Publicité

Kronik KC Ranzé

La vérité si je mens

27 juillet 2025, 05:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

«Baisse significative du pouvoir d’achat… hausse du coût des matières premières et du fret… montée du dollar…, pénurie de devises sur le marché local… augmentation des loyers commerciaux… taxes et autres charges…» vont, selon un article de presse dans le Défi, mener à «une crise économique imminente» grâce à des «ventes en chute libre dans plusieurs secteurs». Par plus de 50 % dans certains domaines, ajoute-t-on. Et Ignace Lam d’être cité pour une tablette de chocolat qui est passée de Rs 60 en janvier à Rs 300 actuellement…

Tout cela fait vraiment un peu catastrophiste, si vous voulez mon avis, même s’il y a certes des raisons objectives d’anticiper des baisses de vente au cours des mois qui suivront… L’enquête d’Analysis de Kantar confirme cela ponctuellement, mais suggère que les espoirs de jours futurs meilleurs sont à 20 points au-dessus des perceptions actuelles….

Par exemple, on taxe désormais les voitures plus fortement : les ventes vont donc certainement baisser ! Surtout après un mois de juin euphorique… Attendons voir si les recettes fiscales supérieures espérées par le gouvernement se matérialiseront, malgré l’élasticité de la demande. Il y avait un bénéfice subsidiaire recherché : la progression du parc automobile, forte au point de déborder le réseau routier et de l’encombrer au-delà du raisonnable, devrait ralentir.

Pour la tablette de chocolat, on a certes doublé la taxe sur le sucre, dont on veut réduire la consommation pour des raisons médicales, mais le chiffre que l’on met dans la bouche d’Ignace Lam n’est pas logique. Soit on l’a mal cité, soit la chaîne d’approvisionnement (importateur, distributeur, détaillant) a augmenté ses marges au-delà du raisonnable — ce qui n’est pas acceptable sauf si l’on souhaite refroidir le client pour toujours ! On m’assure que des tablettes de chocolat de Rs 60, ça n’existait pas….

Pour revenir aux facteurs cités pour la «baisse du pouvoir d’achat» (ce qui n’est pas la même chose que des augmentations de prix…), ce n’est, pour commencer, plus pertinent de parler de la montée du dollar pour le moment. Depuis avril 2024, le dollar est à peu près stable à Rs 46/47 et il baisse depuis mars 2025 à Rs 45/46, grâce à Mr Trump…. Il y a bien eu une solide augmentation des prix, de 43 % en 10 ans, mais l’inflation est aujourd’hui mieux maîtrisée, la seule hausse substantielle récente étant celle de l’alcool et du tabac (+ 8,5 % en juin), dûment taxés à nouveau au dernier budget. Selon Index Mundi, le prix des commodités a été généralement stable ou à la baisse depuis 12 mois (sauf pour le gaz, le café, les viandes, les huiles, les fertilisants et… l’or), et les taux de fret baissent depuis la pointe de juillet 2024, y compris pour les containers. Affirmer et répéter le contraire, ad nauseam, ne changera rien objectivement. Les faits demeurent et sont têtus.

Le consommateur moyen note surtout les augmentations de prix et c’est, évidemment, ce dont il parle. Ceux sondés par Analysis estiment ainsi à 84 % que les prix augmentent, 8 % disant que les prix sont semblables et 7 % qu’ils ont baissé. Or, le panier de consommation courante suivi par la rédaction de l’express depuis 2019, qui n’a aucune prétention de dédoubler l’indice de 824 produits du CPI et qui est sans médicaments, sans légumes, sans alcool, sans transport, etc.… est bien plus nuancé. Sur 35 produits, 12 n’ont pas augmenté de prix ou ont même baissé cette dernière année. Par contre, les augmentations vont du «normal» à l’inexplicable…. (Tableau I)

LEXPRESS_2025_07_27_web-8.jpg

Par ailleurs, nous avons eu un budget qui, tentant de réduire un déficit de 9,8 % du PIB et repayer une dette ayant déjà atteint 90 % du même PIB nous a clairement invité à moins de consommation et à plus d’investissement ! On vivait clairement au-dessus de nos moyens et on importait bien plus que ce que nous pouvions nous permettre. Qui croit encore que l’on pouvait rectifier le tir SANS changer nos habitudes (et nos erreurs !) les plus coûteuses ? Le gouvernement a courageusement réformé la pension universelle ; tellement politisée, qu’elle était devenue très lourde, tout en promettant de grosses difficultés futures. Lire par exemple, Azad Jeetun (*)

Il y aura donc certainement une baisse de la consommation ! Mais ce n’est pas ce qui mènera à une crise économique ! Ce qui pourrait par contre nous y mener avec bien plus de certitude c’est s’il n’y avait pas une hausse des investissements et des exportations pour redresser la barre financière du pays, aidé en cela par une amélioration de l’éthique du travail ! Et à une productivité accrue.

