Le don de sang devrait transcender toutes les barrières, qu’elles soient sociales, économiques ou politiques. Pourtant, une tendance inquiétante à la politisation de cette noble cause semble émerger, menaçant l’intégrité des collectes de sang. Une récente série d’annulations de collectes de sang, organisées par divers établissements et personnes, soulève des questions sur les motivations de ces décisions.

Selon des informations, un nouveau blood coordinator, encore en période d’essai à la Banque de sang, serait celui qui prend les décisions de l’annulation des collectes après consultation avec un conseiller du bureau du Premier ministre (PMO).

Depuis février, un vent de discorde souffle au sein de la Banque de sang avec l’arrivée de ce coordinateur dont le comportement et l’attitude perturbent l’harmonie parmi les employés. Ces derniers disent faire face à un traitement déplorable de sa part, lui qui ne ferait preuve ni de courtoisie ni de respect. Certains dénoncent même son attitude autoritaire, affirmant qu’il outrepasse ses prérogatives en ignorant même les directives du ministère de la Santé, se prévalant de sa proximité avec le PMO.

Alors que c’est la Banque de sang qui décide de toutes campagnes de collectes, le blood coordinator sollicite, lui, l’intervention d’un conseiller du Premier ministre pour approuver les campagnes de collecte de sang. Cependant, au lieu de faciliter ces collectes vitales, il semble que ce conseiller du PMO utilise son influence pour saboter celles organisées par des personnes ou des établissements perçus comme étant dans l’opposition.

Cette tentative de politiser la collecte de sang est dénoncée par les organisateurs. «Cette situation est hautement préoccupante car elle met en danger la vie de nombreux patients qui dépendent de ces dons de sang pour des traitements médicaux vitaux. Le don de sang ne devrait jamais être manipulé ou utilisé comme un outil politique. Chaque collecte de sang injustement annulée représente un risque pour la santé et la vie de ceux qui en ont besoin, et cela ne peut être toléré», disent-ils.

La Banque de sang, qui mène déjà une campagne assidue pour mobiliser des donneurs et sensibiliser la population à l’importance de faire don de son sang, se retrouve, elle aussi, dans une situation délicate car elle dépend des organisateurs pour faire avancer cette cause. Il est impératif que la Banque de sang, en tant qu’entité responsable de la gestion des dons, soit libre de toute influence politique ou partisane.

Des annulations en série

Dahmiantee Beeharry-Panray, ancienne directrice de la zone 4 du ministère de l’Éducation, a dû se battre pour éviter une annulation de dernière minute de la collecte de sang qu’elle avait organisée en avril. Depuis près de quatre ans, elle organise des collectes annuelles pour le compte de l’Université du troisième âge. En avril, elle avait prévu une collecte un dimanche, avec des sponsors prêts à soutenir l’événement et une mobilisation déjà en place. Cependant, deux jours avant l’événement, elle a reçu un appel de la Banque de sang lui annonçant l’annulation de la collecte sans aucune justification. Indignée, elle a dû se battre auprès du ministère de la Santé pour obtenir l’autorisation de maintenir la collecte.

Cette situation n’est pas un cas isolé. L’Universal College et le Curepipe College ont également vu leurs collectes annulées, la dernière étant prévue pour le 21 juin. Les responsables de ces établissements seraient des proches des partis de l’opposition.

La famille Jeetah, qui voulait aussi organiser une collecte de sang à Flacq, n’a pas obtenu l’autorisation de le faire. Ces annulations semblent être une fois de plus orchestrées par ce conseiller du PMO, qui filtrerait les autorisations de collecte de sang en dépit des besoins urgents de la banque de sang. La directrice de la banque et les responsables du ministère de la Santé semblent avoir été contournés dans ces décisions.

L’organisation d’une campagne de collecte de sang est un processus complexe, qui nécessite une planification minutieuse et des efforts considérables de la part des organisateurs. Cela implique notamment de trouver des sponsors, de mobiliser la communauté pour obtenir un maximum de donneurs et de coordonner avec la Banque de sang pour garantir le bon déroulement de l’événement. Cette planification est généralement effectuée sur une période d’environ un mois, ce qui implique que toutes les autorisations sont obtenues à l’avance, ainsi que les arrangements.

Annuler une collecte de sang à la dernière minute sans justification adéquate soulève ainsi des inquiétudes quant à la motivation. Pour les organisateurs, il est clair que la Banque de sang, déjà en situation critique avec des besoins croissants de donneurs, ne peut se permettre de telles ingérences. «Chaque collecte annulée représente une perte significative de potentiel de vies sauvées. Les citoyens doivent pouvoir donner leur sang en toute confiance, sans craindre que leurs efforts soient annulés pour des raisons arbitraires.»

Nous avons sollicité la version de la directrice de la Banque de sang, la Dr Janaki Sonoo. Prise dans une réunion, elle est restée indisponible.Nous restons en attente d’une réponse de sa part.