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La transparence noyée dans l’opacité
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La transparence noyée dans l’opacité

Ajay Gunness, ministre des Infrastructures, devait se retrouver aujourd’hui devant la presse pour le lancement du Land Drainage Master Plan (LDMP). Hier après-midi, ce dévoilement a été annulé. Le mystère persiste sur la non-publication de ce document, pourtant crucial, qui a englouti près de Rs 70 millions. Une somme colossale, pour un rapport qui dort encore dans les tiroirs de l’administration, loin des regards du public. Ce souci de non-transparence n’est pourtant pas nouveau. Déjà, en juin 2022, lors d’une PNQ posée par Xavier Luc Duval, Bobby Hurreeram, alors ministre des Infrastructures, s’était retranché derrière un silence embarrassé, évitant soigneusement de répondre à la nécessité de rendre public ce plan élaboré par des experts australiens pour identifier les zones inondables de Maurice.
Depuis, rien ou presque. Pendant ce temps, les réalités du terrain, elles, ne se sont pas figées. Les inondations répétées, aggravées par le changement climatique, ont ouvert la voie à une potentielle crise sur le marché immobilier. Car qui, de nos jours, osera investir ou construire sur un terrain dont la situation inondable reste une énigme ?
Il existe, ailleurs dans le monde, des mécanismes de prévention et d’information plus ouverts. Aux États-Unis, par exemple, les risques naturels sont clairement répertoriés par zones codées en couleurs : le bleu pour des risques modérés, le rouge pour les zones les plus vulnérables. L’acheteur est informé de ces risques avant toute transaction et peut prendre une décision en toute connaissance de cause. En outre, une liste des sinistres passés ainsi qu’un historique des indemnisations perçues doivent obligatoirement être fournis. Une transparence indispensable dans des marchés immobiliers où les enjeux financiers sont considérables.
En France, près de 10 % du parc immobilier se situe en zone inondable. Certains biens restent pourtant attractifs malgré les risques, car tout repose sur un équilibre entre rentabilité et sécurité. Le plan des zones à risques, régulièrement mis à jour, est consultable par tous. Cet accès à l’information permet de gérer les risques en amont et de réduire les possibilités de mauvaises surprises.
À Maurice, la situation est bien différente. Permis de construire distribués à tour de bras, vérifications bâclées, voire inexistantes… et dans certains cas, des dessous-de-table qui facilitent ces pratiques douteuses. Résultat : des constructions en zones vulnérables et une frilosité gouvernementale à exposer l’ampleur du problème au grand jour. Mais peut-on se permettre de rester prisonniers de l’opacité dans un pays où la propriété foncière revêt un caractère sacré, quasi-émotionnel ?
En 2017, la création de la Land Drainage Authority avait été annoncée comme un progrès majeur. Des travaux de drains, évalués à Rs 1,3 milliard, devaient être réalisés sur trois ans. En 2018, on promet l’acquisition d’un modèle numérique de terrain à haute résolution, appuyé par des images satellitaires, pour cartographier précisément les zones inondables. Le Budget 2019-2020 évoque alors 40 zones à risques critiques, avec une enveloppe de Rs 650 millions supplémentaires. En 2020, le coût des travaux atteint Rs 1,2 milliard. Et en 2021, ce chiffre bondit à Rs 11,7 milliards pour les trois années suivantes.
Pourtant, malgré ces annonces, les résultats palpables tardent à se manifester. Le LDMP, qui pourrait éclairer la situation, reste une ombre administrative. Le laisser croupir dans le silence, c’est alimenter un terreau fertile à la corruption et au gaspillage de fonds publics.
Les autorités doivent impérativement sortir de cette spirale du secret. Il en va non seulement de la crédibilité des institutions, mais aussi du droit fondamental des citoyens à être informés sur les risques qui pèsent sur leurs biens. Chaque retard dans la publication de ce plan accroît la méfiance et les spéculations. Il est temps de lever le voile. Le Mauricien lambda, après des années de sacrifices pour acquérir un terrain, mérite la vérité. Pas demain, pas dans un an : maintenant.
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