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Patrimoine en péril
Le Champ de la… honte
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Patrimoine en péril
Le Champ de la… honte
Le plus vieil hippodrome de l’hémisphère sud est dans un état délabré, à une semaine de la fête de l’Indépendance.
Endroit hautement historique, qui faisait, jadis, la fierté des Portlouisiens, le deuxième plus vieil hippodrome du monde (après celui de la Turquie), qui accueillera, mardi prochain, la présidente de la République de l’Inde, Draupadi Murmu, dans le cadre des festivités officielles marquant l’anniversaire de l’Indépendance, est aujourd’hui – faute visiblement d’un manque d’entretien – dans un état de décrépitude lamentable.
À une semaine de la fête de l’Indépendance, nous avons effectué un petit détour au Champ-de-Mars, samedi. Créé en 1812 par le colonel Edward Draper, le plus vieil hippodrome de l’hémisphère sud est devenu, au fil des décennies, un lieu hautement historique de notre pays, et faisait jusqu’à tout dernièrement la fierté des habitants de la capitale.
En sus de rassembler des milliers de Mauriciens, à travers leur passion pour les courses hippiques, cet endroit a vu le père de la nation, sir Seewoosagur Ramgoolam, hisser pour la première fois le drapeau quadricolore, lorsque Maurice a accédé à l’Indépendance en 1968. Bien que nous étions conscients que le Champ-de-Mars devait ressembler à un véritable chantier avec les différents travaux qui sont effectués (i) par l’organisateur hippique, People’s Turf Plc (PTP), pour l’installation d’un système d’irrigation sur la grande piste, mais aussi (ii) par les équipes des différents ministères qui s’activent dans la plaine, pour l’installation de la logistique dans le cadre des festivités de l’Indépendance, nous étions toutefois loin d’imaginer que l’hippodrome était dans un tel état de délabrement.
Dans un récent entretien accordé au journal Week-End, le président du Mauritius Turf Club (MTC), Gavin Glover, qualifiait l’état actuel du Champ-de-Mars de «désastre environnemental». Il n’avait pas tort et, selon un premier constat, la situation est bien pire que ce qu’on pouvait imaginer. Au-delà des tranchées et des nombreuses fouilles inachevées sur la piste en gazon, l’usure et les dégâts engendrés par un entretien irrégulier et insuffisant sont clairement visibles. Les débris hideux posés à plusieurs endroits, plus particulièrement aux abords des écuries de PTP dans la plaine, constituent également un véritable eyesore et témoignent de l’insalubrité des lieux.
Dans ce contexte, on peut se demander comment ce spectacle affligeant a pu laisser insensible Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex (COIREC) et PTP, les deux entités qui sont censées entretenir cet endroit, qui fait partie intégrante du patrimoine de notre pays.
Au cours de notre visite, nous avons effectué un tour de la petite piste circulaire à pied et d’emblée, ce qui nous a interpellés, c’est que l’endroit est peu fréquenté ! À part trois joggeurs et quelques jeunes (moins d’une dizaine) qui jouaient au football sur le terrain synthétique, se situant dans la plaine, on n’a pas croisé grand monde.
Étant l’un des rares espaces verts de la capitale, le Champ-de-Mars grouillait auparavant de sportifs, joggeurs, footballeurs ainsi que des citadins qui ne manquaient pas une occasion d’y faire un tour pour passer un moment convivial en famille. Au fil de notre parcours sur la piste en sable, nous avons, malheureusement, rapidement compris pourquoi l’endroit n’attirait plus grand monde.
En effet, après avoir parcouru la ligne droite, où trônait le vieux bâtiment du Mauritius Turf Club, nous avons abordé la petite montée vers le Tombeau Malartic et là, on a été stupéfaits de constater que les mauvaises herbes avaient pratiquement envahi les lieux. Le trotting track était complètement encerclé, à tel point que les herbes s’étaient également infiltrées entre les barrières en métal pour se propager à l’intérieur de la grande piste en sable. À certains endroits, elles avaient atteint pratiquement plus d’un mètre de hauteur !
À l’heure où l’épidémie de dengue bat son plein, on ne peut s’empêcher de penser que le Champ-de-Mars, dans son état actuel, est devenu un véritable foyer pour les moustiques. Doit-on s’étonner alors que les citadins aient choisi de bouder les lieux ?
Invitée à nous donner une réaction sur le sujet, PTP nous a assuré que les travaux de nettoyage étaient en cours et que tout allait être remis en ordre d’ici le 12 mars. Aucune déclaration du côté de COIREC malgré nos sollicitations, l’entité n’ayant pas de porte-parole. Quand on sait qu’il y a deux collèges, une école primaire et une école pré-primaire qui se situent autour de l’hippodrome, et quand on prend en considération que des centaines de personnes viennent travailler dans les locaux de PTP et dans les différentes écuries quotidiennement, on peut se poser des questions sur les motivations et la responsabilité morale de PTP et de COIREC.
Le comble est que le Champ-de-Mars est également un haut lieu touristique et que plusieurs tour-opérateurs et autres sites internet le référencent comme un des endroits incontournables à visiter lors d’un séjour à Maurice. À ce titre, on n’ose pas imaginer la réaction des touristes lorsqu’ils se retrouvent face à une telle déchéance…
On ne peut qu’éprouver un sentiment de honte ! Voir un pan de notre patrimoine se déliter de cette façon sans que personne ne réagisse a de quoi nous interpeller.
Les travaux de nettoyage en cours, assure PTP
PTP assure que les travaux de nettoyage sont en cours. Selon une source officielle, les travaux ont pris du retard étant donné que plusieurs employés ont repris du service en février et que le nettoyage des parcelles mentionnées était à l’agenda pour mars. PTP a ajouté que plusieurs autres parties de l’hippodrome ont été prises en charge, comme le trottoir jouxtant la ligne droite en descente. On a aussi assuré que tout sera prêt avant le 12 mars…
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