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Ruisseau du Pouce
La municipalité fait marche arrière, «petite victoire» pour les marchands
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Ruisseau du Pouce
La municipalité fait marche arrière, «petite victoire» pour les marchands
Les marchands, lors de l’entretien exclusif des membres de Linion Moris accordé hier à «l’express».
Vers 13 h 15 hier, la nouvelle s’est vite répandue parmi les marchands opérant au Ruisseau du Pouce: leurs étals ne seront pas démolis. La raison, nous a affirmé le lord-maire, Issop Nujuraully, est que «la municipalité a pris connaissance hier matin d’un article de presse selon lequel nou finn aprann ki ena kitsoz en cour et aussi qu’une mise en demeure sera servie à la municipalité. (...) Je ne sais pas si elle a déjà été servie ou non. (...) Nous avons donc pris la décision de ne pas aller de l’avant avec la démolition jusqu’à nouvel ordre».
Du côté des marchands, si les derniers jours ont été marqués par le stress, c’est pour l’instant place au soulagement. Lors d’un point de presse accordé en exclusivité à l’express hier par Linion Moris, en présence des marchands du Ruisseau du Pouce, Me Rama Valayden a confié que «bien que la lettre que nous avons remise au lord-maire n’ait même pas fait l’objet d’un accusé de réception, néanmoins, nous sommes conscients qu’elle a eu un effet qui les a incités à réfléchir». L’avocat a rappelé que «les droits des marchands doivent être respectés» et il leur a réitéré son soutien.
Il a également appelé les marchands à rester unis et mobilisés. «Nous demandons que le lord-maire nous rencontre avec les marchands pour une négociation afin de trouver des solutions adéquates en toute transparence, en présence des journalistes, plutôt que de recourir à la force. Il doit également y avoir un engagement ferme que cela ne se reproduira pas tant qu’un endroit approprié n’aura pas été trouvé pour les reloger. Les autorités ne peuvent pas agir rapidement dans le cas des marchands, tout en étant lentes dans le cas de KFC, de Rogers et d’Air Mauritius. Je demande également à la police de se rappeler que son rôle est d’exécuter les ordres de la cour et non ceux du lord-maire.»
Ivor Tan Yan et Raouf Khodabaccus sont revenus sur l’historique des marchands de la capitale, rappelant leur parcours de la rue jusqu’au Hawkers’ Palace, puis au Ruisseau du Pouce, sachant que ce sont des êtres humains qui se sont battus pour la dignité. «Le Ruisseau du Pouce s’étend sur une distance de cinq kilomètres, et le gouvernement devrait se concentrer sur le nettoyage des débris, l’entretien de la rivière et la mise en place d’une infrastructure appropriée plutôt que sur le harcèlement des marchands», a déclaré Ivor Tan Yan.
Pour Raouf Khodabaccus, «lorsque les autorités avaient décidé de relocaliser les marchands au Ruisseau du Pouce, n’était-ce pas sur la base d’une évaluation de l’endroit par un ingénieur qui devait conclure qu’ils pouvaient y opérer ?(…) Vu la construction du métro et des problèmes d’infrastructures comme au Harbour Front, le problème des inondations à PortLouis n’est pas dû aux marchands qui opèrent au Ruisseau du Pouce. Le gouvernement devrait cesser d’utiliser les inondations comme excuse pour attaquer et éradiquer les marchands. Il devrait également réaménager le Victoria Urban Terminal pour que les marchands puissent y travailler correctement».
Me Valayden a insisté pour qu’une réunion ait lieu avec le lord-maire et a réclamé la coordination du ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo, ainsi que d’autres parties prenantes, soulignant que cette politique de deux poids, deux mesures devrait cesser. Poussant une nouvelle fois leur cri de cœur lors de cet entretien hier, les marchands se sont dits soulagés, mais fatigués d’être harcelés. «La déshumanisation systémique doit cesser. Sak fwa, zot pran nou zet nou dan diferan plas. Nous sommes des êtres humains qui travaillons dur pour gagner de l’argent en toute légalité et qui méritent le respect.» Sivajee Samynaden, propriétaire de Roti Aka, était aussi venu apporter son soutien aux marchands.
Questions à… Me Nabiil Kaufid, avocat des marchands du Ruisseau du Pouce : «Si les autorités procèdent à la démolition, elles risquent l’outrage à la Cour suprême»
Pourquoi avoir servi une mise en demeure à la municipalité de Port-Louis et au commissaire de police (CP) contre la relocalisation des marchands opérant au Ruisseau du Pouce ?
