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La mythologie de l’espionnage et des scandales politiques
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La mythologie de l’espionnage et des scandales politiques
On s’attendait à une campagne explosive, avec des tirs de missiles entre les deux principales alliances qui s’affrontent jusqu’à la mort. Le public, en manque d’adrénaline et de films d’action, est servi avec les bandes sonores qui circulent depuis vendredi soir sur les réseaux sociaux.
Elles ont été diffusées peu après la rencontre entre un Navin Ramgoolam et un Sherry Singh très souriants, vendredi soir. Simple coïncidence ? À qui profiterait ce grand déballage de conversations téléphoniques tenues, apparemment, sur WhatsApp, Signal et Telegram que d’aucuns croyaient inviolables à Maurice, sans l’expertise israélienne et le logiciel-espion Pegasus, qui demeure l’arme de cybersurveillance la plus puissante du monde et qui aurait été vendue à une centaine de pays jusqu’ici ?
Dans tous les cas, les extraits des conversations entre des propriétaires de partis politiques, simples politiciens, journalistes, le commissaire de police et ses officiers, juges, magistrats, avocats, ne peuvent que glacer le sang de plus d’un. Premier constat : il y a eu des écoutes téléphoniques sur beaucoup, mais Missie Moustass, qui serait, selon le scénario mis en place, un fonctionnaire qui aurait eu (tardivement) des remords et qui entend dénoncer Lakwizinn pour son système d’espionnage, n’a pas encore tout révélé, et entend le faire à petites doses jusqu’aux élections. Pour sa part, la police est venue, hier, rappeler que l’écoute téléphonique est illégale à Maurice en citant les articles 46 et 47 de l’ICT Act, mais c’est un peu tard, le CP lui-même ainsi que ses méthodes sont exposés sur la place publique sans filet de protection.
Derrière la circulation des bandes sonores, le but est de semer la zizanie en ciblant diverses personnalités, les partenaires d’alliances, les adversaires politiques, les autorités et la presse, en mêlant du vrai et du faux, un savant mix de l’intelligence naturelle et artificielle en démontrant des infiltrations avérées, des voix authentiques et des montages sophistiqués…
À ce stade, les Casernes centrales et sa modeste IT Unit, et par conséquent le gouvernement, ignorent encore la nature des informations volées et leur degré de sensibilité. Ceux qui font le marketing pour Pegasus, qui sont aussi des marchands d’armes de destruction massive, mettent en avant leur pouvoir unique d’infiltrer un téléphone en zéro clic, à savoir uniquement en connaissant le numéro de téléphone de la cible. Ils vantent aussi auprès des commanditaires (qui ne sont souvent pas les gouvernements directement mais leurs proches conseillers ou hommes de main) la capacité du spyware «à s’autodétruire après avoir rempli sa mission : ni vu ni connu». Comme le passage d’un certain (tiens, tiens, serait-ce un homonyme ?) Missie Moustass, d’origine indienne, en juillet 2022 à Baie-du-Jacotet, quelques semaines après la démission de Sherry Singh à la tête de Mauritius Telecom après un grave conflit avec Pravind Jugnauth et son entourage.
DÈS LORS, SEPT SCÉNARIOS S’OFFRENT À NOUS :
• Scénario A : Il s’agirait d’un fonctionnaire qui était au sein d’une unité secrète et qui, pris de remords, a décidé de tout balancer, comme un lanceur d’alerte, afin que le public soit au courant et agisse en conséquence. Le but, ici, serait de mettre fin à ces pratiques illégales.
• Scénario B : Sherry Singh aurait conservé précieusement les enregistrements et attendait patiemment son heure. Il aurait choisi de les rendre publics, sous un nom aussi notoire qu’anonyme, qui renvoie à une opération secrète à Baie-du-Jacotet en juillet 2022. Il en aurait parlé vendredi soir avec Navin Ramgoolam à la rue Desforges; ce qui expliquerait leur bonne humeur. Fait rare : Ramgoolam est venu raccompagner Singh à l’extérieur, où une horde de journalistes attendait. Objectif : déstabiliser le gouvernement et provoquer des fêlures au sein de l’Alliance Lepep (par exemple le complot ourdi par plusieurs pour envoyer Adrien Duval «kraze» à Alcatraz dans le sillage de son accident).
• Scénario C : Le pouvoir essaierait d’intimider les opposants politiques et la presse en divulguant des extraits pour bien faire comprendre : nous avons encore des extraits, mais ne nous poussez pas à les rendre publics dans leur intégralité ! L’objectif serait de semer la peur afin que certains rentrent dans leur coquille et évitent de sortir pendant quelque temps (du moins jusqu’aux prochaines élections).
• Scénario D : Le fonctionnaire anonyme serait un policier qui, de concert avec ses collègues du NSS, aurait choisi d’embarrasser le CP, qui serait à la solde du pouvoir en faisant les basses besognes. Les espions des Casernes centrales sont eux-mêmes désarçonnés parce qu’une poignée seulement aurait accès aux contrôles de Pegasus. Alors que les sondages sur le terrain sont plus fréquents que jamais, la police des renseignements serait déstabilisée comme jamais auparavant.
