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La troisième voie

8 juin 2025, 03:12

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Tout système politico-économique connaît ses limites. L’ancien régime, qui s’était engagé dans une voie tortueuse en privilégiant un modèle de développement trop socialiste, l’a appris à ses dépens.

L’on se rappellera qu’alors que la crise battait son plein, l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, se montrait audacieux lors de la présentation du Budget 2020-2021, revendiquant une nouvelle approche à la trajectoire du progrès économique et social : l’économie de la vie. Pendant les quatre années suivantes, le gouvernement d’alors allait rester cohérent dans sa politique économique en approfondissant l’État providence et en allant à contre-courant des recommandations de la Banque mondiale qui, depuis le début des années 2000, tire la sonnette sur la crise démographique dans laquelle le pays s’enlise et la nécessité de réformer le système des pensions.

On le sait : cette politique fiscale expansionniste a contribué, partiellement, à dégrader les finances publiques, à creuser la dette publique, à alimenter l’inflation et à affaiblir la roupie. Partiellement, car on ne peut occulter la pression extrême à laquelle notre petit État insulaire a été soumis, en raison de la pandémie et la guerre en Ukraine et leurs effets pernicieux sur l’économie et les chaînes d’approvisionnement. Malgré l’état des finances publiques et des institutions démocratiques dont certaines ont été vidées de leurs réserves, il faut reconnaître que la politique économique centrée sur la consommation est loin d’être un échec. En témoignent, les résultats financiers en nette progression des grandes entreprises ces deux dernières années.

Il n’empêche que le modèle de développement prôné par l’ancien gouvernement n’était pas pérenne et que tôt ou tard, on allait être rattrapé par certaines réalités sociales, comme la crise démographique qui se caractérise par l’effet conjugué du vieillissement de la population et de la baisse du taux de natalité. Pour faire simple, les études actuarielles ont démontré que l’espérance de vie à Maurice tourne aujourd’hui autour de 74 ans, contre 60,4 ans en 1963. Alors que le taux de natalité a reculé de 2,2 par femme (chiffre de 1984) à 1,4 par femme ces jours-ci. D’après les prévisions, le nombre de personnes âgées d’au moins 60 ans, actuellement autour de 271 000 âmes, va grimper progressivement à 288 000 en 2027, 325 000 en 2037, 348 000 en 2047 et 350 000 en 2057. Pendant ce temps, la population mauricienne, autour de 1 261 000 d’individus, va se rétrécir à 1 million d’habitants à l’horizon 2057. Cela veut dire que si l’âge d’éligibilité à la pension de vieillesse (prestation non contributive) décrétée comme devant être universelle par sir Seewoosagur Ramgoolam depuis 1958 est maintenu à 60 ans, à l’avenir, 1,5 individu en âge de travailler devra soutenir le paiement de la Basic Retirement Pension pour chaque pensionné. Ce ratio se situe présentement autour de 2,7. Cela veut aussi dire que chaque Mauricien devra accroître significativement sa productivité et qu’il faudra doubler, voire tripler la main-d’œuvre étrangère pour répondre aux besoins de capital humain.

Donc, d’un point de vue économique, la réforme du système des pensions trouve une justification. Mais tout le ramdam autour de cette réforme est, dans une certaine mesure, également justifié car le gouvernement du jour n’a pas pris la peine d’engager une consultation populaire sur une réforme aussi vitale touchant la vie de chaque Mauricien. Comme nous l’avons souligné, cela fait plus de 20 ans que la Banque mondiale met en garde contre la bombe à retardement qu’est la crise démographique. Pour avoir initié la réforme des retraites – celle-ci s’est étalée sur la période 2008 à 2018 –, le Premier ministre avait l’option de faire de la réforme des pensions l’un des thèmes de la dernière campagne électorale. D’où le tollé actuel.

Ce gouvernement se doit de pratiquer un langage de vérité. Il y a certaines communications qui ne sont pas exactes à 100 %. Comme affirmer que c’est à cause de l’ancien régime que la dette publique a atteint le seuil psychologique des 90 %. Ainsi, selon les chiffres officiels, la dette publique a augmenté en valeur nominale de Rs 608,25 milliards en décembre 2024 à Rs 641,99 milliards en juin 2025. Cette dette de Rs 33,74 milliards a été contractée durant les premiers mois de cette mandature, à travers l’émission de bons du Trésor sur le marché domestique. Décidé à emprunter une troisième voie s’éloignant du modèle de social-démocratie de l’ancien régime, le gouvernement devra faire attention à bien expliquer sa vision de la future île Maurice qu’il entend bâtir. Les agents économiques, y compris la population, aspire à plus de clarté.

Revenons à la réforme des pensions. On a eu un début d’éclaircie avec la décision du gouvernement d’instituer deux comités ministériels devant se pencher sur les catégories d’individus qui seraient susceptibles de bénéficier d’une forme de soutien dans le cadre de cette réforme. Il s’agira d’une forme de ciblage ou de soutien financier, avec le retour du means test (enquête sur les ressources), exercice initié par le gouvernement MSM-MMM en 2004 dans le cadre d’un premier projet de réforme des pensions.

P.S. Les chiffres mentionnés sur les prévisions actuarielles émanent du rapport de MCB Focus : Rising up to the demographic time bomb de mai 2019.

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