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L’ombre des amendements en période électorale

Le danger d’une FCC qui ne doit pas justifier ses décisions de poursuite

26 octobre 2024, 17:00

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Le danger d’une FCC qui ne doit pas justifier ses décisions de poursuite

La création de la Financial Crimes Commission (FCC) avait suscité de vifs débats sur la transparence et l’impartialité des enquêtes financières. Avec les modifications législatives, le Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Rashid Ahmine, se retrouve privé de la capacité d’exercer pleinement son pouvoir d’engager des poursuites pénales, tel que stipulé par la Constitution. La FCC, en prenant la décision de stopper une enquête, n’a pas l’obligation de justifier ses actions. Alors que les élections approchent, nous assistons aux premiers impacts des amendements législatifs qui ont conduit à la création de la FCC.

L’absence de transparence est d’autant plus préoccupante dans un contexte électoral où plusieurs candidats aux élections générales pourraient avoir fait l’objet d’enquêtes de la FCC à la suite de scandales révélés. Si ces candidats ont été «cleared», la FCC ayant décidé de ne pas les poursuivre, on n’en connaîtra jamais les raisons. Un exemple révélateur de ces préoccupations est l’affaire St-Louis, où la FCC a récemment pris le relais de l’ex-Independent Commission Against Corruption (ICAC) pour inculper plusieurs anciens hauts responsables, mais a décidé de ne pas poursuivre l’ancien vice-Premier ministre Ivan Collendavelloo, malgré les accusations qui avaient conduit à sa révocation en 2020.

L’enquête, qui durait depuis plus de quatre ans, a été clôturée sans que des preuves incriminantes ne soient trouvées à son encontre. Ce développement est survenu juste avant la dissolution de l’Assemblée nationale alors que l’enquête sur des fonds impliqués dans le projet de la centrale thermique de St-Louis, qui s’élevait à Rs 4,3 milliards était en cours depuis quatre ans. Rappelons qu’Ivan Collendavelloo avait été invité à soumettre sa démission le 25 juin 2020. Mais face à son refus, il avait été révoqué de son poste ministériel, perdant dans la foulée sa hiérarchie dans le gouvernement, passant de no 2 à simple backbencher. Mais ce n’est que le 23 octobre 2023 qu’Ivan Collendavelloo avait été auditionné par l’ex-ICAC. La FCC a cependant logé des accusations formelles contre l’ancien haut cadre du CEB, Shavan Dabeedin, l’ex-patron de PadCo Limited, Alain Hao Thyn Voon, et le représentant local de la firme danoise Burmeister and Wain Scandinavian Contractor (BWSC), Bertrand Lagesse. La décision de la FCC de ne pas poursuivre Ivan Collendavelloo et la non obligation de justifier ses choix alimentent des spéculations sur ses décisions. Comme le stipule l’article 4(3) de la FCC Act, la commission n’est censée être sous l’influence ou le contrôle d’aucune personne ou autorité.

Dans sa plainte constitutionnelle déposée le 20 mars, Me Ahmine souligne d’ailleurs que la FCC pourrait outrepasser les pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution, sous l’article 72. Un point crucial de cette controverse est que, contrairement à l’ICAC, la FCC n’a pas l’obligation de soumettre les dossiers d’enquête à son bureau si elle décide de clore une enquête, laissant le DPP sans un droit de regard face à une décision de non-poursuite. Le DPP avait aussi mis en avant le rôle central du Premier ministre dans la nomination du directeur général et des membres de la commission, ainsi que sa capacité à déterminer les conditions de leur nomination.

La FCC pourrait être appelée à enquêter sur d’autres affaires où des candidats aux élections sont concernés. Pour des membres de la profession légale, «l’absence de clarté et de transparence dans le fonctionnement de la FCC est particulièrement préoccupante et la possibilité que des politiciens en exercice échappent à des enquêtes en raison d’une décision unilatérale de la FCC soulève des questions éthiques». Il faut noter qu’à ce jour, la Cour suprême n’a pas encore examiné la plainte constitutionnelle du DPP, l’affaire étant toujours à un stade d’échange d’affidavits. Les enjeux sont d’autant plus importants dans cette période électorale, où la question de la responsabilité et de l’intégrité des candidats sera mise en avant.