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Transversale

Le précoce, le poissard et le nanti

16 juillet 2024, 13:22

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Le précoce, le poissard et le nanti

Comme si une fée s’était penchée sur son berceau à la naissance (Lionel Messi lui fit prendre son bain lorsqu’il était un nourrisson, comme on l’a découvert sur les réseaux sociaux), la destinée de Lamine Yamal semble toute tracée. Faite de strass et de paillettes. De gloire et de titres. «Lamine la dimal ca» ! pourrait-on dire dans un patois bien de chez nous, après le sacre de l’Espagne en finale de l’Euro 2024, dimanche dernier, à Munich.

À 17 ans et trois jours aujourd’hui, celui qui a toujours voulu ressembler à Neymar symbolise la nouvelle Espagne multiculturelle et victorieuse avec ses origines marocaines et équatoguinéennes. Avant de nous faire écarquiller des yeux avec sa fougue, ses gestes techniques, son assurance et sa prodigieuse précocité, il a grandi dans une banlieue de Barcelone dans un milieu modeste.

À titre de comparaison, la destinée d’Harry Kane serait plutôt faite de… stress et de défaites! 2 League Cups, 1 Champions League, 2 finales de l’Euro : il rate tout. La scoumoune lui colle aux basques, un vrai poissard. On entend déjà ses rares défenseurs:«Ce n’est pas de sa faute, il jouait à Tottenham Hotspur qui n’a plus rien gagné depuis belle lurette…»

Mais non! Le buteur anglais vient de perdre le titre de champion d’Allemagne et la Supercoupe d’Allemagne avec son nouveau club, le Bayern Munich, club qui n’avait plus perdu une Bundesliga depuis 12 ans, SVP! Si clinique et adroit devant le but, les 30 ans d’Harry Kane ont pourtant semblé peser très lourd dimanche face à la fabuleuse machine rouge et jaune de Luis de La Fuente. Sans les arrêts de Pickford et un petit manque d’efficacité espagnol, les Anglais auraient pu prendre bien plus cher à Munich…

Comme pour Cristiano Ronaldo avec le Portugal, est-ce que ce n’était pas le match de trop ? Vu le monstre auquel Gareth Southgate devait faire face, ne fallait-il pas tenter quelque chose de plus audacieux que son pragmatisme habituel et son jeu stéréotypé et prévisible ? Comme envoyer Kane sur le banc et débuter avec un Cole Palmer, un Ollie Watkins, un Ivan Toney ?

Des records et des buts, Harry Kane en claque pourtant à la pelle. Il est même considéré par certains comme le meilleur joueur de la sélection anglaise de tous les temps (dixit Garry Neville et Wayne Rooney…). Oui, Kane reste un grand buteur, mais dès qu’il s’agit de remporter des titres, on dirait que les planètes ne sont plus alignées tout à coup… Un mystérieux «jinx» qui fascine les Anglais, et pas qu’eux d’ailleurs, ça pourrait même faire un beau sujet de thèse universitaire si d’aventure sa malchance le poursuivait irrémédiablement…

Ceci dit, Harry Kane a bon dos, et est le souffre-douleur tout désigné d’une équipe ennuyeuse à voir jouer, hormis contre les Pays-Bas, en demi-finale. Car n’oublions pas que cet Euro a offert un niveau indigeste et trop de matchs soporifiques. À part l’Espagne, les autres grandes nations ne nous ont pas fait grimper au plafond, et on en revient à ce qu’a dit Marcelo Bielsa, l’entraîneur de l’Uruguay, dans une récente conférence de presse : il y a beaucoup trop de matchs et on joue avec la santé des joueurs. Ce n’est donc pas un hasard si les joueurs de Manchester City, et tant d’autres, n’ont pas répondu présent dans cet Euro, à l’instar d’un Kylian Mbappé.

Et comment finir cette chronique sans se dire que certains joueurs sont mieux nés que d’autres? Lionel Messi, le même qui se serait penché sur le berceau de Lamine Yamal pour lui transmettre ses «pouvoirs footballistiques magiques» selon des contes catalans qu’on racontera peut-être un jour aux petits enfants blaugranas comme des histoires de rois mages, a encore gagné un titre hier.

Et pas n’importe lequel. Une Copa America. La deuxième d’affilée, alors que cette compétition se refusait à lui avant 2021. Pourtant, il n’a marqué qu’un but dans le tournoi et était sorti en larmes, blessé, dans la finale contre la Colombie hier (remportée 1-0 aux prolongations).

Il n’empêche que v’là Léo le nanti qui se retrouve avec 45 trophées collectifs ! Quand on sait que le pauvre Kane lui, désespère d’en gagner au moins un, avouez qu’il y a de quoi tirer la tronche et se demander pourquoi le destin s’acharne avec tant de cruauté sur l’attaquant anglais.