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Pouvoirs constitutionnels
Le DPP, Mᵉ Rashid Ahmine, seul contre tous
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Pouvoirs constitutionnels
Le DPP, Mᵉ Rashid Ahmine, seul contre tous
La situation ne s’est ps améliorée malgré la rencontre entre le DPP (à g.) et le CP en mai dernier.
Le Directeur des poursuites publiques (DPP), Mᵉ Rashid Ahmine, se retrouve au cœur d’une lutte constitutionnelle pour préserver ses pouvoirs et l’indépendance de son autorité face à la création de la Financial Crimes Commission (FCC). Depuis sa nomination, il a maintenu une position ferme, refusant de se laisser intimider malgré les attaques et les contestations multiples visant ses décisions. Depuis l’Indépendance de Maurice, c’est la première fois que l’article 72 de la Constitution, qui confère des pouvoirs d’action au DPP, est remise en question. En 2015, des émissaires d’un ancien commissaire de police (CP) avaient tenté d’arrêter le DPP de l’époque, Mᵉ Satyajit Boolell. Cette fois-ci, l’actuel CP conteste la prérogative du bureau du DPP. Dans cette optique, c’est sans précédent. Face à la situation, le DPP tient ferme.
Lors de sa plaidoirie devant la Cour suprême dans le cadre de la plainte constitutionnelle déposée par le CP Anil Kumar Dip, contre l’actuel DPP, arguant que ses droits constitutionnels ont été bafoués après certaines décisions de ce dernier, Mᵉ Sanjay Bhuckory, Senior Counsel, a clairement souligné : «Les citoyens ont des droits en vertu de la Constitution tandis que Me Rashid Ahmine, en tant que Directeur des poursuites publiques, dispose de pouvoirs en vertu de l’article 72 et non de droits.» Ces pouvoirs sont précisément l’objet de plusieurs attaques et contestations alors que l’indépendance du DPP est cruciale pour le bon fonctionnement de l’État.
La création de la Financial Crimes Commission (FCC) risque de priver le DPP de son pouvoir constitutionnel dès le début du processus pénal, ce qui va à l’encontre de l’esprit de la Constitution visant à garantir un système judiciaire équilibré et transparent. «Les pères fondateurs de notre Constitution n’ont jamais eu l’intention de priver le DPP de son contrôle global du processus pénal dès le départ, en permettant au législateur de confier aveuglément à la commission un pouvoir parallèle en vertu d’une loi ordinaire, ce qui aurait pour effet de remplacer le pouvoir constitutionnel inaliénable du DPP», dira-t-il. En effet, la FCC, compte tenu des pouvoirs et du rôle du Premier ministre dans la nomination de son directeur général et de ses commissaires, risque d’être sujette à des influences politiques, en violation de l’article 1 de la Constitution. Le directeur général de la FCC aurait le pouvoir de mener des enquêtes et ne serait pas tenu de soumettre les dossiers d’enquête au bureau du DPP si la commission décide de ne pas donner suite à une enquête. Ceci privera le DPP de la possibilité d’exercer son pouvoir d’engager des poursuites pénales en vertu de l’article 72(3)(a) de la Constitution, le tenant informé après coup et l’empêchant d’exercer son pouvoir d’engager des poursuites pénales contre le présumé coupable.
L’ACP Gangadin contre le DPP
Dans l’affaire Akil Bissessur devant le tribunal de Mahébourg en juin 2023, l’assistant commissaire de police (ACP), Dunraz Gangadin, avait attaqué pour la première fois le DPP concernant la libération provisoire d’Akil Bissessur, de son frère et de sa compagne, Doomila Moheeputh. L’ACP Gangadin avait qualifié de «volte-face» la position du DPP de ne pas s’opposer à la motion de la défense. Les avocats Yakrajsingh Ramsohok et Rajeenee Seegobin avaient informé le tribunal que le DPP n’objecterait pas à la remise en liberté sous caution des trois suspects, ce qui avait irrité l’ACP Gangadin. Cela avait entraîné un véritable conflit verbal entre les deux avocats et l’officier de police. L’ACP Gangadin avait déclaré en cour : «Ce n’est pas la position de la police. Nous nous opposons à cette remise en liberté conditionnelle. C’est une volte-face du bureau du DPP. La police n’est pas d’accord. Nous nous opposons... Je représente le commissaire de police et défends les intérêts de la police dans cette affaire. Le commissaire de police m’a également informé que si le bureau du DPP allait à l’encontre des instructions de la police;nous devions nous opposer et maintenir notre position. Le bureau du commissaire de police fera appel à des avocats privés dans cette affaire.» Depuis vendredi dernier, nouvelle attaque de l’ACP Gangadin contre le DPP, cette fois dans l’affaire de cas de fixed penalty. L’ACP a déjà fait plusieurs dépositions contre Me Ahmine.
Les cas Laurette, Singh et Dabeedin.
Concernant les cas de Bruneau Laurette, de Sherry Singh et de Chavan Dabeedin, la plainte constitutionnelle du responsable de la force policière a été initiée à la suite de la décision de la poursuite de ne pas s’opposer à la liberté conditionnelle de plusieurs suspects, dont Bruneau Laurette, Akil Bissessur et Sherry Singh, des opposants du gouvernement. Anil Kumar Dip, en désaccord avec la décision du DPP de ne pas suivre son avis et d’accorder la liberté conditionnelle à ces personnes, souhaite que ces décisions soient considérées comme anticonstitutionnelles. Me Bhuckory a d’ailleurs souligné, lors de ses plaidoiries, que le CP, dans sa plainte, argue que les questions soulevées ont suscité un intérêt et un débat public importants, ce qui, selon lui, démontre la gravité des questions devant être traitées par la Cour suprême. Or, Mᵉ Bhuckory devait souligner: «This should be censured as it might open the door to litigants creating and stirring up artificial public debates, and then coming to the Court to say that such debates should go to the seriousness of the issue to be tried by the Court – which, in any event, is a totally irrelevant consideration.»
Les attaques du Premier ministre
En mars 2023, lors de la célébration de la journée internationale des droits de la femme, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait critiqué la décision du DPP de libérer Bruneau Laurette sous caution, qualifiant cette décision de «pire que de mauvais précédents».
En rappelant que dans un communiqué très controversé émis par le CP, le terme «evil precedent» avait également été utilisé dans l’affaire Laurette. Pravind Jugnauth, évitant de citer directement le DPP, avait affirmé que dans la lutte contre la drogue, il était malheureux de constater que certaines personnes au sein de certaines institutions prenaient des décisions qui allaient à l’encontre de la lutte contre ce trafic et qui favorisaient des trafiquants. Au Parlement, le Premier ministre a également à maintes reprises ciblé le bureau du DPP, notamment dans l’affaire d’Ehsan Juman dans le port et dans des enquêtes de l’Independent Commission against Corruption.
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