La démarche de faire servir cette mise en demeure a été une mesure nécessaire et urgente afin de prévenir les autorités qu’elles doivent respecter l’ordre de la Cour suprême. En effet, le 18 juillet 2023, la juge Gaitree Jugessur-Manna a émis un ordre de «stay of execution» en ces termes : «I, hereby, grant a stay of execution of the Order delivered by me on 28 June 2023 in application bearing Serial No. 491/2022 pending the determination of the Appeal lodged before the Supreme Court by the above-named applicants.» Ainsi, par ordre de la Cour suprême, la mairie de Port-Louis ne peut aller de l’avant avec sa décision de reloger les marchands du Ruisseau du Pouce au Victoria Urban Terminal jusqu’à ce que leur appel soit écouté sur le fond, le 17 juin de cette année. Il est aussi important de faire ressortir que dans la mise en demeure, les marchands ont aussi prévenu la mairie de Port-Louis et le CP que si l’ordre de «stay of execution» n’est pas respecté, les marchands vont sérieusement envisager d’entrer des actions légales en cour, y compris pour outrage à la Cour.
Avec cette initiative légale, les autorités peuvent-elles aller de l’avant avec la démolition des étals ?
Dans la mise en demeure servie à travers l’avoué Pazhany Rangasamy, les marchands demandent aussi à la municipalité de Port-Louis de ne pas aller de l’avant avec la démolition de leurs structures au Ruisseau du Pouce. Ils affirment qu’ils opèrent en toute légalité et en toute légitimité. C’est bon de faire ressortir que deux jours plus tôt, les préposés de la municipalité ont placardé un document sur les étals des marchands, notamment : «You are hereby requested to remove all your articles and belongings found at your stalls. Pulling down works will start as from Friday 01st March 2024.»
Ainsi, les marchands ont eu des sueurs froides et, depuis, ils travaillent avec beaucoup de frayeur et une angoisse grandissante et insupportable avec la menace imminente de la part des autorités de démolir leur lieu de travail au Ruisseau du Pouce. Je fais un vibrant appel à la municipalité de Port-Louis de respecter et de faire respecter le «stay of execution order» émis par la Cour suprême en date du 18 juillet de l’année dernière, comme stipulé clairement dans la mise en demeure qui a été servie au mairie de Port-Louis et au CP le jeudi 29 février 2024. Je saisis cette occasion pour remercier sincèrement Me Rangasamy pour son aide et son soutien indéfectible dans ce combat.
Le tribunal a déjà émis un «stay of execution» jusqu’à ce que l’appel soit entendu le 17 juin. Pouvez-vous nous en dire plus et expliquer le risque d’outrage si on détruit les étals avant ?
Pour bien comprendre le contexte, il est bon de faire un petit historique. En avril 2022, 18 de ces marchands font une demande auprès de la Cour suprême contre la décision de la mairie de PortLouis de les reloger au Victoria Urban Terminal. Le 28 juin 2023, l’honorable juge Gaitree Jugessur-Manna rejette la demande des marchands en arguant notamment l’importance de préserver l’ordre public. Par conséquent, le 12 juillet 2023, les marchands font appel de cette décision de la Cour suprême. Et en attendant d’écouter l’appel, ils demandent, le 18 juillet 2023, un «stay of execution» de la décision de la cour, qu’ils obtiennent le même jour. De ce fait, la municipalité ne peut plus aller de l’avant avec les démolitions.
Si les autorités procèdent à la démolition des étals, elles encourent le risque d’outrage à la Cour suprême. Elles devront payer des dommages moraux et pécuniaires aux clients, d’autant plus que les structures ont été construites par elles. C’est la raison pour laquelle les marchands réitèrent leur cri du cœur le plus profond aux autorités – c’est de respecter et de faire respecter l’ordre émis par la Cour suprême en date du 18 juillet 2023.
Qu’en est-il des bâtiments de Rogers, de KFC et d’Air Mauritius, ne posent-ils pas problème ?
En ce qui concerne les bâtiments de Rogers, de KFC et d’Air Mauritius, il est impératif de se tourner vers le rapport du Fact-Finding Committee présidé par l’ex-juge Bhushan Domah en 2008. Dans son rapport, ce dernier avait également recommandé la démolition des parkings d’Air Mauritius et de Rogers qui se trouvent aussi sur le Ruisseau du Pouce, et du KFC de La Chaussée, qui a été construit sur un autre ruisseau.Donc, le cri du cœur des marchands est que tout le monde soit traité avec égalité et que nul n’est au-dessus de la loi.
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