«Stade comble mardi à Côte-d’Or.» Cette phrase que nous avions partagée sur les réseaux sociaux au début du match des éliminatoires de la Coupe du monde Maurice-Angola en a fait sourciller plus d’un… «Comment ça stade comble ? Stade la ti vide !»… un comble !

Pourtant, les 2 000 places disponibles se sont arrachées comme des «petits pâtés» sortis du four, en deux temps trois mouvements. Et la demande ne cessait de croître. Des supporters frustrés ont frénétiquement cherché en vain le précieux sésame pour assister au match, jusqu’au coup d’envoi de la partie… C’est décidément dur de supporter notre équipe nationale, même quand on est motivé pour aller au stade, il n’y a pas de place ! «Pourquoi on n’a pas joué ce match au stade George V ?» nous a-t-on demandé mardi. Voilà de quoi mener la réflexion pour les prochains matches «at home» en 2024…

(Pour Thomas Empeigne (à dr.) Dorian Chiotti est une très bonne pioche dans les buts mauriciens.)

Ces dernières années, Maurice a évolué plus à l’étranger que chez nous, ce qui a coupé la proximité avec le public. Cela dit, le tournoi triangulaire, en juin dernier, avec le Kenya, Djibouti et le Pakistan, a permis d’insuffler une âme au Club M, avec une ossature d’expatriés qui nous a fait le plus grand bien. Si les Comores (qui viennent de battre le Ghana cette semaine !) et Madagascar ont joué cette carte à outrance, et sont aujourd’hui des nations reconnues du football africain, pourquoi pas nous ? A ce titre, l’apport de Dorian Chiotti dans les buts est une plus-value supplémentaire.

Hélas, aux Jeux des îles, sans ces mêmes expat, le Club M perdait un peu ses repères et devait composer uniquement avec les joueurs locaux, mais elle a quand même développé un jeu intéressant à Madagascar, pour finalement échouer en demi-finale (contre la Réunion).

(Le petit Kane fou de joie de rencontrer Lindsay Rose et Jeremy Villeneuve.)

Les éliminatoires du Mondial 2026, qui ont débuté face au Cameroun, vendredi dernier, et l’Angola, le mardi suivant, ont permis de continuer le travail commencé avec la génération des Kevin Bru-Jérémy Villeneuve-Lindsay Rose. Les vieux briscards ont su fédérer le public mauricien derrière eux et alimenter une empathie retrouvée pour le Club M.

«C’est une équipe qui me fait ‘kiffer’», juge Thomas Empeigne. «Pas forcément dans le jeu, mais dans l’état d’esprit. C’est une équipe de battants. Tu voyais qu’ils avaient envie de faire les efforts ensemble. Cette solidarité est vraiment appréciable. C’est une équipe qui a un vécu, il manque juste un peu de liant entre les lignes. Défensivement c’est bien, quoique pour se procurer des occases c’est un peu plus compliqué. Sans un grand gardien, je pense qu’à la fin c’était match perdu pour Maurice. Il a su préserver le point du match nul, ce qui est très bien pour la suite.»

Le public mérite un plus grand stade

Ceux présents à Côte-d’Or face à l’Angola peuvent en témoigner. Une équipe s’est formée et avance pas à pas, mais le public mérite un stade plus grand également. Pour accueillir, disons, entre 10 000 et 15 000 personnes. Dans un joli stade bien fermé sur les côtés, avec quatre tribunes et non deux comme au stade George V. Car 2 000 supporters c’est bien, mais c’est maigre pour espérer apporter le soutien populaire adéquat pour booster l’équipe.

L’entraîneur du Club M, Fidy, nous le confirme, lui qui revient du volcan camerounais à Douala : «Félicitations à cette équipe de Maurice qui était au Cameroun, à tous ces gars, qui se sont battus et ont fait face à un public de 50 000 supporters déchaînés, qui encourageaient les lions indomptables. Sans notre gardien, qui a été extraordinaire, on aurait pris beaucoup plus de buts. Maintenant face à l’Angola, on a vu notre potentiel. Hélas, la fatigue du voyage nous a pénalisés.»

Après tant de déceptions, le public est en train de se réconcilier avec son équipe. Il n’y a qu’à voir l’expression du petit Kane, de Roches-Brunes, 8 ans, à la fin du match, lorsqu’il a pu faire des photos avec ses héros mauriciens Rose, Villeneuve, Collard et Nazira. Il avait les yeux qui pétillent, comme s’il avait rencontré un crack de la Premier League.

Le club M notre fierté

«Ces moments-là sont uniques. Magiques. On a trop peu de grands matches à Maurice donc je ne pouvais rater celui-là contre l’Angola et j’avais très envie de partager avec mon fils le bonheur de supporter son pays, pousser l’équipe et chanter. Parce que le Club M reste notre fierté !» témoigne Pravesh Ramful, président du fan club d’Arsenal à Maurice, qui était tout simplement un die-hard de Maurice comme les autres dans la foule.

Ancien joueur et dirigeant de club, Mashoud Emamsaib est très satisfait du travail abattu par le staff technique actuel. «Cela faisait longtemps que je disais qu’il fallait un duo Fidy-Sakoor Boodhun pour relancer la sélection. Ce sont les élèves d’Ashok Chundunsing, l’un des meilleurs entraîneurs à son époque. Je trouve que Maurice a beaucoup progressé et qu’on a joué notre meilleur match depuis longtemps et selon moi ce n’est pas seulement dû aux expatriés.»

«Bravo à Fidy et Sakoor, leur travail finit par payer», conclut-il. «La seule erreur pour moi c’est qu’il ne fallait pas sortir Kevin Bru, qui a la capacité de donner de bons ballons en contre en fin de match lorsque l’Angola a pesé de tout son poids pour nous battre. Bru c’est le meilleur demi qu’on a eu depuis Désiré Periatambee.» Rendez-vous est pris pour mars 2024 et un match chez nous face à la Lybie pour continuer l’opération «reconquête des cœurs»…

Paru dans Lékip du 24 novembre