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La proposition indécente
Xavier-Luc Duval ne jouait pas la carte de l’apaisement quand il a, contre toute attente, demandé à Navin Ramgoolam de placer Khushal Lobine et Richard Duval sur sa liste. Il aurait ainsi pu libérer deux places et se contenter alors des huit tickets offerts au PMSD. Le leader des Bleus savait que cette proposition quelque peu indécente allait obtenir une fin de non-recevoir, mais ce faisant, il a rappelé à ses deux partenaires et aux membres de son parti qu’il demeure le leader qui peut, selon sa volonté, couper les têtes qui gênent son jeu sur l’échiquier.
Les coups bas et les attaques personnelles, souvent sous la ceinture, et l’inflation des mesures populistes ont pris le pas sur la bataille des idées, susceptibles de peser sur l’orientation stratégique du pays. Ce n’est pas la peine de relire les manifestes électoraux des uns et des autres partis traditionnels. Depuis l’Indépendance, notre journal souligne l’absence d’un plan stratégique sérieux – pas un de ces programmes visant à faire élire «en bloc» des candidats ethniques savamment alignés par les chefs de parti. L’immobilisme qui frappe les chefs de parti – qui ont le culot de marmonner le mot «rupture» – est leur problème existentiel. Cela ne devrait pas être le nôtre pour autant !
Libre aux leaders-fossoyeurs de creuser leur tombe politique. Ils vont bien finir par devoir partir un jour selon les lois biologiques, si celles des hommes et des femmes n’évoluent guère et ne peuvent se retourner contre eux. Ce qu’il nous faut savoir si, encore une fois, c’est par sentimentalité que nous irons voter dans, désormais, quelques semaines ou mois. Allons-nous les suivre dans le gouffre ?
À entendre les Mauriciens de la diaspora qui vivent d’autres réalités et qui regrettent de ne pouvoir voter aux législatives, on serait incapable de renouveler notre classe politique parce que nous sommes tous imbriqués dans le système, d’une manière ou d’une autre. Incapables nous-mêmes de provoquer cette rupture que nous réclamons… La diaspora n’a pas tort de se montrer si critique, voire condescendante, surtout quand l’on constate la piètre qualité de bien des candidats qui ambitionnent d’aller au Parlement. Ont-ils seulement l’honnêteté et l’imagination d’appartenir à 2024 ?
Une aubaine ! Les indécis, aujourd’hui majoritaires et silencieux, auraient pu décider, sur le papier, d’un départ neuf pour nous. Ce serait un camouflet à tous ceux qui ont été incapables de nous débarrasser de nos boulets ethniques, qui nous retiennent en arrière, attachés, plombés. Maurice, sur le plan de la représentativité féminine, n’est-il pas un pays arriéré à cause de ses politiciens arriérés qui défendent leur pré carré uniquement ?
Aujourd’hui encore, nous sommes arrivés à un tournant, ou à la croisée des chemins. Nous nous plaignons souvent de notre classe politique. Nous pouvons agir. Rien ne nous oblige à suivre aveuglément le chemin dessiné par X, Y ou Z. Nous pouvons obliger les partis politiques à se réinventer en les sanctionnant lourdement – et en choisissant la compétence citoyenne sur l’opportunisme politicien. Un virage qui pourrait alors devenir une bascule. C’est une opportunité, pour nous tous, de cesser de nous donner des ennemis, mais de nous organiser avec des citoyens éclairés en fonction des besoins de toute la nation. Puisque dans le gouvernement et dans l’opposition, la démagogie est devenue LA solution de facilité face aux enjeux complexes et préoccupants.
Donc, oui pour une évolution de nos mœurs politiques. Ailleurs, cette évolution de l’action politique conduit à l’alternance des gouvernements, dans les démocraties occidentales où deux principaux blocs ou plus s’affrontent. C’est, en effet, le mouvement du balancier contre lequel les partis n’y peuvent rien, car ils doivent subir ce changement de perspective politique, faute d’avoir pu prévoir ou incarner ce changement eux-mêmes…
Depuis 1963, année de notre création, l’express réclame des partis nationaux dont les bases ne seraient plus tributaires du découpage ethnique de notre nation. Ce n’est qu’alors que chaque parti national pourrait, sans avoir à quémander le «vote bloc», aspirer à une stable majorité pour diriger, prévoir, planifier, gérer et administrer au lieu de régner comme des regroupements mafieux qui se tirent dessus en permanence. La proportionnelle aurait favorisé des alliances post-électorales et aurait surtout évité les négociations indécentes qui ont lieu sous nos yeux de plus en plus blasés.
Violence électorale
Avant-hier, c’était Brousse, Beesoo et Surat, hier Azor ou le trio Joomun-Bheeky-Moorad. Demain, cela pourrait être n’importe lequel d’entre nous, de nos sœurs, de nos enfants, mettait en garde l’éditorial de l’express, en date du 13 mai 1965, qui concluait par ce rappel patriotique – qui reste d’actualité, peut-être même plus que jamais :
«Sur le plan politique, quel que soit notre parti, nous sommes tous du parti de l’avenir.
Sur le plan économique, nous avons besoin les uns des autres : notre Marché commun mauricien ne peut vivre et nous faire vivre qu’au prix de notre travail en commun.
Sur le plan racial, nous tendons vers une intégration culturelle et une interdépendance émotive et intellectuelle.»
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