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Propos hors de l’assemblée

La sanction contre Rajesh Bhagwan considérée comme injustifiée

9 juillet 2024, 10:22

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La sanction contre Rajesh Bhagwan considérée comme injustifiée

Une énième suspension. Le député du Mouvement militant mauricien (MMM) Rajesh Bhagwan a été suspendu pour les cinq prochaines séances. Cette sanction est tombée vendredi après que le speaker, Sooroojdev Phokeer, lui avait demandé de s’excuser pour des propos tenus quelques jours auparavant lors d’une conférence de presse. «Kifer li azir koumsa. Speaker pe azir kouma azan politik. Kouma azan MSM. Speaker inn met so manto azan politik. Pravind Jugnauth inn donn li lord», avait déclaré le député mauve. Il a non seulement refusé de s’excuser, mais il a maintenu ses propos. D’où sa suspension. Sooroojdev Phokeer a jugé que le député avait porté des accusations sur le speaker dans l’exercice de ses fonctions.

Cependant, ils sont plus d’un à croire que Sooroojdev Phokeer n’a pas respecté les procédures en exigeant que Rajesh Bhagwan présente des excuses pour des propos tenus hors du Parlement. Un spécialiste des travaux parlementaire maintient que la procédure veut que lorsqu’un speaker sanctionne un député ou lui demande des excuses, il doit citer sous quel standing order il agit. Or, vendredi, il n’a pas donné de précisions. «By uttering the above words, Hon. Bhagwan has cast aspersions on my conduct in the performance of my duties as Speaker and has offended the dignity of the House. I am therefore requesting Hon. Bhagwan to present his unreserved apologies to the House, failing which I will be left with no other alternative than to ask him to withdraw from the Chamber», a-t-il déclaré.

De plus, ajoute ce spécialiste, les standing orders ne s’appliquent que pour les travaux parlementaires. «Donc, s’il n’a pas cité sur quel standing order il s’est basé pour demander à Rajesh Bhagwan de présenter ses excuses, il est bien au courant que les propos tenus hors du Parlement ne peuvent pas valoir une sanction sous les règlements de l’Assemblée nationale, mais le speaker aurait pu agir sous la National Assembly (Privileges, Immunities and Powers) Act.» Cependant, il y a une procédure à suivre sous le standing order 74 pour prendre des actions contre tout député ayant enfreint cette loi. «Un autre député doit faire une plainte en écrit auprès du speaker pour attirer son attention sur la possibilité d’une infraction à la loi. Par la suite, il devra y avoir une motion à l’Assemblée nationale pour que le speaker propose au Directeur des poursuites publiques (DPP) de donner des directives à la police pour ouvrir une enquête. Or, lors de sa déclaration vendredi, le speaker n’a jamais dit qu’il y a eu plainte en écrit. Il a dit : “It has been brought to my attention that Hon. Bhagwan has stated the following to my address in a press conference this afternoon”», explique-t-il.

Le député du Parti travailliste, Shakeel Mohamed, a déjà fait l’objet d’une enquête pour des propos jugés blessants à l’égard de l’ancienne speaker, Maya Hanoomanjee. Celle-ci avait alors réclamé au bureau du DPP d’enquêter après le vote d’une motion au Parlement. «Le Central Criminal Investigation Department avait même convoqué Sanjeev Teeluckdharry, le speaker adjoint d’alors, pour l’enquête. Sooroojdev Phokeer n’a pas le droit de sanctionner un député pour des déclarations tenues hors de la Chambre. Il aurait dû demander au DPP et et à police d’enquêter. Le speaker a dit que son attention a été attirée. Par qui ? À quelle heure ? Comment cela a été fait ? Sooroojdev Phokeer n’a pas les moyens d’enquêter. Encore une fois, il interprète d’une façon erronée les standing orders. Il l’a fait à plusieurs reprises ces derniers temps. Je ne fais pas d’allégations sur lui, mais je fais des critiques constructives», précise Shakeel Mohamed.

De son côté, un ancien speaker affirme que tout citoyen tout comme un speaker a le droit d’être protégé contre la diffamation ou autres propos qui portent atteinte à sa réputation si ces propos ne peuvent pas être justifiés. «Un speaker a le droit de sanctionner pour des propos tenus dans l’enceinte du Parlement ou ailleurs s’il se sent diffamé. Il faut savoir qu’il y a aussi des lois contre la diffamation. Il y a eu un jugement sous le speakership de Ramesh Jeewoolall. La Cour suprême avait dit qu’il est possible de critiquer, mais dans la mesure où la loi est respectée et il faut pouvoir soutenir les propos.»

Shakeel Mohamed a une autre interprétation. «Je le repète. Notre speaker interprète d’une façon erronée les standing orders. En Angleterre, il y a eu des amendements aux standing orders pour permettre au speaker de sanctionner des élus pour leurs actes hors de la Chambre, mais ce n’est pas le cas à Maurice. Il n’y a pas eu ce type d’amendement aux règlements. Ce qui est drôle dans l’histoire, c’est que si un député se sent lésé par une décision du speaker et qu’il saisit la Cour suprême, l’affaire durera tout un mandat. C’est ma situation actuellement. La Cour suprême n’a pas encore statué dans mon cas alors que le Parlement sera bientôt dissous. Elle aurait pu dire que j’ai eu tort ou le speaker a tort. Peu importe le verdict, c’est la démocratie qui aurait primé.»

Quant à Rajesh Bhagwan, il maintient ses propos.