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Budget 2024-2025
Le manque de main-d’oeuvre, principal obstacle qui freine les secteurs
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Budget 2024-2025
Le manque de main-d’oeuvre, principal obstacle qui freine les secteurs
Dans l’anticipation du Budget 2024-2025, des secteurs économiques se trouvent dans une situation assez difficile, d’où leur appel au ministre des Finances, Renganaden Padayachy, à présenter des mesures pour raviver leur espoir. Malgré une hausse du salaire minimal, le manque de main-d’oeuvre se fait cruellement sentir à travers une multitude de secteurs. La protection de l’environnement face au changement climatique et des consommateurs face à la cherté de la vie figure également à l’agenda. Les attentes sont élevées alors que le gouvernement s’apprête à dévoiler son cinquième et dernier Budget le vendredi 7 juin.
Les PME étouffées par l’absence de travailleurs locaux
Malgré les appels de détresse répétés de la présidente de SME Chambers, Maya Sewnath, elle persiste dans sa lutte pour libérer les petites et moyennes entreprises de l’engrenage dans lequel elles sont prises. Pour elle, le manque de main-d’oeuvre constitue l’obstacle majeur entravant le développement du secteur des Petites et moyennes entreprises (PME). «L’augmentation du salaire minimum a rendu la main-d’oeuvre extrêmement rare. Je ne suis pas opposée au salaire minimum, mais il est nécessaire d’avoir un filet de protection contre les produits importés. D’un côté, les salaires ont augmenté, tandis que de l’autre, les prix des matières premières ont explosé. Cela nous plonge dans une situation difficile», souligne-t-elle. Ainsi, bien que la production locale soit encouragée, elle constate que les prix ne peuvent rivaliser avec ceux des produits importés. Dans la foulée, elle dénonce une discrimination du gouvernement s’agissant du soutien accordé aux PME locales par rapport aux grandes entreprises du pays.
Selon la vice-présidente de SME Chambers, la situation des PME est devenue extrêmement difficile après la pandémie de Covid-19. «Le prêt Covid, poursuit-elle, pèse lourdement sur les entrepreneurs car ces derniers n’arrivent pas à honorer leurs obligations de remboursement envers les institutions bancaires.» Afin d’alléger le fardeau des PME, elle propose l’annulation de cette dette afin qu’elle ne constitue pas un obstacle lorsque les PME sollicitent un soutien financier auprès des banques.
Maya Sewnath souligne l’importance d’accorder aux PME un accès équitable aux marchés. Elle déplore la saturation du marché par des produits importés alors que les PME locales sont tout à fait capables de produire comme le font plusieurs pays étrangers. «Nous attendons des incitations en termes de technologie», ajoute-telle. Elle plaide également pour une réduction de la bureaucratie dans les procédures des PME. «Je ne comprends pas la vision du gouvernement pour les PME. Nous sommes les laissés-pour-compte. Nous sommes condamnés à une mort lente», regrette-t-elle.
Agriculture: en attentes des mesures pour remonter la pente
En tant que planteur et président de l’Agricultural Development Marketing Association (ADMA), Kavi Santchurn affirme qu’il est grand temps d’établir des fondations solides pour garantir la sécurité alimentaire. L’une des principales préoccupations du secteur, ajoutet- il, est la pénurie de main-d’oeuvre. «Nous parlons de facilitation des affaires, nous avons mis en place des lois, mais avons-nous réellement facilité l’accès des planteurs à la maind’oeuvre étrangère?», interroge-t-il. Le président souligne également que l’embauche de travailleurs étrangers représente un coût élevé pour les planteurs, qui rencontrent déjà de nombreux défis. «La population des planteurs ne cesse de vieillir, mais ils ne cultivent plus comme auparavant. Ils se contentent désormais de leur pension et ne s’en soucient plus», déplore-t-il.
La réforme de l’administration du secteur agricole, estime le président de l’ADMA, doit être la priorité absolue. Il appelle à une refonte complète du secteur agricole en raison du manque de politique agricole claire. Il trouve également préoccupante la grande disparité entre le prix des légumes vendus par les planteurs aux revendeurs et celui des revendeurs aux consommateurs, un problème qu’il espère voir résolu dans le budget 2024-2025. «Les problèmes que nous avions il y a 15 ans sont restés les mêmes», dit-il. Alors que la sécurité alimentaire reste un sujet de préoccupation depuis plus de dix ans et qu’un milliard de roupies a été alloué à cet effet, il exprime ses craintes quant aux progrès réalisés. «Nous observons une tendance à la baisse simplement en regardant les prix des légumes sur le marché et le nombre de personnes engagées dans la culture des légumes. Il est évident que le nombre a diminué, ce qui signifie que les objectifs fixés il y a dix ans n’ont pas été atteints», constate-t-il. Kavi Santchurn souhaite que le Budget ouvre davantage l’accès aux intrants agricoles pour les planteurs. Il déplore le fait que seules certaines entreprises privées commercialisent ces intrants à des prix «arbitraires».
