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Victoire de l’alliance du changement

Le mythe «4 à14» vole en éclats

17 novembre 2024, 16:00

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Le mythe «4 à14» vole en éclats

À l’issue du verdict des urnes, le mythe «4 à14» a volé en éclats. Ces dix circonscriptions ont souvent été considérées comme des banques de votes pour le PTr et le MSM et la légende veut que le critère communal influence les électeurs. Cependant, les résultats du scrutin 2024 ont fait exploser ce mythe communal et ont démontré que l’électeur mauricien a d’autres préoccupations que ces basses considérations.

«24/sek» et prolifération de drogues Pendant la campagne électorale, Raviraj Sinha Beechook, élu de la circonscription no 9 (Flacq– Bon-Accueil), avait commencé à déconstruire ce mythe du «4 à 14». «Pravind Jugnauth se projette comme le propriétaire de cet électorat parce que lui et ses candidats ne peuvent pas vous expliquer pourquoi les habitants de «4 à14» souffrent autant que les autres. Il n’y a pas d’eau et la toxicomanie détruit notre jeunesse dans chaque village aujourd’hui. Lorsque les prix des produits de base et de l’électricité augmentent et que les jeunes qualifiés sont privés d’emploi pour laisser la place aux partisans du gouvernement, les familles des circonscriptions «4 à14» souffrent de la même manière», déclarait-il.

La campagne communale n’était pas feutrée et les attaques ont augmenté lorsque Shakeel Mohammed a été annoncé comme numéro 3 du gouvernement. «Ils tentent de communaliser le débat politique pour alimenter le sentiment parmi les personnes de foi hindoue qu’elles sont en danger», a expliqué Anil Bachoo lors d’un congrès, précisant que ce type d’attaque avait lieu car Shakeel Mohammed était issu d’une minorité. Lors des réunions nocturnes de l’alliance, Raviraj Sinha Beechook est revenu plusieurs fois sur les raisons de cette campagne communale du gouvernement sortant lors de toutes les réunions nocturnes et régionales du l’Alliance du changement. «Le MSM joue la carte communale parce qu’il ne veut pas entendre parler d’eau, de Kistnen, de drogue, d’inflation et de Wakashio.» Il est allé plus loin lors d’entretiens à l’express ainsi que lorsqu’il a répondu aux questions de notre confrère, Al-Khizr Ramdin, sur Informus, en expliquant que ce «mécanisme de frayeur par le MSM est dû à un manque de bilan de développement». Des agents sur le terrain nous ont également confirmé cette information. Raviraj Sinha Beechook a aussi mis l’accent sur la compétence plus qu’autre chose. «Nous avons besoin de personnes ayant du talent et des compétences, car nous avons des ministres actuels qui disent ‘’laptop pou eklate si ou met pendrive ladan’’, comme si cela faisait honneur aux «4 à14.»

Démographie évolutive

Revenons au début de l’histoire. C’est quoi cette histoire de «4 à14» ? «Tout d’abord, ne parlons plus en parabole. Nous parlons là de circonscriptions rurales avec une majorité de personnes de foi hindoue», avance Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique. Ces dix circonscriptions n’ont pas toujours été considérés comme acquis par un groupe. Il rappelle que dans les années 1970, le MMM était un parti ancré dans les campagnes, car c’était un parti de travailleurs qui avait le soutien des syndicalistes. «SAJ a été élu sous la bannière du MMM en 1976», rappelle-t-il. La politique, à ce moment-là, était une confrontation de classes. «À Maurice, il n’y a ni apartheid, ni ségrégation. La démographie des villages s’est constituée au fil de l’histoire.»

C’est en 1983, après la cassure du MMM et la formation du MSM que le discours politique a commencé à changer. L’accent n’était plus sur les classes sociales, mais sur les majorités et les minorités ; et c’était le début de la légende des circonscriptions rurales acquises. Le phénomène souvent oublié des politiciens, dit l’historien, est que la société évolue. «Il y a des phénomènes de migration entre les zones urbaines et rurales. Ce type de marqueurs politiques n’est pas fixe et il ne faut pas oublier que même s’il y a une majorité, il y a toujours une minorité avec», ajoute Jocelyn Chan Low . Raison pour laquelle de telles affirmations, basées sur la géographie, ne tiennent pas toujours. Il rappelle que ce que le pays a vécu n’est pas nouveau. En 1982 et 1995, il y a eu le même phénomène. «Lorsqu’il y a des vagues, rien ne tient. Encore moins l’argument communal.»

Une autre explication était la composition même de l’alliance. Subash Gobine, sociologue et observateur politique, revient sur ce point et avance que l’Alliance du changement a eu un effet multiplicateur à l’intérieur même de la coalition. «En 2014, il y avait des problèmes. Certaines personnes étaient d’accord avec Navin Ramgoolam, d’autres non. Tout comme il y avait ceux qui étaient d’accord avec Paul Bérenger et d’autres non.» De plus, il y a 10 ans, le concept de deuxième république était flou. Mais cette année, chaque élément de l’alliance était un plus, ce qui a créé un bloc solide. «Tout le monde a voté pour une alliance et pas pour un parti.» Par ailleurs, il revient sur les points avancés par Raviraj Sinha Beechook et affirme que le mythe «4 à 14» tient de moins en moins la route car ces zones ne peuvent pas être réduites à une question de communautés. «Il y a d’autres réalités à prendre en considération.»

Le phénomène «Moustass»

Il y a eu aussi un autre phénomène cette année. Pour Jocelyn Chan Low, la campagne de 2024 ne peut pas être comparée aux autres à cause de l’ennemi invisible du gouvernement sortant, Missie Moustass. Ce dernier a perturbé le schéma classique des campagnes. «Il ne faut pas oublier qu’il n’y a plus de die-hards des partis. L’électorat est volatile, donc, le résultat des urnes dépend grandement de la campagne électorale.»* La campagne avait débuté comme toute autre. «Les ministres qui se font chahuter sur le terrain, cela ne veut rien dire. Cela a toujours existé. Mais à partir du Nomination Day, il y a la mobilisation en masse des partisans.» Dans cette partie de la campagne électorale, Pravind Jugnauth, comme tous les gouvernements sortants dans le passé, se serait concentré sur son bilan et ses promesses pour faire oublier les scandales.

Mais l’arrivée de Missie Moustass a été amplifiée par les réseaux sociaux. «Sans les réseaux, il n’y aurait pas eu de Missie Moustass», ajoute Jocelyn Chan Low. Il a fait de sorte que les scandales restent au-devant de la scène jusqu’au dernier moment. Cela a été fatal pour le MSM et ses alliés. *«Missie Moustass maîtrise parfaitement la communication politique», fait ressortir Jocelyn Chan Low.

Les bandes sonores ont été révélées avec une précision presque scientifique. Il a su créer la suspense, l’attente et rythmer la campagne. Les bandes n’étaient ni trop courtes, ni trop longues. Puis, il y a eu les bandes sonores attribuées à Kobita Jugnauth. «À travers le monde, les femmes de dictateurs se sont toujours attiré les foudres du peuple. Il y a eu Grace Mugabe, Imelda Marcos, entre autres. La même stratégie a été utilisée pour attaquer Pravind Jugnauth. Ce choix a été bien calculé», dit-il.