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La manne financière à la disposition de Padayachy

15 mai 2024, 09:29

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Un Budget, c’est bien plus qu’un exercice comptable où il faut trouver le bon équilibre entre les recettes et les dépenses. À Maurice, la loi de finances est toujours un événement national. Car c’est l’occasion pour les tenants du pouvoir d’adopter un ensemble de mesures structurelles et conjoncturelles afin d’actionner les leviers de l’offre et de la demande et, ainsi, débloquer l’accès à la croissance. Mais c’est aussi l’opportunité pour les politiques de se reconnecter avec la masse en renforçant le pacte social.

Depuis les années 2000, Rama Sithanen aura été le seul ministre des Finances le plus pragmatique. L’on se souviendra de son budget de rupture en 2006 et des réformes structurelles courageuses qu’il avait alors initiées qui ont permis au pays d’améliorer le climat des affaires. Mais ses successeurs au Trésor public, à savoir Pravind Jugnauth, Xavier-Luc Duval et Renganaden Padayachy, se sont montrés moins technocrates, renouant avec les traditions budgétaires autant dans la forme que dans le contenu.

Parmi les ministres des Finances de notre histoire récente, c’est sans nul doute Renganaden Padayachy qui a été confronté aux plus gros challenges. À peine s’était-il installé que la pandémie de Covid-19 éclatait. Peu après, le pays était placé sur la liste noire de l’Union européenne. Tel un château de cartes, l’économie mauricienne figée dans un quasi-immobilisme menaçait de s’effondrer. Face à cette situation inédite, le Grand argentier s’est vu contraint d’aller taper à la porte de la Banque de Maurice pour débloquer des sommes colossales : plus de Rs 140 milliards pour la constitution de la Mauritius Investment Corporation (Rs 80 milliards) et le financement du Budget 2020-21 (Rs 60 milliards). Quoique contestées et étant à l’origine de la pâleur actuelle de la roupie, ces mesures non conventionnelles ont permis de sauver les entreprises systémiques affectées par la pandémie, d’éviter une crise sociale sans précédent et de naviguer dans les eaux tumultueuses de la crise.

Malgré tout, le ministre des Finances ne s’est pas départi de ses idéaux socialistes. Grand admirateur de Pierres Mendès, de Thomas Piketty et de Michel Rocard, l’on serait tenté de dire qu’il a trouvé dans cette crise sans précédent un terreau propice qui lui a permis de légitimer sa philosophie d’un modèle de développement plus juste et plus inclusif. La philosophie économique de Renganaden Padayachy – on en a eu la démonstration lors de ses quatre premiers budgets – consiste à doper le pouvoir d’achat de la population à travers des incitations fiscales ou des augmentations salariales et des prestations sociales. Une telle approche dynamise la demande intérieure et la consommation, qui compte environ 75 % de notre produit intérieur brut.

Avec l’économie mauricienne retrouvant sa santé d’avant la crise, Renganaden Padayachy a, à l’occasion du dernier Budget de cette mandature, l’opportunité unique de faire valoir ses qualités d’économiste, d’expert financier et de visionnaire politique. Pour la première fois depuis quatre ans, il dispose d’une marge de manœuvre relativement confortable. Ainsi, au niveau de la Mauritius Revenue Authority, la moisson a été bonne. Le directeur général de l’autorité fiscale, Sudhamo Lal, confirmait dans ces mêmes colonnes, la semaine dernière, que les recettes fiscales tourneraient autour de Rs 160 milliards pour l’exercice 2023-24 contre Rs 137 milliards pour 2022-23, soit une augmentation de 16,7 %. Cette performance n’est pas seulement le résultat des bons résultats sur la collecte des impôts indirects liés à la consommation comme la taxe sur la valeur ajoutée, mais s’explique aussi par la reprise de l’activité économique, avec d’excellents résultats attendus sur les recettes perçues au titre de l’impôt sur les sociétés.

Par rapport à ses précédents budgets, le Grand argentier dispose d’une masse monétaire plus conséquente pour l’affectation des dotations budgétaires. Pour autant, il devra faire preuve de responsabilité dans l’administration des deniers publics. Le danger, ce n’est pas qu’il s’engage dans la voie du renforcement de l’État providence conformément à la politique gouvernementale, mais c’est qu’en raison des enjeux électoraux, il privilégie des mesures populistes folles. Il serait d’ailleurs naïf de penser que le gouvernement ne sera pas tenté d’instrumentaliser le Budget à des fins politiciennes pour donner le change à l’alliance de l’Opposition qui a déjà présenté l’esquisse de son programme socio-économique si jamais elle n’accédait au pouvoir pour les cinq prochaines années.

Au-delà des considérations politiciennes, le ministre des Finances sera jugé sur sa capacité à réimaginer l’économie en consolidant les secteurs traditionnels tout en attirant les investissements dans les secteurs d’avenir comme les énergies renouvelables, la biotechnologie, la fintech et l’intelligence artificielle.