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Légumes

La culture du désespoir

24 février 2024, 18:00

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La culture du désespoir

Les consommateurs sont outrés par les prix exorbitants des légumes sur les étals depuis le passage du cyclone Belal. Faire ses courses au marché devient de plus en plus difficile. Bien que la perte subie par les agriculteurs soit compréhensible en cette période cyclonique, l’exploitation des consommateurs est inacceptable. Des légumes seront importés pour les soulager et stabiliser le marché. Quant au cyclone Eleanor, selon les premiers constats d’hier matin, pour les planteurs, il a causé plus de peur que de mal. Mais ils cultivent le désespoir.

Eleanor abîme surtout les plantules à l’est

À la suite au passage du cyclone Eleanor, les agriculteurs font le constat dans les champs. Après les dégâts du cyclone Belal, les planteurs n’étaient pas sereins à l’approche de la forte tempête tropicale. Selon les premiers constats d’hier matin, «plus de peur que de mal», indique Krit Beeharry, porte-parole de la plateforme Planteurs des îles. «Les champs restent globalement préservés, notamment sur le plateau central et dans le Sud. Il n’y a pas eu d’accumulations d’eau dans les champs. Ce sont les cultures en terre telles que les plantules et les nouvelles semences, qui ont subi des dommages. Et dans la région de Belle-Mare, 15 % à 20 % des plants de piment et d’aubergine ont été affectés.» Rassurant les consommateurs, il affirme, toutefois, qu’il n’y aura pas de grand changement dans les prix. (Voir plus bas) Néanmoins, selon les prévisions, les périodes pluvieuses sont à prévoir dans les jours à venir.

Un retour à la normale au niveau prix d’ici avril

lexp - 2024-02-24T174401.940.jpg Les prix exorbitants des légumes sur les étals sont source de préoccupation pour de nombreux consommateurs ces derniers temps. Des carottes à Rs 80 la livre et des petits piments à Rs 600 le kilo sont source de pression financière sur les ménages. Selon la Small Planters Association (SPA), une amélioration de la situation est prévue fin mars-début avril, apportant un certain soulagement aux consommateurs.

Au marché de Port-Louis, les vendeurs s’affairent à disposer leurs légumes fraîchement achetés tandis que les clients recherchent des bonnes affaires. Anita, une fonctionnaire qui travaille dans le bâtiment Emmanuel Anquetil, partage son constat : «Il faut presque prévoir entre Rs 400 et Rs 500 pour le marché. Au cours de la semaine, on y passe au moins trois fois. Et pour acheter quoi ! Des pommes de terre, des carottes, une calebasse ou des brèdes.»

Une simple balade dans les couloirs du marché révèle des prix élevés : les carottes se négocient à Rs 80 la livre, le chou oscille entre Rs 140 et Rs 150 l’unité, les petits piments atteignent les Rs 600 le kilo, les lalos sont à Rs 40 l’assiette, les calebasses se vendent à Rs 50 la livre, les pommes d’amour coûtent Rs 150 la livre tandis que l’aubergine est à Rs 120 la livre et le giraumon à Rs 70 la livre, pour ne citer que ces quelques exemples.

Après le passage du cyclone Eleanor, aucun changement majeur n’a été observé au niveau des prix. Hier, au marché de Vacoas, les prix étaient les suivants : le haricot vert se vendait à Rs 100 la livre, la pomme d’amour à Rs 175 la livre, l’aubergine à Rs 80 la livre, le poivron à Rs 25 l’unité, et le jacquier à Rs 100 l’unité. Notons cependant que le piment est aussi disponible en sachet. Le prix d’un petit sachet d’environ huit piments est de Rs 50.

Interrogés sur les prix élevés des légumes sur les étals, les marchands donnent leur explication. «Tout découle du fait qu’il faut désormais se rendre au Wholesale Market à Wooton. Tous les vendeurs se retrouvent désormais dans un même lieu, ce qui entraîne une augmentation générale des prix. Des frais supplémentaires ont été ajoutés au transport des légumes. Imaginez un marchand du Nord se rendant à Wooton avec ses produits pour les revendre ensuite à Port-Louis. Les porteurs qui déposent les caisses de légumes sur vos étals augmentent leurs tarifs par trois. Par conséquent, dès le départ, les prix des légumes sont appelés à augmenter. Et cela, bien avant le passage du cyclone Belal», expliquent-ils.

