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Meurtre de Nancy Merle

La triste fin d’une victime de violence conjugale

2 juillet 2024, 18:00

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La triste fin d’une victime de violence conjugale

La maison qu’elle habitait à Résidence Argy est désormais déserte. Non loin de celle-ci, ses parents et ses proches, habitant une autre maison, tentent en vain de retrouver le calme en nous parlant. Le décès – révélé ensuite comme un meurtre – de Nancy Merle (photo), 28 ans, ne laisse que des larmes et un sentiment collectif de trahison et de colère chez les membres de sa famille, déterminés à ne pas baisser les bras jusqu’à ce que toute la vérité soit connue et que justice soit faite.

Une femme «toujours joviale depuis sa jeunesse. Elle aimait passer du temps en famille et aidait toujours ceux qu’elle pouvait», relatent ses proches. Ses parents se séparent alors qu’elle est encore enfant et, après le deuxième mariage de son père, elle est aimée et prise en charge par sa belle-mère, sa tante, et elle grandit en étant protégée par tous les membres de la famille. Mais les sept dernières années de Nancy Geralda Merle, née Catapermal, sont marquées par une lutte contre les réalités complexes et dangereuses de la violence conjugale.

«Li ti swiv bann kour. Elle aimait la pâtisserie. Li pa ti pe travay», explique sa tante. C’est sur les réseaux sociaux qu’elle fait la connaissance de Jonathan Merle, dont elle tombe amoureuse. Peu après, le couple se marie et s’installe dans la maison située à Résidence Argy, propriété du père de Nancy dont celui-ci lui a fait cadeau.

Mais les choses tourneront mal entre le couple. «Nathan (NdlR, Jonathan Merle) était de nature calme et en très bons termes avec nous. Les voisins nous ont cependant dit qu’ils entendaient des cris et des bruits provenant de la maison, qu’il l’agressait verbalement jour et nuit. C’était très difficile à croire, étant donné qu’il se présentait comme quelqu’un de très aimant.» Avec le temps, la violence devient physique.

Nancy et ses deux enfants..jpg Nancy et ses deux enfants.

Nancy Merle commence alors à se confier à ses amis, à quelques membres de sa famille et, en juillet 2020, elle approche l’activiste sociale Jenssy Sabapathee, fondatrice de la page Facebook Respecter Nous, créée en 2020 dans un élan de solidarité envers les femmes victimes de violence conjugale. «C’était devenu un cycle, connu de nous, dans lequel elle était piégée. Nathan se disputait avec elle, puis l’apaisait. (...) Sa première grossesse lui a causé des complications telles que l’hypertension et le diabète. Sa deuxième grossesse s’est déroulée sans problème et elle n’a pas eu besoin de traitement car elle était en bonne santé. Elle aimait ses enfants. Avec le temps, la situation est devenue plus complexe car, malgré les actes de violence, Nancy ne voulait pas porter plainte contre son époux, pensant qu’il risquait de perdre son emploi», explique la famille.

Mais la liaison extraconjugale de Jonathan Merle a finalement poussé Nancy à se défendre, aux dires de sa tante. «Elle lui a continuellement demandé de quitter sa maison et de s’en aller. Dans la nuit du 8 mai, une violente dispute s’est produite et elle s’est rendue au poste de police et elle a fait les démarches pour avoir un protection order.» Mais Nancy Merle n’a pas survécu pour l’obtenir.

Soupçons renforcés contre l’époux

Le samedi 1ᵉʳ juin, Nancy Merle a passé beaucoup de temps avec ses proches. Le dimanche 2 juin, vers 17 heures, le père de Nancy a reçu un appel de Jonathan Merle, expliquant que sa fille s’était écroulée au sol. Il l’a appelé peu après pour lui dire qu’elle ne respirait plus et qu’il avait déjà alerté les services d’urgence. Lorsque les proches de Nancy se sont hâtés à son domicile, ils ont été choqués de voir la moitié de son corps sur un matelas pour enfant, l’autre moitié sur le sol. Il y avait également quelques traces de vomissure sur ses vêtements et le matelas. Les urgentistes ont constaté son décès et son corps a été transporté à la morgue de l’hôpital de Flacq pour l’autopsie.

Cependant, l’époux a refusé l’autopsie, expliquant que sa femme était diabétique et obèse. Il a même fourni un certificat de santé et a demandé qu’un examen postmortem soit fait à la place. Le chef du département médico-légal de la police a procédé à un examen postmortem sur la dépouille de Nancy Merle et a conclu qu’elle est morte suite à une left ventricular failure, soit une insuffisance cardiaque. Les funérailles de Nancy Merle ont eu lieu le mardi 4 juin.

