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Interview
Jean Marc Iweins : «La centrale de Terragen produit 15 % de la fourniture annuelle du réseau du CEB»
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Interview
Jean Marc Iweins : «La centrale de Terragen produit 15 % de la fourniture annuelle du réseau du CEB»
Jean Marc Iweins, «Power Plant Manager» chez Terragen.
Le responsable de la centrale électrique apporte un éclairage sur les initiatives et les défis de Terragen dans sa production d’énergie verte. Il évoque les motivations de l’entreprise pour intégrer des copeaux de bois locaux dans sa stratégie énergétique, soulignant son importance dans la transition vers une énergie renouvelable. De plus, Jean Marc Iweins aborde les implications économiques et environnementales des récents développements dans la biomasse et explique la collaboration stratégique de Terragen avec le Central Electricity Board (CEB) pour optimiser l’utilisation des ressources locales.
Quelles sont les principales motivations de Terragen pour intégrer des copeaux de bois locaux au charbon pour la production d’énergie verte et comment cette initiative s’aligne-t-elle à l’objectif national d’atteindre 60 % d’énergie renouvelable d’ici 2030 ?
Terragen joue un rôle clé dans le paysage énergétique mauricien, en particulier dans la production d’électricité renouvelable à partir de la biomasse. Forts de notre expérience, nous soutenons activement la réduction de l’empreinte carbone liée à l’utilisation des combustibles fossiles. Pionniers de l’énergie renouvelable à l’île Maurice, nos unités utilisent en partie la bagasse depuis près de 25 ans.
En 2015, nous avons été les premiers à introduire de la paille de canne à sucre récoltée dans nos chaudières pour réduire la consommation de charbon. Nous continuons à remplacer progressivement le charbon par la biomasse et œuvrons pour concrétiser nos projets futurs afin de soutenir les objectifs gouvernementaux. Il est essentiel de privilégier la biomasse locale en maximisant les ressources disponibles à l’île Maurice. Le lancement de la filière d’énergie à base de copeaux de bois locaux s’inscrit pleinement dans cette démarche.
Quelles pourraient être les implications économiques à long terme d’une diminution de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, comme l’indique le rapport de Statistics Mauritius pour 2023 ?
La récente baisse de la production d’électricité renouvelable à partir de la bagasse est temporaire, due principalement au sous-investissement dans le secteur cannier dans les années 2010, à la période du Covid-19 et à la sécheresse récurrente des trois dernières années. Le volume de canne prévu en 2024 et donc, de bagasse, est beaucoup plus élevé qu’en 2023 : les conditions météorologiques favorables ont stimulé la croissance de la canne et la remontée des prix du sucre combinée aux initiatives du National Biomass Framework (NBF) ont permis de renouveler en partie les vieilles cannes à faible rendement.
La transition énergétique est avant tout un enjeu environnemental et doit donc occuper une place centrale dans les politiques publiques des États pour que la lutte contre le réchauffement climatique soit efficace. Le financement de la transition vers des sources d’énergie renouvelable est une question cruciale, car la sortie des énergies fossiles nécessite des investissements considérables, souvent accompagnés de coûts de production d’électricité plus élevés.
Comment ces investissements dans la bioélectricité et la biomasse contribuent-ils à la transition énergétique ?
Les acteurs sucriers ont augmenté leurs investissements, notamment dans la replantation de la canne à sucre et le développement de la paille de canne, tandis que de nouvelles filières de biomasse, comme les copeaux de bois locaux, émergent pour alimenter les centrales électriques. Toutefois, l’élimination complète du charbon nécessitera d’autres sources de financement et l’accès au marché des crédits-carbone européen est une option sérieuse à explorer.
Quels autres types de biomasse prévoyez-vous d’intégrer à l’avenir pour maximiser la production d’énergie verte ?
Les travaux sur le NBF, supervisés par la Mauritius Cane Industry Authority (MCIA), ont rassemblé tous les acteurs des secteurs public et privé impliqués dans l’énergie biomasse. Ces échanges constructifs ont permis de classifier, quantifier et localiser les diverses sources de biomasse disponibles sur le territoire pour mieux comprendre leur potentiel, et établir des modalités d’exploitation durable et évaluer le soutien financier nécessaire pour rendre viables les différentes filières.
