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Kronik KC Ranzé

Le changement, c’est faire différemment…

17 novembre 2024, 06:21

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Le changement, c’est faire différemment…

Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont connu une victoire écrasante. Sur le plan politique, c’est définitivement réjouissant pour le pays. Sur le plan économique/ financier, les réelles difficultés vont continuer… Comment en effet respecter toutes ces promesses électorales sans être économiquement irresponsable et ce, alors que les dernières initiatives salariales de Lepep, sans effet compensatoire sur le plan de la productivité, ont déjà soulevé, comme prévu, une nouvelle vague de hausses de prix ?

L’Alliance du changement a gagné tous les sièges. Les 60-0 illustrent un vote «contre» le régime sortant absolument mérité ! La longue liste de gabegies époustouflantes, de corruptions consternantes et d’actes de népotisme affligeants a tout simplement effacé la liste pourtant assez conséquente des réalisations. Missie Moustass n’a pas gagné l’élection à lui seul, ce serait trop réducteur. Mais il a eu le mérite d’ajouter du son authentifié à ce qui se murmurait déjà partout, avec consternation.

On les aura bien «bour deor», même si le diocèse n’approuverait pas ce langage…

La victoire de L’Alliance du changement a aussi en partie illustré le fait qu’il y a des limites à une relation purement transactionnelle entre un électorat et ceux qui aspirent à le représenter. Lepep avait proposé 15 mesures phares. Qui sont devenues 21 au fur et à mesure que Lepep sentait glisser le terrain sous ses pas… La grande majorité de ces mesures étaient des offres d’achat de votes plutôt que des stratégies pour faire avancer le bien commun et le pays. Tant était offert aux jeunes. Tant aux vieux. Par ici, pour ceux cherchant à se construire une maison. Par là-bas, pour ceux qui ont fait des enfants. Les femmes au foyer ne sont pas oubliées. Ni les automobilistes ! Seule condition imposée : votez pour moi et vous serez comblé ! En fait, on se proposait de plaire à un maximum d’électeurs en offrant des avantages personnels même s’il s’agissait, ce faisant, d’aggraver la situation financière déjà tendue du pays. Cela n’a, heureusement, pas pu faire oublier le fétide et l’écœurant. Le peuple en a eu marre et a refusé d’être acheté. Qu’il soit loué ! Il faut maintenant que les vainqueurs soient à leur hauteur !

Ramgoolam et Bérenger, contrairement à 2014, auront cette fois réussi à créer une synergie extraordinaire. Pourquoi ? Probablement (et ils auraient tort de l’oublier !) parce que cette fois, ils étaient les challengers d’un pouvoir resté trop longtemps en place et qui ne s’est jamais particulièrement soucié de corriger ses dérives. Le désir de changement est en effet constant face à l’ordinaire et au connu. A fortiori face à la pourriture! Rappelons que le MSM a connu deux mandats, surtout parce qu’en 2019, l’opposition s’était fait harakiri en divisant trop ses voix d’opposants et que 37 % des votes avaient alors suffi à Jugnauth pour littéralement voler la victoire !

Pour Ramgoolam et Bérenger, le prochain mandat ne devrait pas avoir d’autre but que d’aider le pays à avancer vers du bien mieux et ainsi de s’assurer qu’ils laissent un véritable héritage personnel derrière eux. C’est leur dernier tour de piste ! Ils ont tous deux un fort sens de l’Histoire. Ils savent aussi ce que l’Histoire a retenu de leurs prédécesseurs, y compris maintenant de Pravind Jugnauth. La vengeance pure sera mauvaise conseillère. Utiliser la police comme «sa» police et abuser de charges provisoires pour ébouriffer ses adversaires, assouvit sans doute les bas appétits des partisans les plus chauds, mais cela peut aussi cimenter une nouvelle image désagréable de dictateurs en puissance. Et d’hommes qui n’ont pas leur pays comme priorité absolue.

Ramgoolam et Bérenger ont d’autres responsabilités vis-à-vis de l’Histoire. Ils n’auront aucune opposition au Parlement, sinon Joe. C’est peut-être le moment d’encourager le législatif à assumer ses responsabilités vis-à-vis de l’exécutif et, avec l’aide d’un speaker partisan d’un maximum de transparence, pratiquer plutôt que prêcher ce que doit être une véritable démocratie parlementaire ! Les backbenchers se doivent d’avoir une épine dorsale et veiller, au nom du peuple, à ce que le gouvernement soit transparent et que l’exécutif rende des comptes de ses décisions et de ses manquements.

Les deux doivent aussi confirmer qu’ils peuvent travailler ensemble ! Avec 35 sièges, Ramgoolam peut effectivement se libérer de Bérenger quand il le voudra. Mais ce faisant, il se créera une opposition parlementaire ex gratia du vote populaire et rappellera combien le pouvoir est corrupteur. Bien sûr que Bérenger peut aussi démissionner dans une quinte mémorable, saupoudrée d’épithètes choisis. Mais LES DEUX ont le devoir d’éviter un autre divorce au pays qui donnerait à Jugnauth la seule victoire qui lui est encore possible dans l’élection de 2024. Car l’Alliance du changement serait alors, comme il l’avait prédit, reconnu foncièrement instable et incapable de travailler en bonne intelligence… Les partis et leurs leaders auraient alors affiché, une fois de plus, leur préséance sur le pays et le sort des prochaines générations !

27,3 % de l’électorat ont voté pour Lepep. Ils ne sont pas TOUS des méchants. 61,4 % des électeurs ont voté pour l’Alliance du changement. Ils ne sont pas TOUS des lotus sans taches ! Et n’oublions surtout pas qu’en démocratie, toutes les voix sont bonnes à entendre, y compris, celles d’un Premier ministre sortant. Si demain on recommençait à punir ceux qui auraient donné la parole à un opposant ou à un adversaire, ne serions-nous pas retournés à la case départ, à cet endroit puant où l’on se vante d’être démocrate, tout en disposant du droit à la parole des autres ?

Entendons-nous cependant : ceux qui ont enfreint les lois du pays méritent d’être poursuivis avec vigueur quand les preuves atteignent les niveaux requis par une cour de justice équitable !

Je m’en voudrais terriblement de ne pas remercier chaleureusement la commission électorale ainsi que les 13 700 officiers, qui ont assuré ces élections et qui ont aidé à rétablir leur réputation d’intégrité. En effet, un gouvernement sortant qui gagne peut être soupçonné de bourrer les urnes avec 250 000 faux bulletins, mais sûrement pas un gouvernement qui se fait laminer… Merci Irfan ! Merci Christine ! Les têtes brûlées qui ont brutalisé quelques officiers innocents méritent assurément la bastonnade !

Finalement, j’aurais particulièrement apprécié la plume à la fois aiguisée et exquise de Alain Gordon-Gentil dans le sillage de ce 60-0 tonitruant. Cependant, autant j’exulte de ce que l’Empire ait été mis au pas, il nous (me) faut reconnaître que l’empereur, même si plus par faiblesse que par conviction, aura au moins respecté les urnes. Sans tenter d’user de son crédit avec Dip pour un coup de force, par exemple. C’est déjà ça ! S’il faut leur faire crédit pour quelque chose, c’est de nous avoir épargné de l’indignité qui dégouline d’un dirigeant comme Obiang Nguema ou Daniel Ortega.

Je ne connais pas la plupart des nouveaux ministres. Ils ne sont pas de ma génération ! Je leur souhaite plein de sagesse et beaucoup de courage. Ils en auront diablement besoin !