Publicité
Manière de voir
Le pléonasme, un fusil à… répétition
Par
Partager cet article
Manière de voir
Le pléonasme, un fusil à… répétition
Nous sommes en général des francophones mais cela ne veut pas dire que le français parlé à Maurice correspond exactement à la langue française. C’est normal puisque nous ne sommes pas français. Sans nous en rendre compte, on multiplie les anglicismes (filling station, file, flasher, station de police, board…). Nous inventons même une sorte de nouvelle langue que nous sommes les seuls à comprendre. Exemples: «pèse le taquet», «allume le globe», «quel beau campement…».
Il semblerait, cependant, que l’erreur la plus fréquente relève du pléonasme qui abonde dans le français parlé mauricien. Un pléonasme est une redondance, une répétition de ce qui vient d’être déjà énoncé comme monter en haut ou descendre en bas. Monter et descendre suffiraient amplement. Amusons-nous à relever non pas tous ces pléonasmes mais les plus usités. Ils bourdonnent à l’oreille des non-Mauriciens.
De jeunes adolescents. Un adolescent ne peut qu’être encore jeune. Répétition inutile dont nous ne sommes pas toujours conscients. Ajourner à plus tard: le verbe seul laisse entendre que c’est remis à une autre heure du jour. Ajouter en plus : le verbe en soit contient l’idée de véracité. Pourquoi alors se répéter ?
Un cadavre inanimé : à moins qu’il ne s’agisse d’un mort-vivant, un cadavre n’est pas supposé bouger ou s’animer. Car en effet : les deux expressions signifient la même chose et sont interchangeables. Les mettre l’un à côté de l’autre est une faute. Défiler successivement : on ne peut défiler que l’un après l’autre. L’adverbe qui suit est inutile. Un dicton populaire est un parfait exemple pour dire adage. Dicton implique la popularité du proverbe. Une dune de sable: il n’existe pas d’autre dune que celle faite de sable. Usage exclusif.
L’ultime effort final met en concurrence deux adjectifs, ultime et final, qui ont la même signification. Puis ensuite sont des synonymes. Choisissez l’un ou l’autre. Faute d’attention quand on veut en vérité dire faute d’inattention. C’est l’inattention qui est une faute. S’entraider mutuellement, encore deux synonymes, ce qui en fait un de trop. Une hémorragie de sang : hémorragie ne s’applique que quand il s’agit de sang et dans nul autre contexte. Répéter de nouveau appelle à commettre un doublon. Pourquoi se répéter ?
Se réunir ensemble: si on n’est pas ensemble, c’est qu’on ne s’est pas réuni. Des souvenirs du passé : faudrait être devin ou charlatan pour se souvenir de l’avenir. «Back to the future», dit le film. Une surprise imprévue: comment la prévoir si c’est une surprise. C’en est une ou pas. Même, voire sont également des synonymes. Il faut choisir l’un ou l’autre. Une petite maisonnette : cette dernière ne saurait être grande puisqu’elle admet elle-même qu’elle est petite, contrairement à la maison. Un petit nain : des grands nains, ça n’existe pas, sauf dans des contes ou des dessins animés. Reculer en arrière: faudrait pouvoir expliquer comment reculer en avant!
Surcharger le baudet
Une secousse sismique : l’adjectif sismique indique déjà que secousse il y a. Alors, dites simplement séisme. Prédire/Prévoir d’avance: les deux verbes laisse clairement entendre qu’il s’agit de l’avenir. La première priorité : cette dernière ne passerait pas en premier si elle n’était pas une priorité ou alors faut revoir quelles sont nos priorités. Un faux prétexte: tout prétexte n’est qu’une fausseté. Pas la peine de surcharger le baudet. Premier en tête: s’il n’était pas en tête, il ne serait pas premier et vice-versa. Blanc bonnet, bonnet blanc.
