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Genre et jouets
La division persistante entre rose et bleu
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Genre et jouets
La division persistante entre rose et bleu
On peut difficilement faire plus en termes de ségrégation…
Pendant la période de Noël, les stéréotypes de genre persistent de manière frappante dans l’industrie du jouet, malgré les appels à l’égalité et à la diversité. L’observation selon laquelle les catalogues continuent d’utiliser le rose pour les filles et le bleu pour les garçons, même lorsque les anciens marquages «jouets filles» et «jouets garçons» ont disparu, souligne la persistance des normes de genre dans notre société. Ramola Ramtohul, sociologue spécialisée en études de genre, souligne que cette stratégie de segmentation par genre répond non seulement à des impératifs commerciaux évidents mais reflète également les attentes sociétales concernant les rôles traditionnels des filles et des garçons.
Un constat dans les catalogues et sur les rayons de jouets révèle une tendance frappante : les garçons sont rarement représentés en train de jouer avec des poupées tandis que les petites filles sont presque absentes des rayons dédiés aux voitures et aux héros. Même des produits tels que des voitures télécommandées et des appareils photo sont souvent déclinés en rose pour les filles et en bleu pour les garçons. Cette année encore, le schéma persiste, attribuant aux filles des jouets axés sur la créativité, le soin et l’imagination tandis que les jeux destinés aux garçons mettent l’accent sur l’action. Même dans les sections dites «scientifiques», les filles sont rares. La sectorisation genrée est une pratique motivée par un impératif commercial évident : augmenter les ventes de jouets en capitalisant sur les attentes sociales en matière de genre.
Stratégie commerciale
Un exemple concret de cette approche est illustré par la tendance à proposer des variantes de jouets populaires tels que les trottinettes, dans des couleurs spécifiques en fonction du genre. Dans une famille, au lieu d’avoir une seule trottinette qui serait partagée par l’ensemble de la fratrie, la norme est d’avoir une trottinette rose pour la fille et une bleue pour le garçon. Cette division basée sur le genre crée une demande supplémentaire pour des produits presque identiques, simplement différenciés par la couleur, renforçant ainsi la segmentation du marché. Cette stratégie commerciale repose sur l’idée que les enfants ont des préférences distinctes en fonction de leur sexe, encourageant ainsi les parents à acheter des articles spécifiques pour chaque enfant. En conséquence, les fabricants peuvent multiplier les options de produits et maximiser leurs ventes en créant une perception que chaque enfant a besoin de jouets spécifiques à son genre assigné.
La sociologue Ramola Ramtohul souligne que ces rôles ne sont pas biologiquement déterminés mais construits par la société. Les enfants, dit-elle, sont conditionnés, dès leur plus jeune âge, à jouer des rôles correspondant aux attentes de la société en matière de genre. «Ces jouets agissent comme des miroirs des rôles de genre attendus, façonnant ainsi les perspectives des enfants sur ce qui est considéré comme approprié pour leur genre. Ces stéréotypes ne sont pas immuables. Ils peuvent être modifiés par des efforts collectifs visant à éduquer les parents, les fabricants de jouets et même les enseignants. Les fabricants, conscients de l’évolution des mentalités, adaptent leurs techniques de marketing pour répondre à la demande croissante de jouets neutres en termes de genre. Les parents jouent un rôle essentiel dans ce processus car ils ont le pouvoir d’acheter des jouets qui ne renforcent pas les stéréotypes de genre», souligne Ramola Ramtohul.
Briser les barrières
La sociologue pense qu’il est essentiel de créer un équilibre en encourageant les enfants à développer des compétences et des intérêts, sans tenir compte des normes de genre préétablies. Les jouets neutres en termes de genre, qu’ils soient éducatifs ou sociaux, peuvent jouer un rôle crucial dans cet équilibre. Encourager les garçons à explorer des jouets traditionnellement associés aux filles et vice versa contribue à briser les barrières restrictives imposées par les stéréotypes de genre. Ramola Ramtohul suggère que cette évolution pourrait également être favorisée par l’éducation formelle. Les enseignants, dès l’école maternelle, pourraient jouer un rôle significatif en encourageant les enfants à jouer avec une variété de jouets sans imposer de barrières de genre. Cependant, elle souligne également le besoin de formation pour les enseignants car beaucoup ne sont pas préparés à remettre en question ces perceptions et résistances culturelles.
En fin de compte, l’évolution des normes de genre dans l’industrie du jouet dépend de la manière dont la société choisit de répondre à ces défis persistants. Les parents et les éducateurs ont la responsabilité collective de remettre en question les stéréotypes de genre et de créer un environnement où les enfants sont libres d’explorer leurs intérêts, sans être limités par des attentes préconçues, basées sur leur sexe. Les fabricants, à leur tour, doivent être conscients de leur rôle dans la formation des normes de genre et repenser leurs stratégies marketing pour favoriser une approche plus équilibrée et neutre en termes de genre.
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