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Diego Garcia
La souveraineté mauricienne face à l’équation nucléaire
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Diego Garcia
La souveraineté mauricienne face à l’équation nucléaire

Le différend historique entre Maurice et le Royaume-Uni sur la souveraineté de l’archipel des Chagos, y compris l’île de Diego Garcia, a franchi une étape décisive. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a présenté, à la Chambre des communes, mardi, le 15 juillet, le «Diego Garcia Military Base and British Indian Ocean Territory Bill», première étape législative vers la mise en œuvre de l’accord. Mais un point sensible demeure : la présence de la base militaire américaine sur Diego Garcia et le respect des engagements internationaux de Maurice, notamment ceux liés au Traité de Pelindaba.
La base navale de Diego Garcia est depuis longtemps un pivot stratégique du dispositif militaire des États-Unis dans l’océan Indien. Elle accueille régulièrement des sous-marins nucléaires d’attaque (SSGNs), des navires de soutien logistique, ainsi que des bombardiers lourds B-2, tous capables de transporter des charges nucléaires. Dans le cadre des accords bilatéraux entre Washington et Londres, le transit du matériel nucléaire vers ou à partir de Diego Garcia est toléré, bien que le niveau exact de stockage nucléaire demeure inconnu.
Maurice, de son côté, est État partie du Traité de Pelindaba, qui établit une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique et dans ses îles. Ce traité, en vigueur depuis 1996, interdit non seulement l’usage mais aussi la présence, le stationnement et le transport d’armes nucléaires sur tout territoire relevant d’un État signataire, ce qui inclut expressément Diego Garcia, que Maurice revendique et que Londres reconnaît désormais comme relevant de sa souveraineté.
Dès lors, une contradiction de fond apparaît : si Maurice devient pleinement souverain sur Diego Garcia, le pays devra faire respecter le Traité de Pelindaba. Cela impliquerait l’interdiction de toute présence de matériel nucléaire sur l’île, ce qui remettrait en question la valeur stratégique de la base pour les États-Unis, dont une partie des capacités repose précisément sur le soutien à des plateformes nucléaires.
Le gouvernement mauricien a toutefois déclaré qu’il permettrait la présence continue de la base militaire américaine via un bail. Mais le maintien de cette base devra s’opérer dans un cadre légal conforme aux obligations internationales de Maurice. En l’état actuel, la présence d’armements nucléaires violerait les engagements du traité, sauf modification de ses termes ou dérogation clairement encadrée.
Ce dilemme n’est pas passé inaperçu à Londres. Lors d’un débat au Parlement britannique, le député conservateur James Cartlidge, porte-parole de l’opposition sur la Défense, a exigé des clarifications urgentes. «Notre capacité à opérer à Diego Garcia sera-t-elle pleinement souveraine ou soumise à de nouvelles règles, qui menacent notre liberté d’action ?», a-t-il demandé. Il a également critiqué le manque de transparence autour du nouvel accord et de ses implications sécuritaires. De son côté, le député travailliste Luke Pollard a tenté de se montrer rassurant. «La protection à long terme de la base sur Diego Garcia a été une priorité partagée entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Cet accord garantit son avenir.»
Reste à savoir si les termes du Traité de Pelindaba peuvent coexister avec la réalité militaire sur Diego Garcia. Nous avons tenté de contacter l’Attorney General, Mᵉ Gavin Glover, afin d’obtenir des précisions sur la position officielle de l’État mauricien concernant l’application du Traité de Pelindaba dans le contexte du maintien de la base américaine à Diego Garcia. Cependant, au moment où nous mettions sous presse, l’Attorney General n’avait toujours pas retourné nos appels.
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