Une fausse perruque: une perruque est toujours fausse au départ même. Pas la peine de le lui enfoncer dans le crâne déjà dégarni. Un monopole exclusif : il n’y a pas d’exclusivité si l’on ne détient pas le monopole pour un produit, par exemple. L’exclusivité contestée donne parfois lieu à des procès. Sur les bords du littoral semble être une expression anodine mais il est le nom utilisé en français pour d’écrire les bords d’une plage. C’est le littoral ! Ainsi cette expression souvent utilisée est une redondance qu’on ne devine même pas tant elle semble naturelle.
Mais venons-en au pléonasme que nous utilisons le plus en français parlé à Maurice : en une heure de temps, que l’on retrouve d’ailleurs en créole. Si on dit une heure, il ne peut s’agir que d’une durée dans le temps. Alors à quoi ça sert d’ajouter «de temps» après une heure. Ça ne sert à rien de procéder à une telle répétition et, pourtant, nous l’entendons quotidiennement dans la conversation. Ne dramatisons pas non plus puisque nous sommes entre Mauriciens qui ne nous rendons pas toujours compte de nos erreurs de langage en français parlé.
Le prochain pléonasme prête à sourire : marcher à pied. L’erreur est tellement évidente qu’elle nous échappe complètement. Comment marcher si ce n’est qu’en utilisant nos pieds. Pour la petite histoire, sachez que les premiers êtres humains marchaient tous à quatre pattes. Avec le temps, ils se sont aperçus qu’ils ne pouvaient pas atteindre, par exemple, les fruits aux branches des arbres. C’est alors et pourquoi, l’homme redressa ses deux pattes avant progressivement. Ce sont devenus ses mains qui lui ont alors permis de cueillir les fruits et de se tenir finalement debout.
Complexité du français
C’est l’hiver et, en certains endroits la nuit, nous dirons naturellement que nous gelons de froid. Vous avez certainement deviné où se trouve le pléonasme. On ne peut geler que de froid et de rien d’autre. Il n’y a pas plus précis que l’adverbe exactement. Pourquoi alors en parlant, disonsnous souvent très exactement. Le très ne renforce en rien et n’apporte en rien quelque autre précision que contient déjà l’adverbe. Certains doivent en conclure que décidément la langue française parlée n’est pas un art facile sans parler du français écrit dont la complexité n’aura échappé à personne. Pléonasme à éviter: au jour d’aujourd’hui. Pouah !
Autre erreur de langage qui passe presque inaperçu tellement nous nous sommes habitués à les associer alors qu’il n’y aucune nuance entre les deux. Au grand maximum: Il y a le maximum tout court et rien ne peut aller au-delà. L’adjectif grand n’apporte rien à ce mot qui exprime déjà tout. Le maximum, c’est le maximum et rien de plus.
Évaluer la valeur, un pléonasme que l’on devrait éviter puisque la valeur est englobée dans le verbe évaluer qui seul veut tout dire. S’approcher (près) de : le verbe signifie pleinement la notion de proximité. Rien ne justifie le fait d’en rajouter avec «près». Par conséquent, la formulation correcte est «s’approcher de» tout simplement. Construire une maison neuve : on ne peut pas construire du vieux. Ce verbe indique qu’il s’agit d’une nouveauté. Dire «construire une maison» et tout le monde comprend que ce sera du neuf.
Une paire de jumelles. La simple logique veut que «jumelles» sousentende la notion de deux tout comme paire. Pourquoi dire deux fois la même chose? C’est une erreur souvent commise sans qu’on y prête attention. Tous unanimes: l’unanimité laisse entendre que la totalité est concernée. «Tous et unanimes» se résume à dire la même chose deux fois, d’où pléonasme.
Nous espérons que ces quelques exemples relevés dans le français parlé chez nous vous auront amusé. À vous maintenant de prendre la suite et de déceler d’autres pléonasmes. Surprenez-vous.
Boukou douk !
Publicité
Les plus récents