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Circonscription n°4: Port-Louis -Nord–Montagne-Longue
La drogue inquiète
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Circonscription n°4: Port-Louis -Nord–Montagne-Longue
La drogue inquiète
Selon des habitants, la gare était transformée en boîte de nuit jusqu’à tout récemment.
En prévision des élections générales qui doivent se tenir cette année, «l’express» vous propose une série de reportages dans les 21 circonscriptions du pays. En ce dimanche, nous nous intéressons au n°4, soit Port-Louis Nord–Montagne-Longue.
C’est l’une des plus grandes circonscriptions de l’île. Le n°4 – Port-Louis Nord–MontagneLongue – est aussi complexe car c’est l’une des rares zones électorales réunissant une partie urbaine et rurale. En cette année électorale, que pensent les habitants de leur région ? Quelles sont leurs priorités ?
Statistiques
Avec 51 997 électeurs répartis dans 13 centres de votes, c’est la septième plus grande circonscription de l’île selon le registre électoral de l’année dernière. Il y a 30 ans de cela, avec 38 340 électeurs, la circonscription était cinquième en termes de taille et en 2003, elle comptant 42 424 électeurs et était huitième. En 2013, le no 4 comptait 47 775 votants et était déjà la septième plus grande circonscription.
Concernant les tendances, ce district électoral a longtemps été une forteresse du MMM, tout comme les trois autres circonscriptions de Port-Louis. D’ailleurs, même récemment, ce sont souvent les candidats portés par une alliance avec le MMM qui ont été élus. Lors des élections de 1967, trois membres de l’Independance Party ont été élus. Par la suite, lors des élections de 1976 et 1983, les trois candidats élus étaient issus du parti mauve. En 1982, c’étaient les trois candidats de l’alliance MMM-PSM.
Puis, en 1987, une brèche apparaît dans les fortifications. Deux candidats de l’alliance MMM-MTD-FTS sont élus, et Xavier-Luc Duval crée la surprise en se faisant élire en troisième position dans cette circonscription. Il était candidat sous la bannière MSM-PTr. Par la suite, le MMM reprend ses assises, mais ce ne sera jamais seul. Lors des élections de 1991, les trois candidats étaient de l’alliance MMM-MSM. En 1995, c’étaient les trois de la coalition PTr-MMM. En 2000, le MMM était à nouveau en alliance avec le MSM et les trois candidats sont élus. La dynamique est cassée encore une fois en 2005, lorsqu’une candidate de l’alliance PTr-PMSD est élue en tête de liste, suivie des deux candidats MMM-MSM. En 2010, l’érosion du bastion se confirme. Le seul candidat porté par l’alliance MMM-UN-MMSD est élu en deuxième position. Ses deux colistiers sont issus du bloc PTr-PMSD-MSM. En 2014, aucun candidat de l’alliance PTr-MMM n’est élu et en 2019, les trois candidats du MMM arrivent en 7e, 8e et 9e position. Quant aux élus, lors de la plupart des élections, deux étaient issus de la population générale alors qu’un de foi hindoue, sauf en 1983, où il y avait deux «Hindu» et un candidat de la population générale. Aujourd’hui, la circonscription ne compte pas de backbenchers à l’Assemblée nationale. Subhasnee Luchmun Roy est PPS. Joanne Tour Deputy Chief Whip du gouvernement alors que Joe Lesjongard est ministre des Services publics. Tous sont issus du MSM.
