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Environnement
La Cour suprême autorise une ONG à contester un BLUP
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La Cour suprême autorise une ONG à contester un BLUP
Aret Kokin Nu Laplaz manifestant contre le projet en 2021.
Un jugement sans précédent et qui fera jurisprudence. Les juges Iqbal Maghooa et Gaitree Jugessur Manna ont, certes, rejeté la demande de révision judiciaire de mru2025 sur un point formel, soit le retard dans la soumission de la demande. Mais, ce qu’ils ont décidé sur la question de locus standi est une révolution : une organisation non gouvernementale (ONG) peut contester l’octroi d’un Building and Land Use Permit (BLUP). La Cour suprême avait déjà donné la permission à une ONG (Eco-Sud, voir l’express du 24 juillet 2023) de contester l’octroi d’un certificat d’Environmental Impact Assessment (EIA). En offrant cette possibilité pour un BLUP, c’est un pas en avant pour notre environnement.
Yan Hookoomsing, Carina Gounden et Moonsamy Gounden de l’ONG mru2025 contestaient l’allocation par le conseil de district de Savanne d’un BLUP à la compagnie West Coast Leisure Ltd, appartenant à l’homme d’affaires Nawaz Chady, pour la construction d’un hôtel de luxe de 33 suites, plus diverses infrastructures comme des piscines et jacuzzis, etc. Cela, sur des Pas géométriques, donc sur un terrain de l’État, à Bel-Ombre, sur la plage appelée Beau-Champ.
Les plaignants allèguent que la construction de cet hôtel sur une Environmentally Sensitive Area (ESA) où il y a des zones humides et des dunes détruira tout un écosystème introuvable ailleurs et qui est vital pour la protection contre l’érosion côtière – une véritable catastrophe qui menace même notre industrie touristique. Ils avancent aussi que ce projet n’est pas non plus justifié économiquement. Malheureusement, ce point n’a pas été décortiqué par les juges, auquel cas on aurait probablement appris beaucoup sur cet argument constamment mis en avant par le gouvernement.
La raison économique de ce projet a toutefois été indirectement abordée par les plaignants qui rappellent que la majeure partie de notre clientèle touristique est européenne et que le G7, constitué en majorité de pays européens, vient de prendre un engagement historique en faveur du climat, de la biodiversité et de l’environnement. De plus, ce genre de développement hôtelier va à l’encontre de ces engagements. Les plaignants soulignent également un manquement légal : en accordant le BLUP, le conseil de district de Savanne n’a pas pris en compte la Climate Change Act votée récemment qui impose aux administrations régionales de rechercher l’avis des autorités concernées en ce qui concerne les points techniques relatifs à cette loi.
Après avoir rejeté la demande des plaignants sur un point préliminaire, les juges Maghooa et JugessurManna ont – fait rare – quand même tenu à se prononcer sur la question de locus standi qui avait jusqu’ici empêché les ONG ou les groupes d’activistes pour la protection de l’environnement de contester un BLUP. Se basant sur le jugement Eco Sud (David Savage et d’autres contre le ministère de l’Environnement), la Cour suprême a reconnu le droit aux plaignants mru2025 et les autres de contester le projet dit de développement même s’ils n’ont pas un intérêt direct dans l’affaire. Au contraire, elle a jugé que les plaignants ont démontré un intérêt noble en se battant pour l’intérêt national et environnemental. «A personal interest need not be shown if the individual is acting in the public interest and can genuinely say that the issue directly affects the section of the public that he seeks to represent. » Et pour prouver que les plaignants ne sont pas que des busybodies, en créole des roder rol, les juges ont rappelé leurs combats passés et présents pour la sauvegarde de l’environnement qui bénéficie à tous. De plus, disent les juges, les plaignants ont une bonne connaissance en la matière.
Sollicitée, Carina Gounden a fait cette déclaration après ce jugement : «L’avenir ne sera plus pareil dans le combat pour l’environnement ! C’est le renforcement du pouvoir légal de la société civile à agir en faveur de la protection de l’environnement dans notre pays.» Les écologistes étaient représentés par l’avocat Eric Ribot et l’avoué Preetam Lallah.
«Except for erosions…»
Après le passage du cyclone Belal, on apprenait du communiqué du Conseil des ministres du 19 janvier que «out of 46 coastal sites surveyed, most of them were found to be generally stable, except for erosion observed at the public beach of Flic-en-Flac, Le Morne, Le Morne Pointe Sud-Ouest, Bois-des-Amourettes and Blue-Bay whereby the presence of escarpments was observed»* et que «above 220 uprooted trees had been observed». Plus loin, il est dit que «75 tourism operators reported minor impacts while 22 tourism operators highlighted major impacts that their establishments had sustained». Parmi les «major impacts», l’érosion rapide causée par les houles du cyclone Belal. «Tant de dégâts à nos côtes», nous dit un hôtelier, «n’a jamais été vus.»
«Nous avions appris qu’au moins un établissement hôtelier qui se trouve dans le sud-ouest était fermé depuis le cyclone et n’allait rouvrir ses portes qu’après un mois. La mer avait envahi tout l’hôtel et avait causé pas mal de pertes matérielles. C’était sans compter le sable qui avait disparu de la plage.»**«Mais de cela», nous dit un écologiste, «il ne faut pas en parler, sinon on nous accusera d’être antipatriotiques. Et surtout, il faut construire encore plus d’hôtels pour capter du business, même si l’on tue la poule aux œufs d’or.»
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