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Diplomatie

La COI en quête d’une reconnaissance internationale vivement recherchée

27 mai 2024, 18:56

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La COI en quête d’une reconnaissance internationale vivement recherchée

La 38ᵉ édition du Conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien s’est tenue les 16 et 17 mai à l’hôtel le Méridien, Pointe-aux-Piments.

Après quarante ans d’existence, la maturité dans la gestion des travaux des instances associées à la Commission de l’océan Indien, comme ceux de la 38ᵉ édition de son Conseil des ministres, du 16 au 17 mai à l’hôtel Le Méridien, a imposé tant son efficacité, sa productivité que sa stratégie de recherche d’un haut niveau de performance. Ne pas faire preuve d’ambition après quatre décennies, c’est s’exposer à tourner en rond dans le cadre restreint des espaces de l’océan Indien, alors que la notion de l’Indopacifique qui présuppose que les limites de l’océan Indien vont au-delà la région de la Chine méridionale pour déboucher dans le Pacifique, est désormais dans le discours de nombreux pays, y compris celui de la France, membre de la COI via La Réunion, qui a déjà présenté une stratégie qualifiée d’ambitieuse pour l’Indopacifique. La commission semble être disposée à amorcer une prochaine étape de son évolution.

L’expression «l’intelligence sans ambition est comme un oiseau sans ailes», de l’artiste surréaliste espagnol, Salvador Dali, de même que «l’ambition est à l’homme ce que l’air est à la nature ; ôtez l’un au moral et l’autre au physique, il n’y a plus de mouvement», de Napoléon Bonaparte, homme d’État français connu pour son sens d’improviser des stratégies au feu de l’action, s’appliquent parfaitement à la Commission de l’océan Indien (COI), organisation intergouvernementale qui regroupe les cinq États du bassin de l’océan Indien à savoir Madagascar, les Seychelles, la France en tant que représentant du département et collectivité d’Outre Mer qu’est l’île de La Réunion, les Comores et Maurice.

Car s’il y a un élément qui a frayé son chemin avec une autorité et une facilité déconcertantes face à un ordre du jour constitué de dix-sept points lors du déroulement des travaux de la 38ᵉ édition du Conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien, qui se sont déroulés jeudi 16 et vendredi 17 mai à l’hôtel Le Méridien, Pointe-aux-Piments, c’est l’ambition qu’ont affichée les dirigeants de cette organisation. Quarante ans après la signature de l’accord de Victoria, les Seychelles instituant sa création, la COI veut s’offrir une émancipationet démontrer son ambition visant à atteindreun nouveau palier de son évolution. Il s’agit de faire la démonstration qu’elle est en mesure d’évoluer dans le cadre d’un statut international reconnu à l’échelon mondial, bien au-delà des paramètres propres à un statut de commission.

Question d’aller au-delà de la possibilité qui lui offre actuellement, sur ce plan, outre la France, l’Union européenne et l’Agence française de développement (AFD), qui assurent 90 % des financements de ses projets. Ou encore la possibilité d’afficher sa maturité institutionnelle, notamment en atteignant le niveau susceptible de bénéficier des accréditations aux neuf piliers qui sont les éléments de l’architecture institutionnelle de l’Union européenne.

Deux éléments peuvent être considérés comme des facteurs qui ont déclenché cette ambition de la COI de voler le plus haut possible sur le plan international. Il s’agit premièrement de l’exploit réalisé par les Comores et ensuite celui des Seychelles.

Dans le premier cas, il s’agit du mandat des Comores à la présidence de l’Union africaine, organisation qui regroupe 55 pays du continent, de février 2023 à février 2024. «Le plaidoyer en faveur des spécificités des États insulaires et de leurs potentialités,devait souligner, lors de son intervention, le jeudi, Imam Abdillah, ambassadeur de l’Union des Comores et directeur général de la Coopération internationale au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, chargé de la diaspora et de la francophonie, a été au centre des priorités de la présidence comorienne en exercice de l’Union africaine. Toute l’action du président Azali Assoumani, au cours de son mandat, a donc été marquée par cette reconnaissance systématique des intérêts insulaires dans la réalisation de l’agenda 2063, notamment dans la mise en œuvre de la zone de libreéchange continentale africaine».

