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Consommation

Le calvaire d’une vie sans riz ration

6 septembre 2023, 09:15

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Le calvaire d’une vie sans riz ration

● «Res zis pou al manz maniok/patat»

«Tous les après-midi, c’est un vrai casse-tête. Que va-t-on manger… C’est la question qu’on se pose depuis qu’il y a une pénurie de riz ration sur le marché. C’est très difficile pour nous.» Pauline Adrien, une habitante de Saint-Hilaire, peine à cacher sa détresse. La majorité des habitants de ce village et des alentours vivent le même calvaire quotidiennement. «Misié, si ou koné kot pé gagn diri, dir nou. Nou pou al rodé», nous demande-t-elle. Le ministère du Commerce et la State Trading Corporation ont beau dire que le riz ration est disponible sur le marché et qu’une nouvelle cargaison vient d’arriver, ceux qui en consomment quotidiennement broient du noir.

«Nous consommons du pain, des nouilles ou des macaronis le soir. Cela coûte plus cher, alors qu’avec le riz, il suffit de le faire bouillir et d’y ajouter un peu de dhal. Cela fait mal quand il faut annoncer aux personnes âgées prenant des médicaments qu’elles ne mangeront pas de riz le soir», se désole Pauline. Cette dernière estime que la situation est pire que pendant le confinement. «Il était difficile de sortir pendant la pandémie pour acheter de la nourriture, mais au moins, ceux qui en avaient partagé avec les voisins. Asterla diri mem péna. Ki pou partazé? Res zis pou al manz maniok/patat.»

Cette mère de famille de même que ceux qui sont concernés par la pénurie de riz ration dans la localité, ont tenté d’obtenir de l’aide. Le conseiller du village, Nitin Jeeha, confirme qu’il a été sollicité par une centaine de familles résidant à Saint-Hilaire, Saint-Hubert et Beau-Jardin. «Ils nous ont précisé qu’ils ne demandent pas la charité. Ils veulent savoir où trouver du riz ration pour en acheter. Il y a dix commerces dans la région, mais pas de riz ration en vue. Nous sommes allés à Mahébourg. Il n’y en a pas làbas non plus. Je connais des familles qui sont dans l’obligation de manger des biscuits le soir. Beaucoup d’entre elles se trouvent au bas de l’échelle et il y a aussi des mères célibataires. Le basmati coûte vraiment trop cher pour ces familles. Je reçois des appels tous les jours», indique-t-il. Nitin Jeeha a également pris contact avec des connaissances dans différentes localités du pays pour avoir quelques sachets, mais en vain.

Le TikTokeur Ras Paco Darwin a, pour sa part, posté «innocemment» une vidéo le 26 août pour évoquer son «amour» pour le riz ration, tout en montrant un sac de 25 kilos qu’un ami a pu lui procurer. À hier, la vidéo avait été vue plus de 332 000 fois avec 437 commentaires et plus de 4 200 réactions. Ce qui démontre à quel point les Mauriciens se sentent concernés par cette pénurie. «J’ai toujours aimé manger le riz ration. J’en ai cherché à Baie-du-Tombeau, à Port-Louis, à Plaine-Verte et à La Cure, mais il n’y en avait pas. Ma mère et mes proches en ont fait de même sans succès. D’où l’inspiration de faire une vidéo. J’avais dit à un ami que je ne mangeais que ce type de riz et, linn rési gagn enn bal pou mwa. J’avais mis la photo dans la vidéo. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de personnes qui m’ont contacté pour que je leur dise où j’ai trouvé ce précieux riz. Je ne m’attendais pas à ça», s’étonne le TikTokeur.

Un boutiquier que nous avons rencontré à Grand-Baie explique que son fournisseur «donn [mwa] zis enn bal par sémenn» pour toute sa clientèle. «C’est insuffisant. Je le vends au détail pour satisfaire tout le monde. Il y a des clients qui font des réservations et j’en garde une partie pour mes employés qui en consomment», dit-il. Ouma est l’une de ses employés. Elle est mal à l’aise quand on lui demande comment elle fait quand elle n’a pas de riz ration. «Je mange du pain. Je dois trouver quelque chose pour le garnir. Des fois c’est du curry ou de la mayonnaise...»