• Scénario E : Ce serait une guerre ouverte entre conseillers actuels et anciens ; dans un monde virtuel, deux rivaux d’hier, disons comme Sherry Singh et Ken Arian, exclus depuis de la cuisine et de la stratégie de campagne, unissent leurs efforts pour faire du désordre en créant des ponts avec l’opposition, qui a besoin de faire flèche de tout bois. Ils feraient comme Rakesh Gooljaury, qui aurait transmis les secrets de Ramgoolam au clan Jugnauth. Un homme à tout faire est un Pegasus humain...
• Scénario F : Israël veut vendre ses produits et crée une page pour montrer la qualité de ses enregistrements. Missie Moustass serait un employé de Pegasus et il est payé par des puissances étrangères pour conserver au pouvoir le régime actuel et pour le déboulonner du pouvoir ! Ce serait alors une bataille entre les US, Britanniques et Indiens versus la Chine et la Russie. À cause de Diego Garcia ?!
• Scénario G : Toutes les voix sont fake et ont été générées par l’Intelligence Artificielle. Sauf que certains ont déjà confirmé publiquement que c’était leur voix et leur conversation privée...
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Le 22 juillet 2021, dans ces mêmes colonnes, on écrivait : «Pégase, ou Pegasus en latin, nous vient de la mythologie grecque. Mais aujourd’hui dans l’imaginaire collectif il ne représente pas que le cheval ailé, ami des poètes, qui symbolise la liberté et la sagesse. Pegasus – un logiciel-espion développé par des Israéliens – est devenu le symbole de cybersurveillance et d’infiltration des smartphones. Il est offert au plus offrant et est utilisé à la fois contre des gouvernements et des journalistes ! Pegasus est prisé puisque l’information est une arme qui coûte de plus en plus cher, certainement bien plus que l’ignorance.»
«Les faits sont têtus : même si ce n’est pas légal, il est tout à fait possible d’infiltrer à distance un smartphone grâce à plusieurs logiciels (le plus connu et commercialisé, étant Pegasus ; mais qu’en est-il de ceux utilisés par les services secrets des Etats-Unis, de la Chine ou de la Russie ?). Personne n’est à l’abri ; Emmanuel Macron vient de l’apprendre à ses dépens. La question se pose alors : à l’ère de l’espionnage numérique, ne nous faudrait-il pas nous montrer moins dépendants et plus méfiants de notre smartphone, qui est devenu un espion qu’on transporte partout ?»
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En juillet 2022, dans les locaux de l’express, on interrogeait Sherry Singh :
• Comment vous sentez-vous ?
• «Bon, j’ai promis certaines choses lors de ma première interview et ce soir (NdlR, hier soir), je vais aller au bout de mes dénonciations. Je ne pourrai peut-être pas montrer tous les documents mais je vais m’y référer. Je dois avouer que les récentes déclarations de Pravind Jugnauth me facilitent la vie, puisque c’est lui qui me donne l’opportunité d’aborder certains sujets que je n’aurais peut-être pas abordés.»
• La pression est grande, n’avez-vous pas peur ?
• «Pourquoi aurais-je peur ? Je n’ai pas d’ambition politique.»
Il maintient qu’il n’a aucun projet politique en tant qu’individu, mais c’est clair qu’il va jeter tout son poids dans la bataille, «parce que ce gouvernement est déjà fini». Sherry Singh insiste sur le fait qu’il n’a pas l’intention de faire de la politique active, mais sa façon d’être toujours entouré de personnes, chez lui comme chez nous, sûrement pour des raisons de sécurité, renforce, bien malgré lui, une image de politicien, qui attend sûrement son heure, quand il sera entraîné dans la danse, à l’insu de son plein gré ?
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Et le 21 juillet 2022, l’express relevait qu’il y a quelques similitudes entre le Watergate, qui a éclaté il y a un demi-siècle à Washington, DC, et le scandale du «sniffing» à Baie-du-Jacotet, qui nous surprend, tous les jours, un peu plus. D’abord sur le fond, il s’agit, dans les deux cas, d’une histoire d’espionnage. Surveillance d’ordre politique dans le premier et géopolitique dans celui qui nous concerne. Certes, les technologies d’écoute ont bien évolué en un demi-siècle. Le matériel utilisé, en 1972, était des micros, qu’on avait à dissimuler. En 2022, il y a des logiciels pour infiltrer les serveurs.
La postérité du Watergate, enquête journalistique, tient au fait qu’il a été le premier scandale politique à faire tomber un président des États-Unis. Du reste, les autres affaires à travers le monde portent depuis le suffixe «gate» : Rubygate pour le scandale impliquant Silvio Berlusconi ou Fillongate en France, ou Partygate au Royaume-Uni. Chez nous, nous avons eu, entre autres, ces dernières années, le Yerrigadoogate et le Platinumcardgate, deux enquêtes journalistiques, qui ont fait tomber un Attorney General et une présidente de la République.
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