AMM: la pénurie de bras revient sur le tapis
Le problème persistant de pénurie de main-d’oeuvre demeure non résolu. Des freins stratégiques au développement du secteur industriel sont encore très présents pour l’AMM, qui dans son mémorandum ayant pour titre «L’industrie manufacturière locale : Mutation et transition à accélérer!», propose de nouvelles mesures mais aussi rappelle des mesures déjà mentionnées dans des budgets précédents. Selon elle, il est impératif de traiter en urgence deux aspects pour garantir et accélérer la croissance industrielle.
Pour l’AMM, la main-d’oeuvre est cruciale pour assurer la durabilité de l’industrie locale et de son écosystème. Afin de concrétiser cette vision, il est crucial, selon elle, «d’encourager et de faciliter les processus d’accès à la maind’oeuvre étrangère pour les fabricants, afin de soulager les pressions et de garantir le bon fonctionnement du secteur, en attendant la transition technologique». En raison de la pénurie de main-d’oeuvre à laquelle sont confrontées les entreprises orientées vers le marché domestique, l’AMM rappelle que son mémorandum budgétaire pour 2023- 2024 avait souligné une «situation alarmante» concernant le manque de main-d’oeuvre locale, un défi majeur pour la durabilité et la compétitivité de ces entreprises. Des secteurs tels que le recyclage et l’agroalimentaire opèrent déjà en dessous de leur capacité de production en raison des lenteurs dans les procédures de recrutement des travailleurs étrangers. L’association demande donc qu’un délai maximal de trois semaines soit fixé pour l’approbation d’un permis de travail. En vue de l’avènement progressif de la robotisation et de l’automatisation qui vont réduire la part de main-d’oeuvre nécessaire dans la transformation et la commercialisation de nos produits, elle estime que si le marché du travail n’est pas ouvert, «la pénurie de main-d’oeuvre et le manque d’intérêt des jeunes générations pour les emplois industriels seront des facteurs limitants, voire désastreux, pour la croissance du PIB industriel».
Parmi les cinq points abordés dans son mémorandum, l’AMM insiste sur la nécessité de fournir des incitations fiscales pour encourager l’automatisation des entreprises locales tournées vers l’exportation, la recherche et le développement, ainsi que la transition écologique. Dans cette optique, elle préconise l’extension de la fiscalité réduite à 3% à l’ensemble du secteur industriel. Pour soutenir les entreprises exclues de l’Investment Tax Credit, l’AMM propose une subvention de 15% sous forme d’une double détaxation de la TVA sur les investissements productifs.
Afin de stimuler les investissements, notamment des petites et moyennes entreprises, l’AMM recommande la mise en place d’un «cash improvement scheme» par la Development Bank of Mauritius (DBM), offrant un taux de 3 % sur sept ans et accessible à partir d’un montant empruntable minimum de Rs 100 000.
Casse-tête des déchets
Dans son mémoire, l’AMM insiste sur l’urgence de reconnaître et de classer les activités de recyclage comme des activités manufacturières. Actuellement, ces activités sont désavantagées par leur classification en tant qu’entreprises de services alors qu’elles génèrent des flux d’exportation de produits recyclés. Compte tenu du fait que le pays est confronté à un grave problème d’enfouissement des déchets, l’AMM appelle à une approche basée sur les principes d’éviter, de réduire, de recycler et de compenser les déchets.
MEXA : des obstacles qui entravent la transformation durable du secteur de l’export
La Mauritius Exports Association (MEXA), dans son mémorandum, met en lumière le problème de la main-d’oeuvre. Dans sa démarche vers une transformation durable, l’association insiste sur la nécessité d’améliorer le processus d’obtention du permis de travail. «Le nouveau modèle d’exportation nécessitera l’acquisition de compétences inédites, actuellement absentes à Maurice», indique le document. Selon la MEXA, cette évolution demandera une expertise internationale et favorisera le développement et l’enrichissement des talents locaux. Dans le cadre de la rationalisation des processus de permis de travail et de résidence, la MEXA affirme que le secteur de l’exportation élargit actuellement ses sources de main-d’oeuvre étrangère en élargissant ses recrutements au-delà du Bangladesh vers de nouvelles destinations. Cependant, elle estime que cette transition a entraîné un écart de productivité et d’efficacité car les nouveaux travailleurs n’ont pas encore atteint le niveau de leurs prédécesseurs. Par conséquent, la MEXA estime qu’une prolongation de la durée maximale de séjour des travailleurs expatriés de 8 à 10 ans est nécessaire.
