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Agriculture

Le paradoxe du sucre: prix record mais cannes à l’abandon

28 septembre 2023, 22:01

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Le paradoxe du sucre: prix record mais cannes à l’abandon

Roshan Baguant, président sortant du Syndicat des sucres, appelle à ne plus convertir les terres agricoles.

Les facteurs qui occasionnent cette tendance à la hausse du prix du sucre sur les marchés ne vont pas disparaître de sitôt alors que 10 000 hectares qui auraient pu faire entrer des devises de plus de Rs 2 milliards dans le pays en 2023 sont à l’abandon.

Les acteurs du secteur de la production du sucre de canne peuvent se réjouir. La récolte 2022 a obtenu un prix record de Rs 25 554 la tonne, soit 52 % bien au-dessus du prix obtenu pour la récolte de 2021. Cette bonne nouvelle a été annoncée, mardi, à l’hôtel le Labourdonnais, au Caudan, lors de l’assemblée générale annuelle du Mauritius Sugar Syndicate (MSS), société chargée de commercialiser le sucre mauricien. L’occasion de nommer Fabien de Marassé Enouf, CEO d’Alteo, à la présidence du Syndicat.

Tandis que le prix du sucre sur le marché international amorce une tendance à la hausse, 10 000 hectares de terre jadis sous culture de la canne à sucre sont à l’abandon. Ces 10 000 hectares peuvent assurer la production de quelque 80 000 tonnes de sucre qui, au prix du jour, aurait rapporté un peu plus de Rs 2 milliards aux acteurs de l’industrie sucrière, cette année.

Les bonnes et les mauvaises nouvelles ont été dévoilées par Roshan Baguant président sortant du conseil d’administration du Syndicat des sucres. Les principales caractéristiques du nouveau prix sont qu’il:

  • est trois fois supérieur à celui de la récolte de 2018 qui était de Rs 8 700 bien au-dessus des Rs 18 620, le plus bon prix obtenu en 2007 lorsque le protocole sucre permettait d’avoir un prix garanti ;

  • aura permis aux planteurs d’encaisser un revenu global, incluant la commercialisation de la bagasse et de la mélasse de Rs 30000, bien supérieur aux Rs 25 000, prix garanti par le gouvernement, au profit des petits planteurs.

«Monsieur le ministre appelle le président du conseil d’administration du MSS, il faut intervenir urgemment afin de renverser cette tendance. Non seulement, il nous faut absolument recouvrer les terres abandonnées pour les soumettre à la culture de la canne mais il nous faut s’abstenir de convertir des terres agricoles à fort rendement ne serait-ce que pour soutenir le niveau de notre sécurité alimentaire et énergétique et au non de notre environnement qui a besoin d’être protégé et conservé. Il nous faut également tenir en ligne de compte que lorsque le marché est en présence d’une baisse de production, nous mettons en péril le niveau de compétitivité de l’industrie et de flexibilité pour aller à la recherche des meilleurs prix pour notre sucre sur les marchés.»

Il va plus dans son plaidoyer:«La tendance à la fluctuation des prix que l’on peut observer sur le marché du sucre nous permet de conclure que la viabilité du secteur de la production de la canne à sucre ne devrait être envisagée que sur les moyen et long termes. En ce qui concerne la plupart des produits agricoles, il nous faut profiter d’une situation de marché qui nous est favorable pour accentuer notre intérêt pour la conception des projets d’investissement et nous mettre dans une position où nous sommes en position de déployer un niveau satisfaisant de préparation face à des situations d’urgence.» C’était une des premières fonctions de Teeruthraj Hurdoyal qui vient tout juste de prendre le portefeuille du ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire

Parmi les facteurs évoqués par Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du MSS, figurent:

  • la réticence des producteurs d’augmenter leurs productions, une tendance provoquée par plusieurs facteurs, parmi lesquels un surplus de production alors qu’on assiste à une hausse de la demande sur le plan global ; - hausses successives des coûts de production partout dans le monde, hausses occasionnées par la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie ;

  • la hausse dans le volume de la consommation du sucre.

Le prix obtenu pour le sucre mauricien n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de la stratégie commerciale adoptée. Celle-ci s’articule autour de la recherche de marché niche et la détermination de diversifier son marché. Aujourd’hui, le MSS compte une soixantaine de destinations pour vendre son sucre. La société privilégie des marchés niches, c’est-à-dire un segment très spécifique où le niveau de concurrence n’est pas alarmant et où un opérateur peut fournir des produits à haute valeur ajoutée. La vente des sucres spéciaux dans des segments niches de marchés a dépassé les 136 000 tonnes après une hausse de 18 % comparativement à l’année précédente.

Une stratégie qui débouche sur une situation paradoxale car, d’une part, tous les sucres produits à Maurice incluant toute la production de sucres spéciaux sont vendus par le MSS et, d’autre part, Maurice importe du sucre pour sa consommation locale. Une des dernières initiatives prises par le Syndicat des sucres en vue de consolider la position du sucre mauricien sur le marché international, a été l’organisation d’une rencontre à Paris en octobre 2022, où une centaine d’acheteurs pouvaient rencontrer des producteurs mauriciens. Les acheteurs ont été introduits au MSS Virtual Club, une plate-forme où acheteurs et vendeurs peuvent échanger.