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Laurent De Casanove : «Si on ne s’assoit pas à la table, d’autres décideront pour nous»

27 avril 2025, 18:00

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Laurent De Casanove : «Si on ne s’assoit pas à la table, d’autres décideront pour nous»

Laurent De Casanove.

Laurent de Casanove, un jeune Mauricien engagé, se présente aux élections fédérales canadiennes prévues pour le 28 avril. Membre du Parti libéral — favori selon les derniers sondages — il partage avec nous ses impressions et son parcours, à quelques heures d’une échéance cruciale.

🔵Comment un jeune comme vous (25 ans) s’est-il plongé aussi tôt dans la marmite politique ?

Quand tu arrives au Canada comme étudiant international, tu te confrontes très vite à une réalité : ici, les lois, les règles, les décisions ont un visage. Rien n’est abstrait. Et tu comprends que ces choix, souvent déterminants pour ta vie, ne tombent pas du ciel.

J’étais en pleine transition : entre les études, la recherche de boulot pour espérer rester et ce besoin de m’intégrer, de me sentir comme tout le monde. Mais quand, à chaque étape, tu te heurtes au sentiment d’être un étranger, même dans la ville qui t’a ouvert ses portes, tu te poses des questions.

Alors j’ai voulu comprendre. Le système, ses rouages, qui décide, comment et pourquoi. Et surtout, j’ai voulu y prendre part. Parce que si on ne s’assoit pas à la table, ce sont toujours les mêmes qui décident à notre place. C’est cette volonté de comprendre, puis de contribuer activement à la société de mon pays d’accueil, qui m’a mené à la politique. C’est là que j’ai trouvé mon véritable engagement.

🔵Candidat sous la bannière du Parti libéral, quelles sont vos véritables priorités pour le Canada ?

Je suis fier de porter les couleurs du Parti libéral, parce que c’est le seul parti qui a reconnu mon parcours, vu mes efforts et compris ce que signifie vraiment immigrer et recommencer à zéro. Ce que j’aime chez les libéraux, c’est cette volonté de donner une vraie place à ceux dont la voix a trop souvent été ignorée - une représentation issue de l’expérience, du vécu, pas juste des beaux discours.

Mes priorités sont claires : agir sur les enjeux concrets qui touchent les gens au quotidien. Le logement, la crise climatique, l’intégration des nouveaux arrivants, la défense du français, le soutien à notre économie dans un monde en mutation. Les libéraux proposent des solutions réalistes, humaines et ambitieuses. On ne cherche pas à diviser, on cherche à construire.

Et c’est dans cette vision que je me retrouve. Mon engagement, c’est d’élargir les opportunités pour ceux qui en ont le plus besoin : les jeunes, les familles, les immigrants. Le Parti libéral est le mieux placé pour faire avancer ces combats et je suis là pour les porter plus loin.

🔵Votre campagne : succès, obstacles, surprises… comment ça se passe concrètement sur le terrain ?

Intense, parfois épuisant, mais profondément humain. Jamais je n’aurais imaginé vivre une telle expérience aussi rapidement. Chaque jour, on frappe à des centaines de portes, on discute avec des personnes de tous horizons. Ce qui me touche le plus, ce sont ces instants de vraie connexion. C’est une reconnaissance non seulement de mon parcours, mais aussi de ce que je représente.

Un moment marquant, c’est la visite de la ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté dans ma circonscription. Me retrouver sur le terrain avec elle, moi qui ai traversé toutes les étapes du parcours d’immigrant jusqu’à obtenir la citoyenneté, c’était incroyablement symbolique. Ce moment, pour moi, incarne la force du Parti libéral : une solidarité réelle, une diversité assumée, et cette volonté de bâtir des ponts entre nos différentes réalités.

Évidemment, il y a des défis. Le scepticisme, la fatigue, parfois les regards inquiets. Mais ce qui revient toujours, c’est l’accueil chaleureux des gens. Ils sentent que je suis sincère, que je ne récite pas un discours appris, mais que je parle avec mes tripes, avec mon vécu. Et dans un climat où la confiance envers la politique est fragile, ces retours-là, c’est la plus belle des récompenses. C’est ce qui me pousse à continuer, chaque jour.

🔵Pour beaucoup de Mauriciens, le Canada, c’est l’Eldorado. Selon vous, qu’est-ce qui rend ce pays aussi irrésistible ?

Quand on grandit à Maurice, on entend souvent : « Va au Canada, là-bas tu auras ta chance. » Et c’est vrai — le Canada offre des choses rares : une éducation de qualité, la stabilité, des libertés fondamentales. Mais ce qu’on dit moins, c’est à quel prix.

Quand tu arrives ici, tu dois tout prouver. Tu es seul, tu navigues dans un système que tu ne connais pas, tu cumules les petits boulots, tu luttes pour tes papiers, pour un logement, pour te faire une place. Et parfois, malgré tous tes efforts, tu restes un outsider.

Le rêve canadien existe, oui, mais il n’est pas gratuit. Il demande des sacrifices, de la résilience et un mental d’acier. C’est pour ça qu’on doit être honnêtes avec nos compatriotes : le Canada est un pays d’opportunités, mais aussi d’épreuves.

