du DPP dans la protection des droits des citoyens dès leur arrestation. Ses confrères Paul Ozin et Mark Rainsford ont également apporté une contribution significative avec une plaidoirie de près de quatre heures et d’une heure respectivement. Fort de ses notes et de son expertise, le KC Paul Ozin a argumenté en faveur du CP, soutenant que celui-ci est mieux positionné pour gérer les enquêtes.
Les avocats mauriciens, Mes Bhuckory et Basset, lors de l’interrogatoire des témoins, ont aussi brillé par leur professionnalisme, comme à leur habitude. À un moment, la tranquillité de cette séance a été perturbée par un éclat de voix inattendu. Me Basset s’est soudainement transformé en lion rugissant lorsqu’une question de Me Bhuckory sur l’arrestation du CP dans l’affaire Bramer a fait surface. Me Basset s’opposait fermement à cette question qu’il a même qualifiée de «mud-slinging». Les spectateurs, certains assoupis et absorbés par le train-train de la journée, ont été brusquement arrachés à leur torpeur...
Me Bhuckory, connu pour son éloquence et sa bonne humeur, a calmement rappelé qu’il n’était pas du genre à se lancer dans des coups bas. Sa question avait une pertinence juridique indéniable pour l’affaire en cours, selon son argumentation. Ce petit échange d’amabilités a suffi à rétablir une atmosphère cordiale, comme si de rien n’était, démontrant que même dans les moments de tension, respect et dignité demeuraient les maîtres-mots du barreau mauricien. Pendant ce temps, la discipline dans la salle d’audience était scrupuleusement maintenue. Les officiers de la cour veillaient à ce que les règles de conduite soient respectées : posture correcte, téléphones éteints et interdiction de chuchoter ou de mâcher du chewing-gum. Le moindre écart était scruté avec rigueur.
Le deuxième jour de l’audience a vu le CP quitter la cour après une brève présence, ses supporters restant jusqu’à la fin pour témoigner de leur solidarité. L’audience a pris fin vendredi après la plaidoirie des défendeurs dans l’affaire. Les avocats du DPP qui ont obtenu un droit de réponse la soumettront en écrit à la Cour suprême le 30 septembre. Le full bench, composé de la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul, la Senior Puisne Judge Nirmala Devat et la juge Sulaksna Beekarry-Sunnassee, mettra alors son jugement en délibéré. Ces jours de procès avec l’afflux de personnalités juridiques de premier plan, les interventions passionnées et la discipline rigoureuse, ont offert un aperçu rare et fascinant des rouages de la justice à Maurice.
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