En mal d’investissement
Pour assurer la croissance durable sur le long terme, la MEXA demande la mise sur pied d’une Independent Industrial and Export Investment Agency dotée de sa propre structure et de ressources. L’association souligne que l’investissement direct étranger dans l’industrie est demeuré faible depuis plus de dix ans, et que les secteurs d’exportation traditionnels ne permettront pas d’atteindre une croissance exponentielle. «Pour y parvenir, il est crucial que le secteur de l’exportation attire de nouveaux investissements», affirme la MEXA. À cette fin, elle propose quatre mesures, notamment des investissements de Rs 5 milliards au cours des deux prochaines années pour la construction de parcs industriels ultramodernes dans des zones stratégiques. Ces infrastructures plug-and-play, destinées à attirer les investisseurs, devraient, selon la MEXA, réduire les coûts et accélérer les délais de réalisation des projets. Selon l’association, cet investissement ciblé devrait générer des revenus d’exportation additionnels de Rs 10 milliards.
Chute drastique de l’exportation vers les Etats-Unis et le Royaume-Uni
Devant la chute drastique et continue des exportations vers les États-Unis et le Royaume-Uni, due à un manque de visibilité, la MEXA préconise la création d’un Trade Promotion and Marketing Fund cogéré par la MEXA et l’Agence de Développement Économique. Selon l’association, ce manque de visibilité pousse les acheteurs à se tourner vers l’Asie, ignorant l’existence de Maurice.
Le secteur de la construction est confronté à une pénurie critique de compétences qui risque de freiner son développement. Dans son mémorandum, la Building and Civil Engineering Contractors Association (BACECA) souligne l’importance de l’alignement des frais de permis de travail sur ceux du secteur manufacturier. De manière simultanée, simplifier et accélérer le traitement des permis de résidence est une priorité pour la BACECA afin de construire une main-d’oeuvre compétente et stable.
Face aux défis croissants imposés par le changement climatique à l’industrie de la construction, la BACECA demande une exonération de la TVA pour les importations et la distribution de nouvelles technologies et équipements destinés à contrer ses effets néfastes. De plus, la BACECA recommande des incitations fiscales pour les entreprises impliquées dans la construction écologique. Pour faciliter cette transition, elle propose également une exemption de 100 % des droits de douane pour l’achat de matériel, d’équipement et de véhicules de construction écologiques d’une valeur supérieure à Rs 500 000. En outre, malgré une reprise dans le secteur, 2023 a été une année financièrement difficile pour les entreprises de construction de toutes tailles, selon la BACECA.
Reverdir Maurice et protéger les consommateurs
Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), Suttyhudeo Tengur, déclare qu’il est urgent de redonner vie au paysage naturel. Pour lui, les forêts doivent retrouver leur splendeur d’antan avec un accent particulier sur la propagation des plantes indigènes. Il déplore la diminution des forêts, notamment celles entre Mare-aux-Vacoas et Grand-Bassin, de même que la réduction des zones de captage des pluies.
En ce qui concerne la gestion du bois et des forêts ainsi que la préservation de la biodiversité, il estime qu’un travail considérable reste à accomplir, particulièrement en ce qui concerne le reboisement face au sérieux rétrécissement des forêts indigènes. Malgré l’adoption d’une nouvelle législation environnementale (Environment Bill), Suttyhudeo Tengur souligne que l’essentiel réside dans son application effective. Pour le président de l’APEC, la protection de l’environnement, face aux défis du changement climatique, ne peut se limiter à des sanctions contre les contrevenants. Il plaide pour un plan d’action concret, étalé sur une période définie, pour chaque projet, qu’il s’agisse du reboisement, de la préservation de la biodiversité ou de la protection des plages.
Dans le domaine de la protection des consommateurs, Suttyhudeo Tengur plaide pour une mesure proactive, qui concerne l’introduction d’un département spécifique au sein du ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs. Ce département, dit-il, serait chargé de mener une étude approfondie sur les importations alimentaires mauriciennes englobant les coûts des produits dans leur pays d’origine, les frais de transport, les charges administratives des importateurs, ainsi que le respect des marges bénéficiaires sur les différents produits tout en surveillant les prix au détail de ces denrées alimentaires. Selon le président, une telle initiative permettrait d’évaluer si les commerçants appliquent des hausses de prix injustifiées et permettra d’ouvrir ainsi la voie à des mesures correctives, voire des sanctions. Il souligne que cette démarche offrirait une meilleure compréhension des réalités du commerce et renforcera la protection des consommateurs.
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