Mais les actions et le comportement de Jonathan Merle ont rapidement éveillé les soupçons des membres de la famille. «Nathan n’a exprimé aucun signe de tristesse, a agi normalement, a donné des explications incohérentes, a supprimé le compte Facebook de Nancy, a formaté son téléphone et y a inséré une nouvelle carte SIM. Au vu de tous les témoignages d’amis et de Jenssy Sabapathee qui sont venus nous voir, nous avons acquis la certitude que cette affaire ne s’arrêtait pas là.»

Le 13 juin, le père de Nancy Merle a déposé plainte au poste de police de Flacq, accompagné de Mᵉ Sheren Govinden, réclamant une enquête pour savoir si elle était décédée de cause naturelle. La Criminal Investigation Division (CID) de Flacq a auditionné plusieurs personnes, dont Jenssy Sabapathee. Elle a expliqué que l’époux avait demandé à Nancy de se faire avorter lorsqu’il a appris sa deuxième grossesse et que la relation s’est détériorée après l’accouchement. De plus, les maîtresses du suspect avaient pris l’habitude d’envoyer des messages insultants et dégradants à Nancy.

Jonathan a été arrêté et est en détention depuis le 24 juin. Au bout de quelques jours, il a fini par craquer et il a relaté comment il s’y était pris pour tuer la jeune femme, en présence de leurs enfants en bas âge, une fille âgée d’un an et demi, et un garçon de quatre mois. Une énième dispute avait éclaté plus tôt au sujet de l’infidélité de Jonathan. Ce dernier avait cassé la tirelire de Nancy pour prendre de l’argent qu’il comptait remettre à sa maîtresse pour qu’elle se fasse avorter. Il a alors donné un coup de poing à Nancy. Elle a perdu l’équilibre et a atterri sur le petit matelas. Il a expliqué aux enquêteurs qu’il a alors pris un oreiller et a étouffé la jeune femme. La CID de Flacq soupçonne cependant l’implication d’une tierce personne et l’enquête se poursuit.

Jonathan Merle a procédé à une reconstitution des faits mardi dernier sous forte escorte policière à Argy. Les enfants de Nancy ont été provisoirement placés sous la responsabilité de leurs grandsparents paternels à Baie-duTombeau. La petite n’arrête pas de réclamer sa mère. Le jour des funérailles, elle a dit à tout le monde que sa mère faisait «dodo». Les officiers de la Child Development Unit suivent l’affaire de près.


Plusieurs sons de cloche

Les proches de Nancy Merle soulèvent des doutes. «Quand on a vu sa dépouille, ti ena tras ble lor so lame partou. So lame ti vinn mov ena plas, so lalev li ti fini refrwadi. Ses pieds étaient enflés et devenus bleus.» Toujours aux dires de la famille : *«Nous sommes reconnaissants envers la police qui nous a écoutés et a ouvert une enquête après que nous sommes allés déposer plainte. Cependant, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que si une autopsie avait été pratiquée, les choses auraient été différentes car la vérité aurait été révélée à ce moment précis. (...) D’un côté, une enquête policière approfondie après l’examen post-mortem a été ordonnée, comme l’a rapporté la presse, mais de l’autre, la dépouille nous a été remise pour l’enterrement. Qu’est-ce que les autorités auraient voulu enquêter de plus, une mort naturelle et un corps enterré ? Et maintenant, Jonathan a avoué avoir commis un meurtre en l’étouffant.» *Jenssy Sabapathee a expliqué : «Les officiers de la CID de Flacq ont fait un travail formidable. Ils ont été à notre écoute. Si nous n’avions pas apporté toutes les preuves concernant son passé de victime de violences domestiques, ce meurtre aurait été considéré comme un décès normal et son meurtrier serait resté en liberté.»

Une source officielle qui connaît ce dossier a expliqué qu’«aucune blessure n’a été constatée sur le visage de Nancy Merle, constat fait aussi par écrit par les urgentistes qui sont intervenus lors de ce drame». Mᵉ Sheren Govinden a dit de son côté être reconnaissant envers le travail des officiers de la CID de Flacq «qui permet de rétablir la confiance dans les forces de l’ordre». Les proches de Nancy ont affirmé : «Nous nous en tiendrons à notre demande d’exhumation de sa dépouille pour une autopsie afin que nous puissions comprendre ce qui lui est réellement arrivé et qu’elle obtienne justice. Nous le ferons pour que d’autres femmes ne subissent pas le même sort, ou que les victimes de violences conjugales et de meurtres ne soient pas enterrées sans justice parce que leur mort passerait pour naturelle et que leurs meurtriers continueraient à circuler librement.»