Le bois de récupération utilisé aux fins énergétiques est une nouvelle opportunité ; nous examinons également le bois provenant de nouvelles plantations dédiées à la production de copeaux. La filière de la paille de canne, partiellement exploitée, nécessite des investissements tant au niveau des champs que des installations pour augmenter les volumes de paille récoltée et livrée à la centrale.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre collaboration avec le CEB sur cette initiative d’énergie verte et les réglementations mises en place pour faciliter l’utilisation de copeaux de bois ?
En 2021, nous avons collaboré avec le CEB pour un programme d’essais visant à produire de l’électricité en brûlant 300 tonnes de copeaux de bois locaux afin d’évaluer la compatibilité technique avec nos installations existantes. Après la réussite de ces essais, nous avons proposé au CEB de passer à la phase industrielle du projet. Des discussions ont été menées pour définir les modalités techniques et commerciales de l’intégration des copeaux de bois locaux au charbon dans nos chaudières. En mai, ces discussions ont abouti à la signature d’un accord de principe. Simultanément, les autorités ont travaillé à promouvoir et à structurer la filière énergétique basée sur le bois local à travers le NBF.
Comment cette initiative contribue-t-elle à la création d’emplois et au développement économique de Maurice, et quels sont les principaux bénéfices environnementaux et économiques attendus ?
L’utilisation de copeaux de bois locaux, et plus largement la valorisation de la biomasse locale pour la production d’électricité, permettent de réduire la consommation de charbon à la centrale électrique, ce qui bénéficie à la facture énergétique et à l’économie en devises du pays. Cette transition contribue également à diminuer les émissions de gaz à effet de serre d’origine fossile, facteurs du réchauffement climatique.
Avant d’être introduit sous forme de copeaux dans nos chaudières, le bois est ramassé, découpé, transporté, broyé, chargé dans des camions et enfin livré à la centrale thermique de Terragen. Tout au long de cette chaîne, un personnel engagé est indispensable pour réaliser efficacement ces opérations et garantir une fourniture continue de combustible à la centrale électrique.
Quelle est la part actuelle de la production d’énergie renouvelable de Terragen et comment cela a-t-il évolué avec l’intégration des copeaux de bois ?
La centrale électrique de Terragen contribue à environ 15 % de la consommation annuelle d’électricité du pays sur le réseau du CEB. Sur ce volume, environ 25 % proviennent de la combustion de bagasse et de paille de canne. Actuellement, Terragen reçoit entre dix et 15 tonnes de copeaux de bois plusieurs fois par semaine, alors que la filière bois local est encore en phase initiale. Le développement et la structuration de cette activité devraient permettre d’augmenter progressivement les volumes de bois fournis à l’usine. À l’heure actuelle, les copeaux de bois sont mélangés exclusivement avec du charbon. Toutefois, avec des investissements appropriés, il serait envisageable de les intégrer également à la bagasse pendant la campagne sucrière, ce qui augmenterait de manière significative notre capacité à utiliser les copeaux de bois dans notre processus de production.
Pouvez-vous décrire la mise en œuvre du projet pilote de plantation d’eucalyptus avec Terragri et son impact environnemental ?
Des terres marginales non utilisées à des fins agricoles dans le nord de l’île ont été sélectionnées pour expérimenter la plantation d’eucalyptus en vue de produire de l’énergie. Une fois planté et parvenu à maturité, le bois est récolté, coupé et transformé en copeaux avant d’être livré à la centrale thermique. La souche restante repousse pour produire à nouveau du bois au bout de quatre-cinq ans, ce qui en fait une ressource renouvelable, similaire au cycle annuel de culture de la canne à sucre.
Quelles autres innovations Terragen envisage-t-elle pour améliorer sa production d’énergie durable et comment intégrez-vous les principes du développement durable dans vos opérations pour en maximiser l’impact positif sur l’économie et l’environnement de Maurice ?
La centrale de Terragen est certifiée Qualité-Sécurité-Environnement et nous nous efforçons continuellement d’améliorer notre efficacité pour augmenter la production d’électricité verte à partir de la biomasse. Par exemple, nous travaillons depuis plusieurs années sur l’installation d’un sécheur à bagasse pour réduire l’humidité présente dans la fibre, ce qui améliore le rendement des chaudières et donc, la production d’électricité renouvelable.
À terme, lorsque toutes les filières de biomasse locales seront développées et que la filière énergie verte sera pleinement exploitée, notre mix énergétique devra intégrer de la biomasse importée pour remplacer le volume restant de charbon consommé par la centrale.
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