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L’alerte réunionnaise vaut aussi pour Maurice

6 avril 2025, 04:41

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À La Réunion, le virus du chikungunya connaît une recrudescence alarmante : plus de 4 000 cas recensés en une semaine, et des hospitalisations en hausse, y compris chez les plus vulnérables. Une dizaine de nouveau-nés sont actuellement en soins intensifs, dans un état grave.

Cette réalité dramatique à l’île sœur ne peut pas nous laisser indifférents. D’autant que Maurice n’est pas à l’abri. Le chikungunya circule aussi ici, tout comme la dengue, dont les cas sont en augmentation, selon les dernières données. Le risque d’une double épidémie n’est pas théorique, il est bien réel.

Et pourtant, la vigilance semble retomber. Les moustiques stériles, méthode innovante pour freiner la prolifération du moustique-tigre, n’ont pas été relâchés dans la nature depuis octobre dernier. Pourquoi ce retard ? Est-ce un choix stratégique, une question de budget, ou simplement un oubli administratif ? Quelle qu’en soit la raison, c’est un signal inquiétant.

Plus inquiétant encore : un rapport de l’Organisation mondiale de la santé, publié en avril 2024, tire la sonnette d’alarme sur notre capacité nationale à répondre efficacement aux maladies vectorielles. L’évaluation révèle une absence de coordination stratégique : aucun groupe technique dédié à la lutte antivectorielle n’existe pour orienter les décisions ou coordonner les actions entre ministères. Les plans stratégiques clés sont toujours en chantier, et les ressources humaines spécialisées font cruellement défaut, tant à Maurice qu’à Rodrigues.

Les données entomologiques sont insuffisantes, les capacités de laboratoire limitées, et la surveillance de la résistance aux insecticides quasi inexistante. Pire : Rodrigues ne dispose d’aucune structure de surveillance ni de personnel formé. Pendant ce temps, la deltaméthrine, insecticide utilisé depuis plus de dix ans, malgré des signes évidents de résistance, reste l’unique arme employée.

À cela s’ajoute un engagement communautaire notoirement insuffisant. Plus de 95 % des foyers de moustiques se trouvent à l’intérieur ou autour des maisons. Ce constat est lié à la mauvaise gestion des déchets, du stockage de l’eau, à l’absence de politique claire pour l’élimination des pneus usagés.

Face à la menace, l’État ne peut pas tout faire. C’est une évidence que nous oublions trop souvent. Les autorités peuvent coordonner, alerter, traiter, mais elles ne pourront jamais nettoyer chaque terrain vague, chaque cour encombrée, chaque gouttière bouchée. Et c’est bien là que chacun d’entre nous a un rôle à jouer.

Maurice est un pays de quartiers, de voisinages, de petites communautés solidaires. Il est temps de raviver cet esprit. Nettoyer les terrains en friche, éliminer les eaux stagnantes, couvrir les réservoirs… Ce sont des gestes simples mais essentiels. Lutter contre le chikungunya ou la dengue ne commence pas dans les bureaux climatisés des ministères mais dans nos arrière-cours et sur nos trottoirs.

Cet effort citoyen ne doit pas être vu comme une corvée mais comme un acte de protection envers nos proches. Car ce sont les bébés, les personnes âgées, les malades chroniques, qui souffriront en premier si l’épidémie nous frappe de plein fouet.

Il est encore temps d’agir. Que chaque famille, chaque voisinage, chaque municipalité prenne ses responsabilités. Il en va de notre santé, de celle de nos enfants, et de notre capacité à faire preuve de solidarité face au danger. Le moustique ne fait pas de différence entre riche et pauvre, rouge ou orange, urbain ou rural, Nord ou Sud.

Alors agissons ensemble, maintenant.

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