À écouter les discours prononcés mercredi pour lancer ER (la fusion ENL-Rogers), la synergie privé-public est bien là, si l’on se fie aux seuls mots. Mais les mots suffisent rarement ! Ne dit-on pas qu’un mot qui ne devient pas écrit est un mot inutile et qu’un écrit qui ne devient pas action est un écrit tout aussi infertile ? Pour tenter d’assurer de la croissance il faut donc, au minimum, que les dossiers qui existent déjà soient approuvés… Libérés !

Le temps qui passe a un coût dont on peut bien se passer au temps des «caisses vides» !

En parlant de productivité, un employeur nous expliquait cette semaine un des effets inattendus mais pervers du Revenu minimum garanti avec le «topping up» de tout salaire de moins de Rs 20,000. Ainsi, un employé au salaire minimum de Rs 17,110 qui pouvait être incité à toucher un bonus de productivité le menant à Rs 20,000 par mois peut maintenant décrocher et attendre, à la place, le «top up» de la MRA… La motivation du gouvernement était positive. La situation de l’employé est maintenue. Cependant qu’au niveau de l’entreprise (et du pays), la productivité a baissé ! Et il faudra peutêtre même alors recruter (un travailleur étranger possiblement, qui exportera une partie de ses salaires ?) pour faire le travail que la prime de productivité ne réussit plus à concrétiser…

Pour faire simple, l’électoralisme débridé a beaucoup affaibli ce pays en l’habituant à la promesse du facile. Consommer est un acte de facilité. Raisonner pour produire avec efficacité est bien moins simple. Mais salutaire pour échapper à l’illusoire…

********* 

Fait surprenant. C’est un président des États-Unis qui, cette semaine, annonçait que le prix des médicaments US allait baisser, grâce à «a certain talent that I have…». Non pas par 30 ou 40 %, mais par… 1000 %, sinon 1500 %, ou encore 500 % ou 600 % (**). Cette annonce stratosphérique, était-ce aussi pour détourner l’attention de l’affaire Epstein ? Peut-être…. Ce qui n’est pas sans rappeler d’autres idées géniales de Mr Trump dont celle qui proposait d’injecter l’humain de javel pour guérir du Covid….

Car, sauf si le «génie stable» a effectivement réinventé le fondement des mathématiques ; 100 % de réduction ramenait déjà, du moins jusqu’ici, les prix à zéro alors qu’un plus fort pourcentage mènerait les compagnies pharmaceutiques à vous payer à l’achat de leurs médicaments !

Ce qui serait plus facile à envisager que de réduire son déficit budgétaire, sa dette pharaonique et son déficit commercial par… 1000 % ? Talent spécial ou pas !

********* 

«Que le rapport sur la tragédie du vraquier Wakashio… n’ait pas été rendu public révèle un cynisme profond des autorités gouvernementales face à la VÉRITÉ et une insolence inadmissible vis-à-vis de citoyens de qui l’on ose encore demander… un mandat de confiance ! Comment, en effet, faire confiance à ceux qui refusent de vous faire confiance en retour ?

Un gouvernement qui refuse la transparence et qui croit que c’est son droit de décider si ses mandants, les électeurs, ont le droit de savoir, est un gouvernement chenapan, suffisant, capable de tout, y compris bien sûr de cacher ce qui n’est pas à son avantage. La vérité est rarement pure et jamais simple.

La vérité peut faire mal. La vérité peut choquer et déstabiliser. Mais la certitude reste que la seule et unique fondation sur laquelle on peut constater nos faiblesses, corriger nos insuffisances et reconstruire mieux, c’est celle de la VÉRITÉ.»

Les trois paragraphes qui précèdent ont été écrits, mot pour mot, le 11 août 2024 et s’adressaient au gouvernement précédent (***).

Ils s’adressent désormais, avec encore plus de force, au gouvernement actuel qui, au 5ᵉ anniversaire du naufrage du Wakashio et après Dix mois de pouvoir ne peut toujours pas se résoudre à publier le rapport du Court of Investigation et ainsi faire un contraste libérateur de plus avec la décision de Pravind Jugnauth d’en bloquer la publication le 27 décembre 2022. Arvin Boolell avance que des cas en cour, une enquête de la Police et le DPP bloquent la publication. Serait-il à ce point facile de bloquer la publication d’un rapport de commission d’enquête en… mettant un cas en cour ?

Élu sur un mandat de transparence, qu’est-ce qu’ils attendent vraiment pour le démontrer ? Pour le Wakashio et le reste d’ailleurs… Seule la vérité libère…

(*) https://lexpress.mu/s/the-cost-of-demagogy-547677

(**) https://www.youtube.com/shorts/TTzIsrHyEXE

(***) https://lexpress.mu/s/chut-secret-ce-nest-pas-pour-les-enfants-537253

Publicité