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Financial Crimes Commission Act

Le «compounding of offences», l’arme la plus dangereuse entre les mains de la nouvelle institution

25 mars 2024, 17:35

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Le «compounding of offences», l’arme la plus dangereuse entre les mains de la nouvelle institution

Grâce à ce pouvoir, la Financial Crimes Commission (FCC) pourra «gracier» des accusés en échange d’une amende. Et ne pas le faire pour d’autres… L’article 150 de la Financial Crimes Commission (FCC) Act est l’un des quatre articles que le Directeur des poursuites publiques (DPP), Mᵉ Rashid Ahmine, demande à la Cour suprême de déclarer inconstitutionnels dans sa plainte déposée le 20 mars.

Le DPP conteste le fait que sous cet article, son autorisation ne sera plus requise lorsque quelqu’un accusé d’un crime ou délit sous la FCC Act se verra offrir l’opportunité par la FCC, «headed by political nominees», précise le DPP, de voir son crime ou délit «compounded», c’est-à-dire que l’accusé ne sera pas poursuivi en cour juste en payant une amende. Cela, alors qu’avant l’introduction de la FCC Act, l’aval du DPP était toujours requis pour les infractions de douze lois différentes, est-il souligné dans la plainte préparée par Mᵉ Vimalen Reddy et les Senior Counsels Sanjay Bhukory et Nargis Bundhun.

Pour prendre un exemple courant, quelqu’un pris par les douanes avec une bouteille de whisky non-déclarée pourrait ne pas faire l’objet d’une poursuite au pénal ou voir sa bouteille de whisky saisie s’il accepte de payer le droit d’accise dû plus une amende équivalant à trois fois le droit d’accise. Sous la FCC Act, ce genre d’arrangement ne se limitera pas à ces revenue offenses, dont la sanction est le paiement d’une amende et qui ne mène pas à la prison, mais s’étendra aux crimes financiers les plus graves. Ces crimes financiers, rappelons-le, sont ceux tombant sous les rubriques de la corruption, du blanchiment d’argent, de fraude, du financement de trafic de drogue et autres joyeusetés comme le complot ou la complicité.

Non seulement on pourrait s’arranger théoriquement pour ces crimes très graves mais l’arrangement pourrait être conclu avec la FCC sans que le DPP ne donne son autorisation ni même que ce dernier ne le sache. Une sorte de plaider-coupable fait en dehors de la justice et loin des yeux du public. Un avocat nous rappelle qu’à un certain moment, le gouvernement avait mis sur pied l’Unified Revenue Board qui jugeait à la place des douanes si un contrebandier méritait un compounding ou pas. Cela, justement, pour mettre fin aux abus des douanes. Alors qu’avec la FCC Act, celle-ci enquêtera et décidera elle-même éventuellement de compound le délit.

Qui plus est, en graciant un accusé contre le paiement d’une amende, le coupable ne verrait pas son «crime» ou «délit» avoué inscrit sur son certificat de moralité. Selon un homme de loi, comme cela sera effectué par la FCC n’impliquant ni la police ni les tribunaux, il voit mal comment on inscrira le casier judiciaire de l’accusé gracié.

Mais il y a plus. L’alinéa 2 de l’article 150 de la FCC Act prévoit que «Every agreement to compound shall be final and conclusive and, on payment of the agreed amount, no further proceedings in regard to the offence compounded shall be initiated in respect of the offence so compounded against the person». Dans sa plainte, le DPP se demande pourquoi il ne peut engager des poursuites après que l’affaire a été conclue à l’amiable. Cela, alors que le même DPP n’aura pas été auparavant consulté pour l’arrangement. Le DPP juge que ce pouvoir de la FCC est, pour dire le moins, «drastique». L’avocat nous explique que le DPP ne pourra pas rouvrir, par exemple, le dossier Angus Road ou Stag Party si ces derniers sont compounded.

Un autre avocat rejoint cet argument en s’interrogeant : «Et si cette liberté est abusée par la FCC pour régler des comptes politiques ou pour d’autres raisons ? Qui saura, par exemple, que la FCC a accepté de gracier Monsieur X en lui faisant payer des amendes au lieu de le traîner en cour ? Et qui saura que Monsieur Y, lui, ne s’est pas vu offrir cette opportunité de payer une amende pour un délit moins grave et doit faire face à une accusation provisoire avec arrestation et gel des avoirs etc. ?» L’avocat s’interroge aussi à un autre niveau : «Bien que l’argent reçu comme amende aille dans les caisses de l’État, qui nous dit qu’il n’y aura pas de tractations obscures ?»


D’autres contestations à venir ?

L’action du DPP, bien que de première importance et défendant ses prérogatives mais en même temps le droit des citoyens, ne vise pas toutes les dispositions jugées inconstitutionnelles qui pourraient affecter la liberté du citoyen. Comme les méthodes de surveillance mentionnées dans l’article 66, les «special investigative techniques». Ou le pouvoir du directeur général de décider si une audience accordée à un prévenu sera publique ou en privé (a. 58 (c)). Les hommes de loi, eux, sont aussi visés dans l’article 53. Selon notre interlocuteur-légiste, ces derniers ne pourront contester la constitutionnalité de ces articles que lorsqu’ils seront personnellement concernés, quand, par exemple, la FCC les poursuivra. La possibilité dans l’article 13 (4) pour l’Attorney General de rendre caduque une suspension du directeur général décidée par le comité parlementaire devrait intéresser l’opposition. Or, l’opposition pourra difficilement le faire maintenant comme le fait le DPP, selon notre interlocuteur, car cette situation ne s’est pas encore produite. Et il ne voit pas non plus comment elle le fera lorsque la situation se produira. «Si jamais une majorité du comité parlementaire veut suspendre le directeur général de la FCC, elle devra attendre que l’on change d’Attorney General. Et de gouvernement.»


Pas encore promulguée

Pour des raisons inconnues, la «FCC Act» n’est pas encore entrée en vigueur. Le projet de loi a été introduit au Parlement le 5 décembre 2023, voté le 19 après seulement deux jours de débats, a reçu l’assentiment du président de la République et a été publié dans la Gazette le 21 décembre mais n’est pas encore promulgué. D’autres lois comme la HIV and AIDS (Amendment) Act 2023, la Caudan Bridges, Port Louis (Authorised Construction) (Amendment) Act 2023 et la Fisheries Act 2023 n’ont aussi pas encore été promulguées. La Construction Industry Authority Act 2023 le sera le 1ᵉʳ avril. Dans sa plainte, le DPP note que «up to now the Act has not been proclaimed and, so far, no date or dates have been set for the Act to come into force, in accordance with the express provisions of subsections 169(1) and (2) of the Act». Rajen Narsinghen, ex-Senior Lecturer en droit constitutionnel à l’Université de Maurice, est d’avis qu’en ne promulguant pas une loi déjà votée par l’Assemblée nationale, l’exécutif serait en train de violer la souveraineté parlementaire.