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Trafic de drogue
La face sombre des opérations policières
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Trafic de drogue
La face sombre des opérations policières
Lors d’une opération à Jumbo Riche-Terre, en juin, un dealer serait reparti librement…
Ces derniers mois, une série d’allégations graves impliquant des membres de la force policière ont fait surface, soulevant des questions sur leur intégrité et leur professionnalisme.
Plusieurs personnes affirment avoir été victimes de chantage de la part de policiers censés lutter contre le trafic de drogue. Ces policiers, qualifiés d’Ekip Extorsion, auraient monnayé leur silence contre de fortes sommes d’argent, permettant ainsi à des trafiquants présumés de continuer leurs activités illégales en toute impunité. En novembre 2022, l’activiste Bruneau Laurette avait déjà tiré la sonnette d’alarme en dénonçant, dans un affidavit, l’existence d’un système parallèle où certains trafiquants de drogue bénéficient de passe-droits. Cette dénonciation semble désormais trouver un écho dans des cas récemment rapportés.
Selon diverses sources, une unité de la police bien connue pour ses «opérations douteuses» serait impliquée dans un modus operandi scandaleux, soit des descentes chez des personnes suspectées de trafic de drogue, suivies de demandes d’argent pour que les suspects évitent arrestations et poursuites judiciaires. En échange de fortes sommes d’argent, ces policiers laisseraient les suspects tranquilles, sans retenir de charge contre eux. Les cas se multiplient et certains évoquent même des tentatives de kidnapping, les victimes se voyant extorquer des rançons.
Un cas récent met en lumière les pratiques de cette équipe. Lors d’une opération à Le Goulet, Baie-du-Tombeau, un policier a été intercepté, en compagnie de deux civils, en possession d’une somme d’argent et de substances suspectes. Il a affirmé qu’il était en mission «d’infiltration». Or, il en ressort qu’aucune opération de ce type n’avait été autorisée ce jour-là. Une fouille corporelle a permis de découvrir deux sachets en plastique contenant des feuilles vertes suspectées d’être du cannabis, 48 feuilles à rouler et une somme de Rs 20 745. Or, l’équipe en question, pour essayer d’étouffer l’affaire, aurait insisté sur le fait qu’il n’y avait aucune opération particulière programmée ce jour-là.
Un autre cas particulièrement choquant remonte à juin. Une opération à Jumbo RicheTerre aurait permis à une équipe de policiers de saisir une grande quantité de drogue et une somme d’argent importante. L’équipe de policiers, censée procéder à l’arrestation d’un individu en possession de cette importante quantité de drogue, aurait mystérieusement laissé ce dernier repartir librement. Selon les registres de la police, l’équipe avait bien intercepté le suspect à proximité du centre commercial de Riche-Terre mais les détails qui ont suivi la saisie de la drogue et de l’argent dans la voiture du suspect soulèvent de sérieuses questions. Des sources proches du dossier révèlent que, malgré les preuves accablantes contre l’individu, celui-ci n’a pas été arrêté, ce qui nourrit les soupçons d’une possible entente entre les policiers et le suspect. Selon des informations disponibles, l’argent et la drogue retrouvés sur place auraient influencé la décision des policiers.
Rançon
D’autre part, des incidents de kidnapping, apparemment orchestrés par des policiers viennent noircir ce tableau déjà inquiétant. Des familles ont raconté avoir dû payer des rançons pour libérer leurs proches dans une escalade de violence et d’extorsion jamais vue auparavant. V.B., un habitant de Rose-Hill, a récemment vécu une expérience traumatisante. Travaillant sur un chantier, il affirme avoir été emmené de force au poste par des policiers qui l’ont accusé d’être impliqué dans une affaire de drogue, accusation qu’il a toujours niée. «Je ne suis impliqué dans aucune affaire de drogue», maintient-il. La situation a pris une tournure inquiétante lorsque, selon V.B., les policiers ont exigé une rançon de Rs 300 000 pour sa libération, après avoir contacté sa famille. «Ils pensaient que ma famille avait beaucoup d’argent mais nous n’aurions jamais pu payer une telle somme», explique-t-il.
Sous la pression, sa famille a dû faire plusieurs démarches pour obtenir sa libération. Cependant, les policiers ne se sont pas contentés d’exiger de l’argent : lors de son arrestation, ils auraient également volé des objets de valeur à son domicile. «Je ne veux pas porter cette affaire plus loin car j’ai peur pour ma sécurité et celle de ma famille», confie cet homme, encore traumatisé par l’expérience vécue.
Marchands d’oiseaux
Une des personnes connues, qui a dénoncé ces pratiques, est l’activiste politique Bruneau Laurette. Dans un affidavit daté de novembre 2022, il avait déjà pointé du doigt des cas similaires où des trafiquants de drogue obtenaient des passe-droits. Ce type de collusion, où des policiers profitent de leur position pour extorquer de l’argent à des trafiquants en échange de leur liberté, représente une menace non seulement pour l’intégrité des forces de l’ordre mais également pour la justice en général. Le nom de deux marchands d’oiseaux revient dans de grosses saisies de drogue au cours de différentes années.
Dans son affidavit, Bruneau Laurette a fait mention d’un dénommé «B» policier de l’AntiDrug and Smuggling Unit, qui est parenté à deux marchands d’oiseaux, «ki limem ena lien direk ar plizir trafikan, ki selon informasion, zot proteze par seki nou tou kone-la». Laurette a affirmé que S., un inspecteur de l’ADSU, devait faire une descente chez Franklin et que l’opération devait avoir lieu en août 2021. Un jour avant celle-ci, le grand chef s’est rendu chez Franklin et rien n’est sorti de cette visite chez le trafiquant. L’inspecteur S. a été transféré à la Special Support Unit.
Trafic entre Maurice et La Réunion
Les enquêteurs de l’ADSU soupçonnent ces marchands d’oiseaux d’être à la tête d’une vaste importation de serins. À La Réunion, l’enquête a été menée par la gendarmerie et a révélé un trafic inattendu mêlant oiseaux et drogue. Selon les informations recueillies, un bateau a été utilisé pour transporter des serins, oiseaux prisés à l’île sœur, pour y être vendus. Cependant, les enquêteurs ont rapidement découvert que ce speed boat avait un autre objectif : il devait repartir avec une cargaison de cannabis.
En avril 2023, six suspects impliqués dans le trafic de 150 kg de zamal ont été arrêtés à La Réunion et à Maurice. Trois d’entre eux ont été arrêtés à La Réunion et sont soupçonnés d’être allés récupérer le zamal. Ils sont Benjamin Leu, Andy Patate et Jean Roddy Marcelino Meunier. En raison de mauvaises conditions météorologiques, leur bateau s’est échoué à Anse-des-Cascades à Sainte-Rose, où les gendarmes réunionnais les ont arrêtés. Jean Roddy Marcelino Meunier est soupçonné d’avoir agi comme skipper.
Par rapport à la dernière saisie de cannabis valant Rs 300 millions, les policiers de l’ADSU soupçonnent qu’un des bras droits de ces marchands d’oiseaux serait Mohammad Muzamil Raman, qui a été arrêté dans le cadre de cette saisie.
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