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Contrat photovoltaïque de Rs 5 milliards

Le CEB a fait fi d’un autre avis

19 septembre 2023, 17:00

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Le CEB a fait fi d’un autre avis

Les panneaux photovoltaïques devaient être au ras du sol, à la différence du projet modèle de SUNfarming qui permet de conserver des terres pour la culture.

Le contrat de ferme solaire de Rs 5 milliards continue de faire des étincelles. Le «Renewable Energy Committee» avait soumis un rapport au conseil d’administration du Central Electricity Board, le 26 juin 2023. Il contredit les arguments avancés par le CEB, samedi.

Retour sur le début de la polémique. Joanna Bérenger avançait le 16 septembre que le Central Electricity Board (CEB) n’aurait pas dû aller de l’avant avec l’allocation de ce contrat de production d’énergie solaire à l’entreprise réunionnaise Corex Solar et permettre à cette dernière de changer de site d’opération de BelleVue vers un autre endroit. Car ce faisant, Corex Solar n’a pas respecté les conditions qu’elle a proposées lors de l’appel d’offres. Joanna Bérenger appuie d’ailleurs ses dires sur l’avis du Senior Counsel Ravind Chetty qui avait recommandé au CEB, le 4 juin 2023, de ne pas aller de l’avant avec l’octroi du contrat après cette demande de changement de site. Sollicité, l’avocat n’est pas revenu vers nous.

Le CEB a émis un communiqué le même jour pour «réfuter» les allégations de Joanna Bérenger en se basant principalement sur deux arguments. Premièrement, un autre soumissionnaire, Omnicane, avait, le 5 avril 2022, demandé au CEB s’il pourrait changer de site de production après la soumission des offres et que le CEB y a agréé. Or, le Renewable Energy Committee du CEB signalait, le 26 juin 2023, que contrairement à Omnicane, Corex Solar a fait sa demande pour le changement de site d’exploitation après le bidding process alors qu’Omnicane l’avait fait avant. Le rapport s’appuie d’ailleurs sur l’avis juridique du Senior Counsel Ravind Chetty du 4 juin 2023 dont parle Joanna Bérenger.

CEB s’appuie deuxièmement sur un autre avis légal externe – dont on ignore l’auteur – en date du 28 juin 2023 et qui a approuvé ce changement de site demandé par Corex Solar. Mais le CEB ne dit mot du premier avis juridique du 4 juin donné par le Senior Counsel et ne conteste pas non plus les allusions de Joanna Bérenger à ce premier avis légal du 4 juin. Nous avons demandé au CEB s’il y avait bien eu ce premier avis légal défavorable et sommes dans l’attente de sa réponse.

Le mystère des avis juridiques

Même si le CEB a le droit de rechercher un deuxième avis juridique s’il n’est pas satisfait du premier, la population n’a-t-elle pas le droit de savoir le contenu et l’auteur des deux avis légaux surtout que de graves allégations ont été faites ? Selon nos informations, le deuxième avis favorable à Corex Solar repose sur le fait que le CEB est exempté de la Public Procurement Act et que par conséquent le CEB peut amender une clause du contrat si les deux parties sont d’accord. Si c’est l’argument imbattable, pourquoi le Senior Counsel ne l’a pas mis en avant ?

Ce rapport du Renewable Energy Committee contredit donc le contenu du communiqué du CEB qui ne parle ni de ce comité ni de son rapport d’ailleurs. Outre l’avis juridique du SC Ravind Chetty, ce comité avait effectué quelques recherches au préalable. Et affirme que Corex Solar a induit le CEB en erreur en faisant croire qu’elle avait déjà le terrain alors qu’elle ne l’avait pas. Le Renewable Energy Committee note aussi que Corex Solar n’a rien fait pendant les six mois entre le 9 septembre 2022 lorsqu’elle a reçu la Letter of Intent du CEB et le 15 février 2023, quand le contrat de production lui a été alloué. Et que durant ce délai elle aurait pu proposer un nouveau site (NdlR, tout comme Omnicane l’a fait) avant la signature du contrat. La direction du CEB avait alors demandé à Corex Solar d’expliquer pourquoi elle ne l’a pas fait et de fournir les preuves de ses négociations avec le véritable propriétaire, Terra.