Les préoccupations
Sur le terrain cependant, les préoccupations des habitants sont loin d’être politiques. A Cite la Cure, sous le kiosque près de la gare, des amis, tous retraités, se retrouvent pour discuter en journée. C’est un peu leur routine. «Zis Joanne Tour ki ou trouvé lor terin isi. Mo espéré li revini. Akoz dernyé fwa, ti ena Vikash Oree ki ti pé désan, li ti pé fer bien. Me li pann gagn tiket apré», déplore-t-on. Cependant, hors de la capitale, c’est le nom de Subhasnee Luchmun Roy qui revient avec insistance, au détriment des deux autres. Le discours est le même.* «Kan dir li ena problem, li vin réglé. Péna enn fwa ki nounn koz enn problem, ki li simé, ki li délo, ki li pann réglé»*, dit-on. Ici, on espère la voir lors des prochaines élections aussi car elle a fait de la proximité son point fort pendant les cinq années écoulées. «Si ranplas li, bé pa koné ki nou pou voté», avoue un habitant de Terre-Rouge. Est-ce une mise en garde ? Il ne répond pas.
Cependant, l’eau est le moindre souci de la région. Sous le kiosque, il est question d’incivisme. Le tapage nocturne est un fléau. «Pendant un moment, des voitures venaient à la gare le soir avec des enceintes. La place se transformait en boîte de nuit. Il y avait même des strip-teaseuses à une époque». Le lieu était une discothèque à ciel ouvert qui attirait des centaines de personnes. Il a fallu du temps pour que la police en vienne à bout. Le problème est toutefois loin d’être résolu, car désormais, le soir, les voitures «bwat tapaz», la musique à fond la caisse, puissants sillonnent le quartier, ce qui incommode tous les habitants. Plus loin, sur la montagne, à Ti Rodrigues, un autre problème se profile. Les maisons de squatteurs sont construites les unes sur les autres. Selon les amis qui discutent, il suffit d’un gros cyclone pour que le pays se retrouve face à une catastrophe humanitaire dans la région.
Il y a aussi le dispensaire, qui est un lieu très fréquenté. «Trop fréquenté, même. Il faut du renfort, car à l’heure du déjeuner, le lieu ferme. Ce n’est pas possible de fonctionner comme ça», dit-on. Quant au poste de police, il a finalement été construit après des années de pression de la part des habitants. Sauf que c’est sur un terrain inondable.* «Tou dimounn ti koné li inondé laba. Aster, kan ena lapli, bizin pran pirog pou al laba»*, ironise-t-on. Quant à la sécurité routière, les motos qui roulent sans casques sont légion. Les demandes pour des dos d’âne n’ont jamais été écoutées. Ou encore, un tournant considéré comme très dangereux, qui a déjà causé mort d’homme, est toujours sans marquage au sol.
Et puis, il y a le fléau de la drogue, qui est rampant. Tous sont concernés. «Ena parfwa sa bann sofer bis lamem ou gété ou trouvé zot drogué. NTA bizin fer chek, akoz zot pé transport pasazé!» Ou encore, des passagers qui sont sous influence et qui fréquentent le lieu. Mais Jean Matombé, 64 ans et Lindsay Louise, 60 ans, tous deux habitants de Ste-Croix, sont plus pragmatiques face à ce problème. Pour eux, lorsqu’une personne est tombée dans la drogue, il est impossible de le raisonner et il lui faut des soins. «Ce n’est pas parce qu’il y a des toxicomanes que nous allons dire que l’endroit n’est pas bon» disent-ils.Ils affirment qu’il y a eu des développements récemment dans leur endroit. Les chemins sont asphaltés, le service de transport public est désormais régulier, il y a des toilettes. «On ne va pas dire que c’est à 100 % ok. Simé inn koltaré kan ti ena Père Laval sa. Mé dison li 50 % korek. Péna gro problem isi.» Toujours à Ste.-Croix, c’est un autre problème qui rend amère la vie des habitants. Comme partout dans l’île, le problème d’eau a la vie dure. Plusieurs habitants font face à un problème depuis le 22 mars dernier, et les nombreux appels à la CWA n’ont pas décanté la situation. «Nounn fer Pâques san delo. Monn bizin al lav linz kot mo belmer. Ziska ler, personn pankor dir nou ki problem la été ek kan li pou rézoud», déplore une habitante âgée d’une cinquantaine d’années.