Ensuite, le cyclone Belal a causé des dégâts considérables à l’industrie agricole. «Avec l’offre et la demande, les planteurs ont augmenté leurs prix et ce sont les clients qui paient le prix fort. Nous demandons aux autorités d’enquêter sur ce qui se passe aux enchères à Wooton. Par exemple, une caisse de pommes d’amour d’environ 40 livres s’est vendue à Rs 5 000. Et il ne s’agissait pas de pommes d’amour de première qualité. En tenant compte des frais de transport, des frais du porteur et du coût à payer à la municipalité, à combien le vendeur peut-il réellement vendre son produit au client ?»

Par rapport à la communauté des planteurs, Kreepalloo Sunghoon, secrétaire de la SPA, souligne que ces derniers font de leur mieux pour se remettre sur pied. «Ils ont commencé à nettoyer les champs, certains ont déjà semé mais il faudra du temps avant que les récoltes ne soient prêtes. Nous devrions avoir des légumes plus fins sur les étals d’ici 25 à 30 jours, ainsi que des laitues», confie-t-il.

Cependant, la chaleur actuelle pourrait poser problème. Il espère que les intempéries à venir ne perturberont pas davantage les plantations. «Je prévois que les premiers légumes comme les haricots seront visibles dans une vingtaine de jours. Mais pour les pommes d’amour, les aubergines ou encore les piments, il faudra attendre fin mars-début avril. Avec le début de l’hiver, nous espérons avoir quelques récoltes.» Comme de nombreux autres, Kreepalloo Sunghoon en appelle aux autorités pour soutenir les planteurs afin d’assurer une certaine autosuffisance pendant les périodes difficiles. Plusieurs planteurs ont également demandé que de grands réfrigérateurs leur soient fournis pour préserver les légumes durant les périodes d’abondance.

Des malhonnêtes à l’œuvre lexp - 2024-02-24T174423.325.jpg

Des malhonnêtes qui profitent de la situation ne manquent pas. Prix exagérés, non-affichage de prix… certains commerçants font la pluie et le beau temps. L’Association des Consommateurs de l’Île Maurice (ACIM) a été interpellée par cette hausse «anormale» des prix des légumes suite aux inondations et au cyclone Belal. «Nous comprenons que les légumes ont été affectés mais les inondations ne couvrent pas toute l’île et les rafales ne détruisent pas toutes les plantes. (…) Nous prenons aussi en considération le coût de la main-d’œuvre, les frais de transport, le profit (…)»

À la suite des appels des consommateurs, qui ont dénoncé les pratiques malhonnêtes auprès de l’ACIM, l’association a effectué des visites entre les 12 et 18 février dans différents points de vente de l’île, notamment au Wholesale Market de Wooton, les foires de Vacoas, Rose-Belle et St Pierre, les bazars de Curepipe, Port-Louis et Vacoas et dans certains supermarchés. Les prix de plusieurs produits ont été relevés.

Jayen Chellum, secrétaire de l’ACIM, a animé une conférence de presse, le 21 février, pour faire part des conclusions de cette enquête. «Dans la majorité des cas, nous avons constaté des augmentations incroyables de prix comparativement à ceux pratiqués à Wooton. Par exemple, au Wholesale Market, l’aubergine était vendue à Rs 70 la livre, à la foire de Vacoas à Rs 90, à Rose-Belle entre Rs 60 et Rs 80, à Curepipe, l’un des bazars les plus chers, entre Rs 100 et Rs 125 et dans les supermarchés entre Rs 100 et Rs 154.94.»