En quoi consiste le processus de Moroni ? Explication d’Imam Abdillah. «Il a consisté à impulser une dynamique continentale soutenue, pour la préservation des écosystèmes marins de nos îles. La démarche de la COI, appuyée par la présidence comorienne de l’Union africaine, pour devenir membre observateur de l’organisation panafricaine, mérite donc toute notre attention, en cette phase historique où, sous le leadership du président Azali Assoumani, l’Union africaine est devenue membre à part entière du G20. La présence de la COI, seule organisation régionale composée exclusivement d’îles, au sein de l’Organisation continentale, constituera une étape déterminante de cette reconnaissance, tant souhaitée, sur la scène continentale et internationale.»

Les Seychelles ne laisseront pas passer la possibilité de se voir attribuer la présidence de l’Union africaine. «Nous prévoyons,a déclaré Sylveste Radegonde, ministre des Affaires étrangères de ce pays, de présenter un candidat au poste de président de la Commission de l’Union africaine. Conformément à la règle voulant que le prochain occupant de ce poste soit un ressortissant d’un pays d’Afrique de l’Est, notre candidat sera Vincent Meriton, ancien vice-président de la République des Seychelles et mon prédécesseur en tant que ministre des Affaires étrangères des Seychelles. Nous solliciterons formellement le soutien des États membres concernés pour notre candidature.»

Mème s’il n’a pas donné plus de détails pour ce qui est de l’ambition internationale de la COI lors de son discours de prise de la présidence de la COI, Sylveste Radegonde a indiqué que l’institutionnel sera une des priorités de sa présidence. «Les priorités ont été regroupées sous trois piliers appelés ‘axes prioritaires’, à savoir, connectivité, institutionnel et diplomatie. À chaque axe prioritaire correspondent un objectif et une série de résultats attendus.»

Lors de son intervention, le président sortant de la Commission de l’océan Indien, Maneesh Gobin, n’a pas caché son agacement de ce qui pourrait potentiellement être perçu comme un affront au statut international de la COI. Une organisation qui, selon lui, a fait la démonstration de ce dont il est capable sur la scène internationale. «Il est ici opportun de saluer la COI pour son rôle crucial à mettre en avant la fragilité des États insulaires africains sur la scène internationale et leurs besoins spécifiques. Il nous paraît donc regrettable qu’une décision n’ait pas encore été prise pour que la COI devienne le mécanisme de coordination pour la région Atlantique, océan Indien et Mer du sud de Chine. Nous appuierons davantage la COI à cet effet.»

La notion de l’Indopacifique

Une façon de faire comprendre qu’il est révolu le temps où la préoccupation de la COI dans son secteur oriental s’arrête avec la zone économique maritime des Seychelles et que les dirigeants de la COI souhaitent, eux, comme c’est le cas pour de nombreux pays, y compris les États-Unis, la France ou le Japon, d’afficher dans leur discours géostratégique la notion de l’Indopacifique. L’une des principales caractéristiques de cette notion est qu’il y a continuité territoriale entre les espaces maritimes de ces deux océans en passant par la région du sud de la Chine.