Dans sa réponse, Corex Solar explique qu’elle a en fait négocié avec MABFIX et que ce dernier avait bien confirmé par lettre du 11 avril 2022 qu’il louera le terrain de Belle-Vue à Corex Solar et a même prévenu que toute négociation doit passer par MABFIX. «C’est comme si un courtier vous confirme par lettre qu’il vous vendra un terrain tout en vous mettant en garde contre toute démarche d’aller négocier directement avec le proprio», nous explique un avocat. «Si vous tombez dans le panneau (solaire), vous n’aurez qu’à vous en prendre à vous-mêmes.»

C’est ce que Corex Solar a fait, en dépit de certaines anomalies comme le retard dans la communication du prix de la location par MABFIX et qui n’ont pas éveillé ses soupçons. Cette entreprise ajoute dans sa lettre au CEB qu’elle s’est basée sur les assurances reçues de MABFIX avant de signer l’accord avec le CEB et qu’elle ne pouvait pas savoir que le terrain n’appartenait pas à MABFIX. Corex Solar ne dit pas qu’elle n’a pas non plus vérifié si MABFIX avait l’autorisation du propriétaire pour louer ce terrain. Et ce n’est que le 12 avril 2023, quand MABFIX l’a informée que le terrain n’était plus disponible, que Corex Solar a fait des recherches et a découvert que le véritable propriétaire est Terra. Qui l’a informée que le terrain en question n’est pas à louer. Ainsi, Corex Solar a dû admettre qu’elle ne peut offrir aucune preuve qu’elle a négocié avec Terra. On ne sait pas si Corex Solar a payé des frais de courtage à MABFIX. Nous n’avons pu entrer en contact avec son directeur Franck Rivas-Manzo ni avec quelqu’un d’autre de la compagnie.

Ces terres agricoles de Belle-Vue de Terra couvrent une superficie de 1 266 000 m2 , soit 370 arpents ! Il est fort probable que l’installation de panneaux photovoltaïques sur cet immense terrain allait nécessiter l’arrêt de la culture de canne à sucre car ces panneaux allaient être au ras du sol, selon nos informations. Cela, alors que le gouvernement parle de bloquer toute conversion de terrain sous cannes...

Nous avons téléphoné à Terra pour comprendre ce qui s’est vraiment passé et surtout si Terra avait eu recours aux services de MABFIX pour louer ces terrains. Un cadre nous informe que jamais Terra ne voulait céder ces terres et encore moins missionner MABFIX pour rechercher des clients.

Il nous a été impossible de contacter MABFIX. Il faut savoir que cette compagnie a déjà participé aux appels d’offres notamment d’AML pour la construction de drains en juillet 2022, fort probablement à l’aéroport.

Concernant l’autre site sis à Plaine-des-Papayes, selon Corex Solar, elle a pu avoir les terrains et obtenu l’assurance de l’Irrigation Authority que le terrain sera converti et les cannes retirées. Cependant, l’Irrigation Authority ne nous l’a pas confirmé.

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Les questions adressées au CEB

Vous dites dans votre communiqué : «Le CEB voudrait préciser que le 5 avril 2022, soit deux mois avant la fermeture de l’appel d’offres, l’un des sept soumissionnaires en l’occurrence “Omnicane’’ avait formulé une demande de clarification, quant à la possibilité d’un changement de site après la soumission des offres.» Est-ce que «après la soumission des offres» veut-il dire «mais avant l’octroi du contrat» ?

Qui a offert l’avis judirique du 28 juin 2023 ? Y avait-il un précédent avis légal défavorable à Corex Solar le 4 juin 2023 ?

Est-ce le même cabinet qui a donné les deux avis, du 4 juin et du 28 juin 2023 ?

Quel est le point sur lequel se base le deuxième avis légal pour soutenir que «le CEB pouvait accéder à la requête du soumissionnaire ?»

Est-ce que les panneaux solaires que Corex Solar proposent seront au ras du sol ou surélevés pour permettre l’exploitation agricole en dessous ?

Quel est le terrain sur lequel Corex Solar se propose d’installer ses panneaux solaires à la place de celui de Belle-Vue ?