Publicité

Bus électriques

La CNT risque d’attendre longtemps

11 décembre 2023, 13:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

La CNT risque d’attendre longtemps

Un seul autobus électrique est utilisé par la CNT sur une flotte de 500.

La commande de 200 bus électriques d’Inde est encore au stade de négociations. Or, la Corporation Nationale de Transport (CNT) a un urgent besoin de nouveaux autobus pour 2024. Que faire ?

Répondant à la députée du Mouvement militant mauricien Joanna Bérenger, mardi dernier au Parlement, le ministre des Transports, Alan Ganoo, a reconnu qu’un seul autobus électrique est utilisé par la CNT depuis février 2022. Il faut aussi noter que Rose-Hill Transport n’en a que deux, de la marque chinoise Zhongtong, de 36 et de 29 places. Tout cela est loin des promesses de son prédécesseur Nando Bodha qui nous berçait au début du projet Metro Express, en juin 2019, d’un doux rêve de système de transport futuriste fluide et propre, digne du roman et film éponyme Fahrenheit 451. «Le gouvernement privilégiera l’acquisition d’autobus électriques pour desservir les feeder routes du réseau Metro Express», disait-il. «Il y aura une transformation en profondeur du système de transport à Maurice… une synchronisation totale avec les feeder buses est essentielle.»

Le 5 décembre, Alan Ganoo nous a peint, tout comme Nando Bodha, un avenir électrique dans les transports en commun : 200 autobus seront bientôt reçus d’Inde par la CNT ; 100 seront des dons et 100 acquis grâce à une ligne de crédit bancaire de la Grande péninsule. Cependant, a-t-il souligné : «Electric buses have an ecosystem of their own as we need to cater for the associated charging infrastructure besides such buses having specific maintenance requirements. Similarly, we have to take into account the specificities of the local routes in terms of length, terrain and topography.» Un haut cadre de son ministère nous a expliqué que ce sont ces «specifities» qui semblent poser problème : «Les Indiens nous donnent une garantie de seulement quatre ans pour les batteries alors que nous en demandons pour huit ans.» Tout en nous rappelant que le prix de la batterie constitue 40 % du prix de l’autobus électrique.

Deuxième problème de ces spécifications que Ganoo n’a pas élaboré : les Indiens proposent des bus de 40 places alors que la CNT veut au moins 45 places. «Pour 200 bus, cela fera un manque de 1 000 places, l’équivalent de 25 autobus.» Nous apprenons que le prix d’un bus électrique indien sera d’environ Rs 12 M. «C’est le prix du marché», nous rassure-t-on.

Mais quid de la qualité ? Notre interlocuteur est mal à l’aise et nous avoue que les bus chinois sont les meilleurs, reconnus même au niveau mondial et cela, pour presque le même prix que le bus indien. Il nous rappelle que l’unique autobus électrique de la CNT est d’origine chinoise et «que depuis sa mise sur route il y a deux ans, il n’y a pas eu de soucis».

Pourquoi ne commande-ton pas alors de la Chine ? «Je me souviens que l’on avait approché l’ambassade de Chine mais je ne sais pas ce qui s’est passé après. Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement chinois fera un don bientôt de cinq autobus de 32 places à la CNT.» Sans aucune obligation d’achat d’autres bus. Selon une autre source au ministère du Transport, «il est certain que les Chinois nous auraient probablement offert les mêmes facilités de paiement. Mais vous savez, il y a eu d’autres considérations».

Justement, nous avons voulu savoir pourquoi les démarches préliminaires, surtout sur le plan technique, ont-elles mis six mois. «C’est vrai que le process est trop long avec les Indiens. Et je pense que cela prendra encore un an pour voir ces autobus électriques sur nos routes.» Et il nous fait cette révélation : «Savez-vous que 163 bus de la CNT ont dépassé l’âge légal de 16 ans ? Et que c’est grâce à une dérogation de la NTA (NdlR, National Land and Transport Authority) qu’ils roulent toujours ?» On nous fait savoir que ces 123 bus devront être mis à la casse en 2024. Et que 237 autres le seraient dans deux ans. Ces bus sont des Tata et Ashok Leyland. Les autobus japonais de la marque Nissan ont, eux, certes plus de dix ans, mais sillonnent toujours allègrement nos routes.

«Tini tini»

Si au moins 123 autobus doivent être remplacés coûte que coûte en 2024, comment faire ? «Il y aura certainement un gros problème. Rien qu’en pensant au transport scolaire, cela me donne des cauchemars», nous confie le haut cadre du ministère. Il semble que la CNT ait suggéré l’acquisition d’au moins une cinquantaine de bus thermiques en attendant que le deal pour les bus électriques indiens soit bouclé. Mais on lui a conseillé de «tini tini». Alors que selon les ingénieurs de la CNT, ces vieux bus représentent un vrai danger public.

Il y a un autre obstacle pour le passage au moins partiel de la CNT au vert et dont Alan Ganoo n’a pas donné de détails à Joanna Bérenger mardi. Le haut cadre du ministère explique : «La CNT a besoin d’installer les infrastructures de recharge de batteries dans au moins deux de ces dépôts, à savoir Forest-Side et Vacoas.» Combien cela va-t-il coûter ? «Pas moins de Rs 400 millions supplémentaires car ce n’est pas inclus dans le deal avec les Indiens.» Il est trop tôt pour savoir qui sera le constructeur qui nous fournira ces bus.

Même avec 100 bus offerts, la CNT devra payer les 100 autres sur dix ans à un taux de 2 %. Selon nos calculs, la CNT devra trouver environ Rs 130 millions annuellement, sans compter le prix de l’installation des infrastructures de recharge de batterie. Il est vrai qu’avec les 200 autobus électriques, la CNT économisera beaucoup sur l’entretien mécanique et le diesel. Et que ce sera bon pour l’air que l’on respire et bon pour la planète. Toutefois, tout dépend des «négociations» en cours entre Mauriciens et Indiens. Et de la qualité de ces bus.