Avec la possibilité de se voir offrir l’accréditation aux neuf piliers de son architecture institutionnelle, l’Union européenne est derrière l’ambition des dirigeants de la COI. «L’Union européenne et l’AFD, a fait ressortir Oskar Benedikt, ambassadeur de l’Union européenne auprès de la République de Maurice et de la République des Seychelles, restent engagées pour appuyer la Commission de l’océan Indien dans ses ambitions de renforcement des capacités et de modernisation, afin de devenir une organisation avec encore plus d’impact et d’efficacité. Depuis 40 ans, l’Union européenne démontre, par son soutien tangible, continu et constant, qu’elle croit au potentiel de la COI. Nous avons mis à disposition de la commission une enveloppe de 4 millions d’euros depuis 2022 pour le programme COI Horizon 2030, avec comme objectif principal de soutenir la COI vers l’accréditation aux neuf piliers de l’Union européenne. Comme déjà annoncé au Conseil des ministres en mai 2023, l’UE et l’AFD opèrent en équipe Europe pour appuyer la modernisation de la COI.En décembre dernier, l’Union européenne et l’Agence française de développement ont conclu les étapes nécessaires pour la délégation de 6 millions d’euros de l’AFD à l’UE pour soutenir le programme COI Horizon 2030. Cela nous fait un appui de 10 millions d’euros en total.»

L’eurodéputée Chrysoula Zacharopoulou, la secrétaire d’État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux de la République française, n’a pas manqué de situer l’importance stratégique de l’océan Indien dans le cadre de l’intérêt grandissant de la France pour la région de l’Indopacifique.

«Nous sommes liés par une véritable communauté de destin» a-t-elle indiqué. «Cette communauté de destin est forgée par un espace : l’océan Indien.Un espace dont l’importance stratégique majeure se confirme, année après année. Un espace auquel la France est présente, engagée et active : vous le savez, le président de la République lui-même a présenté la stratégie ambitieuse de la France pour l’Indopacifique. Un espace auquel la France est très fière d’appartenir. Un espace dont les défis sont nombreux : pour assurer la sécurité maritime ; pour faire face à l’urgence climatique ; pour garantir la sécurité alimentaire ; pour anticiper les risques pandémiques.»

Valorisation

Pour Huguette Bello, présidente de la Région Réunion, la valorisation des atouts naturels uniques des pays faisant partie de la Commission de l’océan Indien devrait retenir l’attention des dirigeants de cette organisation. «Nos territoires, en particulier les petites économies insulaires, partagent les mêmes défis. Il est indéniable qu’ils vont s’accentuer dans les années à venir, accroissant d’autant notre vulnérabilité, notamment par l’exposition face aux effets du changement climatique, la dépendance énergétique ainsi que par la problématique de la connexion aérienne, maritime et numérique. De la même manière, nos atouts naturels uniques, tels que notre biodiversité exceptionnelle, requièrent une attention particulière en matière de préservation, de conservation et de valorisation à l’échelle régionale mais aussi mondiale.»

Camille Clain, la douzième vice-présidente du Département de La Réunion, se dit d’avis, sur la base de la performance qui a été la sienne depuis sa création en 1984, que la Commission de l’océan Indien est en mesure de consolider davantage le concept de communauté indianocéaniquequi renferment les valeurs autour desquelles s’articule l’identité des pays de la région.

«Quarante ans après sa création, devait préciser Camille Clain, la Commission de l’océan Indien a démontré sa capacité à porter, consolider et enrichir notre communauté de destin indianocéanique. Nos efforts doivent se poursuivre dans ce sens, et même être amplifiés, compte tenu des enjeux que nous avons devant nous, notamment celui du changement climatique.»

Madagascar n’est pas en reste par rapport à la nécessité pour la Commission de l’océan Indien de placer, sur la liste de ses préoccupations, le futur institutionnel de la COI. «Il est ainsi impératif,a souligné Rafaravavitafika Rasata, la jeune ministre malgache des Affaires étrangères de Madagascar, âgée de 36 ans, que nos décisions et nos actions répondent à nos priorités et nos besoins communs, que je résumerai en dix points.» La poursuite de la modernisation et de l’évolution institutionnelle de la Commission de l’océan Indien figure en deuxième position de cette liste de dix priorités, selon la ministre malgache pour la commission.