«Au Wholesale Market de Wooton, les prix sont généralement moins élevés, de même au niveau des foires. Dans certains bazars, notamment celui de Curepipe, les prix sont très élevés. Mais les prix exagérés ont surtout été constatés dans les supermarchés», souligne Jayen Chellum. Autre problème constaté, le non-affichage des prix. «C’est principalement dans les régions urbaines que nous remarquons que les prix ne sont pas affichés, privant ainsi les consommateurs de leur droit fondamental.»

L’ACIM lance un appel aux consommateurs afin qu’ils n’achètent pas des légumes à un prix exagéré, particulièrement au supermarché. Il estime qu’«un contrôle des prix et des subventions pourraient soulager les consommateurs». De l’autre côté, le ministère du Commerce dit effectuer régulièrement des opérations de contrôle. Lors d’un contrôle aux marchés de Rose-Hill et de Vacoas, le 20 février, il a été constaté que de nombreux vendeurs ne respectaient pas l’affichage des prix et pratiquaient des prix plus élevés que ceux qui étaient apposés. Vingt-cinq contraventions ont été délivrées. Dorine Chukowry, la ministre de tutelle, appelle les consommateurs à se méfier des agissements frauduleux.

Les dégâts en chiffres officiels après le cyclone Belal

Selon les données fournies par le ministère de l’Agro-industrie lors d’une conférence de presse tenue le 20 février, la production vivrière à Maurice a subi des coups durs depuis novembre de l’année dernière, en raison des conditions météorologiques difficiles et des passages de cyclone l’un après l’autre depuis le début de cette année. Les évaluations officielles suite au cyclone Belal indiquent des dégâts oscillants entre 40 % et 75 % dans les champs en plein air à travers l’île. Les cultures sous serre n’ont pas été épargnées, avec des dommages allant de 10 à 65 %. Certaines régions ont été plus sévèrement touchées que d’autres. Parmi les produits les plus affectés, on compte la pomme d’amour, la carotte, le giraumon, la calebasse, le pipangaille, le piment, le cotomili, le chou, le chou-fleur, ainsi que la banane. Ces dégâts qui affectent l’approvisionnement en légumes sur le marché se traduisent par une augmentation des prix.

Stabilisation du marché : des légumes de grande consommation vendus à un prix subventionné

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Dans ce contexte, le ministère de l’Agroindustrie souligne la nécessité de relancer la production vivrière locale. Cependant, les conditions météorologiques en cette période cyclonique n’y sont pas favorables et pourraient perturber cette stratégie.

Donc, parallèlement, des produits de grande consommation seront importés de l’Afrique du Sud et d’Inde afin de soulager le marché. Les légumes concernés sont des carottes, des haricots, du chou, du piment et des bananes. Ils seront vendus à un prix subventionné jusqu’à ce que la situation se normalise.

Pour assurer une livraison rapide, une partie sera acheminée par avion et le reste sera transporté par bateau. Les risques de retard des bateaux dus aux conditions météorologiques défavorables ne sont pas négligés. Un budget de Rs 20 millions a été alloué pour rendre ces légumes accessibles aux consommateurs.

Les carottes seront disponibles sur le marché au prix de Rs 25 la livre, les haricots à Rs 50 la livre, le chou à Rs 25 la livre et le piment à Rs 75 la livre. Les bananes seront vendues à Rs 6 l’unité. En sus de cela, des légumes en surplus à Rodrigues tels que le giraumon, le lalo et le limon seront également mis sur le marché. De plus, les grands producteurs ont été appelés à cultiver des légumes qu’ils ne plantent habituellement pas afin d’aider à stabiliser le marché. Le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI) et la Chambre d’Agriculture coordonnent cette initiative afin d’éviter un surplus de produits. Selon le ministère de tutelle, un retour à la normale est prévu à partir de la fin mai-début juin. Il est espéré qu’entretemps, d’autres cyclones n’affectent pas davantage la production locale.

Concernant l’importation des légumes, Krit Beeharry lance un appel aux autorités. «Nous ne sommes pas opposés à l’importation de légumes. Nous comprenons qu’il est nécessaire de répondre à la demande du marché en cas de manque. Cependant, il est essentiel de veiller à ne pas compromettre la production locale lors de ces importations.»