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Exploitation

Le mal-être des travailleurs malgaches

20 décembre 2023, 19:00

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Le mal-être des travailleurs malgaches

• Le triste sort de Fanny et de ses pairs

Exploitation. C’est le premier mot qui vient à l’esprit en écoutant les divers témoignages de ces travailleurs malgaches. Ces derniers vivent dans une crainte permanente : celle d’être déportés pour s’être exprimés. Par conséquent, ils n’osent pas informer les autorités de leurs problèmes et leurs employeurs en profitent… Voici le triste quotidien de Fanny (prénom d’emprunt), récemment arrivée à Maurice.

C’est un sentiment de révolte et de frustration qui anime la jeune femme. Elle ne sait pas vers qui se tourner, dans ce pays étranger où elle ne connaît pratiquement personne, n’ayant qui plus est aucune connaissance les lois régissant le monde du travail chez nous. Pourtant, elle est bien consciente du fait que le contrat qu’elle a signé n’est pas respecté. «Je travaille dans une compagnie de décoration intérieure et de construction. Selon mon contrat, je devais m’occuper de la vente. Or, ce n’est qu’une couverture. Je suis devenue multitâche, assurant le service client, le télé-renseignement, la comptabilité, en gros, on me demande de tout faire…» Non pas qu’elle s’en plaigne forcément, car elle est polyvalente et elle est venue à Maurice avec l’espoir de trouver un avenir meilleur.

«Mon visa expire le 26…»

Mais c’est ce qui se passe en dehors des heures de travail qui l’afflige le plus. «On nous demande d’effectuer divers travaux pour notre employeur, et cela, sans même être rémunérés. Les travailleurs malgaches sont exploités ! C’est la raison pour laquelle nous demandons de l’aide.» Ainsi, dès que le travail démarre, elle veille au bien-être des clients, et une fois que les volets se referment dans l’après-midi, elle se transforme en femme de ménage.

«Ils avaient promis de nous donner Rs 3 000 chaque mois pour effectuer ce type de travail. Or, nous n’avons jamais vu le moindre billet.» Elle ajoute qu’à son arrivée à Maurice, son passeport a été confisqué. «Mon visa expire le 26 décembre, et je ne sais pas aucune s’il a été renouvelé ou pas…» La crainte d’être une clandestine la terrorise.

Notre interlocutrice confie que ses collègues vivent également dans l’appréhension de voir leur salaire diminuer. «S’ils sont malades, on déduit les absences de leur salaire. Nous n’avons pas droit à un congé maladie, et encore moins à un local leave. Parfois, nous travaillons jusqu’à 23 heures.» Se plaindre, c’est s’attirer les foudres de la patronne. «J’ai eu la mauvaise idée de lui dire que certaines choses qu’elle nous demandait de faire n’étaient pas inscrites dans notre contrat. Elle a répliqué qu’elle n’emploie pas du personnel pour qu’il se repose, parte en balade ou qu’il s’amuse. Et que si cela ne m’intéresse pas d’accomplir ces tâches, elle n’aura aucun mal à rechercher d’autres malgaches qui voudront le faire à ma place…»

Intervention des autorités

La peur d’être ren- voyée et de devoir retour- ner dans la Grande île est constamment présente, d’autant plus que sa patronne est consciente que les files d’attente pour venir à Maurice sont longues dans son pays. Pourquoi cet engouement ? «C’est bien plus facile que de chercher une place au Canada, en France, ou même à La Réunion. Chez nous, la misère s’aggrave chaque jour. Ce sont surtout les jeunes qui se retrouvent au chômage. Les opportunités d’emploi ne sont pas suffisantes à Madagascar. Nous explorons d’autres alternatives et Maurice offre de nombreuses opportunités.» Elle ajoute qu’elle ne veut pas retourner chez elle sans avoir atteint son objectif qu’est l’avancement financier. «Rien ne nous attend à Madagascar. C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup de mes collègues préfèrent vivre dans la clandestinité à Maurice.»

Certes, comme elle le souligne, son peuple est reconnu pour son acharnement au travail. «Nous ne baissons pas les bras. On travaille sans relâche. Nous sommes un peuple travailleur. Mais cela ne signifie pas qu’il faut nous traiter de la sorte, nous rabaisser à ce point.»

Sa famille, qui suit son parcours de là-bas, est attristée quand elle raconte le sort qui lui est réservé ici. «Ils m’encouragent et me donnent de la force. Ils prient pour que des changements soient apportés à nos conditions de vie.»

Elle espère qu’après avoir osé raconter son histoire, mis en exergue son triste sort et celui de ses compatriotes, les autorités prendront les sanctions nécessaires contre cette exploitation qu’elle endure. «On attend également que l’ambassade intervienne. Nous vivons dans une galère terrible. On souffre beaucoup car nos droits humains ne sont pas respectés.»

Comme elle, plusieurs travailleurs étrangers vivent avec la boule au ventre. Une autre malgache a brièvement expliqué qu’après avoir travaillé pendant un mois dans un hôtel, elle et ses semblables ont été renvoyés, sans raison apparente. Aujourd’hui, ils vivent dans la clandestinité et cherchent de petits boulots çà et là non seulement pour survivre mais aussi pour rembourser les prêts contractés avant leur départ… Tous espèrent une intervention rapide des autorités.