Ce qui me por te aujourd’hui, c’est justement l’envie de rendre ce rêve plus accessible. De créer un système plus juste, plus humain, où ceux qui arrivent après moi n’auront pas à franchir autant d’obstacles pour atteindre leur potentiel. C’est cette vision-là que je veux défendre.

🔵Les tensions Canada–États-Unis sont-elles toujours d’actualité, ou la situation a-t-elle évolué ?

Les relations entre le Canada et les ÉtatsUnis connaissent des hauts et des bas, mais une chose reste essentielle : le Canada doit continuer à défendre ses intérêts, avec fermeté et clarté sans jamais se mettre à genoux. Cela passe par le renforcement de notre souveraineté économique, l’investissement dans nos infrastructures, dans nos talents, dans nos industries stratégiques. Il ne s’agit pas d’être contre les États-Unis, mais d’être solides chez nous, pour pouvoir négocier d’égal à égal. C’est une question de respect mutuel.

Et c’est là qu’un leadership crédible et respecté à l’international fait toute la différence. Mark Carney, par exemple, en est une illustration. Il a su gagner le respect des plus hauts dirigeants, y compris Donald Trump, tout en livrant des résultats concrets sur la scène économique mondiale.

🔵Justement, Mark Carney est pressenti favori du Parti libéral… Ça vous inspire quoi ? Une motivation, une pression ?

Mark Carney, pour moi, c’est l’incarnation du rêve canadien. Il vient d’un milieu modeste, sans réseau ni privilège et il a gravi les échelons jusqu’à occuper des fonctions parmi les plus stratégiques à l’échelle mondiale. Son parcours montre que le succès n’est pas réservé à une élite. Il est accessible à tous ceux qui travaillent dur et qui savent saisir les bonnes opportunités.

C’est une vraie source de motivation, surtout pour des jeunes comme moi, issus de l’immigration ou de parcours atypiques. Mark Carney, c’est la preuve qu’on peut réussir, qu’on peut peser dans les décisions, même quand on ne coche pas toutes les cases au départ. Ce qui m’inspire chez lui, c’est sa capacité à évoluer dans des environnements complexes tout en gardant un cap clair, ancré dans des valeurs fortes.

🔵Un jour, vous vous voyez revenir à Maurice pour secouer un peu la scène politique locale avec l’expérience acquise au Canada ?

Je ne ferme pas la porte mais aujourd’hui, ma vie est ici, au Canada, et c’est là que je me bats. Je suis engagé à fond dans cette campagne, pour représenter non seulement les Canadiens, mais aussi, quelque part, la voix des Mauriciens d’ailleurs. Si un jour je décide de revenir à Maurice, ce sera avec une vision ancrée dans l’expérience. L’expérience d’un système où les idées peuvent réellement changer les choses, où le débat public est vivant, et où les institutions fonctionnent. Et je reviendrai avec des solutions concrètes, basées sur mon vécu, sur ce qui a marché ailleurs sans prétention, mais avec conviction.

Maurice reste mon île, j’en parle avec fierté partout où je vais. En politique, j’ai rencontré des Mauriciens aux quatre coins du Canada.

Ce qui est frustrant, c’est le manque de représentation. Ne pas pouvoir voter depuis l’étranger, devoir gérer toutes les démarches administratives à travers Washington D.C., sans ambassade ni consulat au Canada, crée un vrai sentiment de déconnexion. C’est encore plus dur pour les étudiants mauriciens ici, qui se retrouvent souvent isolés, sans accompagnement adapté.

Maurice a un potentiel incroyable. Mais certains freins sont encore trop présents, notamment le communautarisme, qui continue de diviser et d’étouffer les vraies ambitions collectives. Ce que j’aimerais voir, c’est une politique plus inclusive, plus transparente qui donne une vraie place aux jeunes. Pas seulement comme spectateurs, mais comme acteurs du changement. C’est possible, j’en suis convaincu.


Laurent de Casanove : une voix entre les cultures, un pont entre les mondes

Originaire de Beau-Bassin, Laurent de Casanove a grandi dans une famille où l’ouverture au monde n’était pas un concept abstrait, mais une réalité quotidienne. Avec des proches dispersés aux quatre coins du globe, une curiosité naturelle pour l’actualité, la politique et les cultures étrangères s’est vite imposée comme une seconde nature. Arrivé seul au Canada comme étudiant international, il a connu les galères communes à bien des jeunes venus d’ailleurs : les boulots précaires, les démarches interminables, le sentiment de vivre entre deux mondes. Mais c’est justement dans ces épreuves que s’est forgée sa détermination. Diplômé en science politique de l’Université d’Ottawa, il s’est engagé sur le terrain, multipliant les expériences de bénévolat et les prises de parole.

Sa rigueur et sa passion l’ont mené à travailler comme attaché de presse auprès de plusieurs ministres canadiens- de la Culture aux Transports, jusqu’à la Défense nationale. Une immersion au cœur des institutions qui lui a appris une chose essentielle : peu importe d’où l’on vient, on peut faire bouger les lignes.

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