Scène de vie à Montagne-Longue.
Crimes
En remontant dans la circonscription, le problème de drogue reste bien présent. A Montagne-Longue, c’est la préoccupation principale de pratiquement tous les habitants sondés. Joceline Marthe a 54 ans. Elle a trois petits-enfants, et se demande comment faire pour les protéger de la drogue. «Pourtant, le poste de police est juste là. Mais tout e monde sait où se déroule la vente et qui sont impliqués. Mais rien n’est fait», déplore-t-elle. D’ailleurs, elle est persuadée que c’est cela qui cause une hausse dans les crimes. «Il y a désormais plusieurs meurtres par semaine. Et vous avez vu le nombre de vieilles personnes ciblées depuis que la pension a augmenté ? Nos aînés ne sont plus en sécurité à cause de la drogue», dit-elle. La drogue, dit Neela, qui s’approche pour donner son point de vue, donne aussi lieu à une recrudescence de vols. En l’espace de deux mois, plusieurs cas ont été constatés à Montagne-Longue. Plus loin, Bundhoo, âgé de 58 ans, évoque exactement le même problème. Les propos ne diffèrent pas. La drogue touche les jeunes, et ce n’est pas nouveau. Cela fait 10 ans que les dealers sont là. Il y a eu des arrestations au fil des ans, mais le commerce de la mort n’a jamais été interrompu. Et cela a mené à une situation d’insécurité, car les vols sont de plus en plus fréquents.
Développements manquants
Le coût de la vie revient aussi sur le tapis. Neela, malgré l’augmentation de sa pension, trouve que la vie est toujours aussi compliquée. Ishwar, 67 ans et pensionnaire aussi, est du même avis. La vie est toujours aussi compliquée. «Pli pé donn kass, pli lavi pé monté. Sa kass-la fini extra vit dan laboutik sa», dit-il sans détour. Même à son âge, il doit «trasé» pour pouvoir finir le mois correctement. Quant à Dhunsoo, qui habite également le village, il a une vision radicalement opposée de la chose. A 65 ans, il estime que tout va bien dans le pays et dans son village, et il espère que rien ne changera.
Mais Jhugroo, marchand de «konfi», ne partage pas du tout le même avis. A 66 ans, il affirme qu’il a connu le moment de gloire de Montagne-Longue. C’était avant l’indépendance. *«J’ai connu ce village lorsqu’il y avait deux collèges. Ti ena enn lopital, ti ena de boulanzri, ti ena enn filing. SSR ti ena so kabiné dokter isi ! Get zordi enn kou.»*Aujourd’hui, lorsqu’il voit ce qui se passe non loin de lui, le développement de la circonscription du Premier ministre, cela lui fend le coeur. Car il aurait souhaité voir les mêmes choses chez lui. «Terre-Rouge et Notre-Dame étaient petits comparé à Montagne-Longue auparavant. Mais ce n’est plus le cas. Nous sommes insignifiants. Laba koumadir lavil aster.» L’hôpital est petit, l’appareil de radiographie est resté une promesse non-tenue, la station à essence est à Notre-Dame. Montagne-Longue n’est plus que l’ombre de ce qu’il a connu lors de sa jeunesse, et il espère revoir son village briller à nouveau…
Élus en 2019
Joe Lesjongard
Subhasnee Luchmun Roy
Joanne Tour
Bundhoo, 58 ans, est triste de voir les jeunes affectés par la drogue.
Dhunsoo, 65 ans, estime que tout va bien dans son village.
Ishwar, 67 ans, déplore le coût élevé de la vie.
Joceline Marthe, 54 ans, se demande comment protéger ses petits-enfants de la drogue
Jean Matombé, 64 ans et Lindsay Louise, 60 ans, reconnaissent qu’il y a eu des développements récemment.
Jhugroo, 66 ans, souligne que Montagne-Longue n’est plus que l’ombre de ce qu’il a connu lors de sa jeunesse
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