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Le Privy Council donne du «muscle» politique au PM

18 octobre 2023, 11:00

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Le Privy Council donne du «muscle» politique au PM

Pravind Jugnauth est visiblement aux anges. Le verdict favorable du Privy Council à son égard ainsi qu’à ses deux colistiers… et accessoirement à son équipe gouvernementale, lui donne du muscle. Ses attaques frontales face à son principal challenger de l’opposition, Navin Ramgoolam, et contre le leader du MMM, Paul Bérenger, épargnant intentionnellement dans la foulée Xavier-Luc Duval, montre qu’il est requinqué pour se lancer dans une nouvelle bataille électorale et ne compte pas, de ce fait, laisser un pouce de terrain à l’alliance rouge, mauve et bleue.

En amont de l’annonce de ce jugement, certains commentateurs et observateurs politiques estimaient qu’une éventuelle victoire judiciaire donnerait au leader du MSM du sérum politique pour entamer le reste de son mandat dans la sérénité et peut-être se rapprocher, lui et ses alliés, d’une nouvelle victoire électorale l’année prochaine. Ce qui viendrait asseoir son influence comme leader incontesté de son parti.

Sans doute oui sur papier, mais sur le terrain, les choses peuvent paraître foncièrement différentes car une victoire judiciaire ne peut se substituer à une victoire électorale. Lundi, au Sun Trust, dans l’euphorie de la décision des Law Lords, ses éléments de langage couplés à son langage corporel montrent qu’il a déjà ouvert les brèches pour un nouveau mandat. Jugnauth fils, contrairement à son père, laisse peu de place à l’improvisation. Tout est planifié et réglé comme du papier à musique par ses spin doctors. On l’aura vu lundi avec ses avocats, les félicitations de Kobita et ses ministres ; une scène qui ressemblait étrangement à l’annonce des résultats dans un centre de dépouillement lors d’une élection.

Face à l’offensive de l’opposition parlementaire sur le terrain, Pravind Jugnauth compte s’appuyer sur le verdict du Privy Council pour chauffer à bloc ses partisans, visiblement gagnés à sa cause, et où des superlatifs ont manqué parmi certains de ses partisans pour qualifier la décision du conseil privé. Tout en reconnaissant certes qu’un autre leader politique, en pareille situation, aurait joué la même partition pour s’imposer face ses adversaires.

Entendons-nous bien : entre maintenant et les prochaines élections, il y a beaucoup d’eau qui aura coulé sous les ponts, les ardeurs des uns et les excitations des autres devant se calmer, alors que l’usure du pouvoir se fera sentir parmi la population. Sans compter que les scandales associés généralement au gouvernement sortant alimenteront les discours des politiciens de l’opposition. Ils vont de la recrudescence de la drogue qui inonde le pays aujourd’hui avec le profil de plus en plus jeune des drogués et son business lucratif qui irrigue l’économie souterraine du pays. Mais aussi le dysfonctionnement des institutions clés du pays couplé aux enjeux sécuritaires avec la problématique de l’ordre et la paix qui est loin de rassurer une bonne partie de la population.

Toutefois, pour le moment, l’opposition, celle du PTr, laisse manifestement des plumes dans le jugement du Privy Council. Elle encaisse les tirs, acceptant le verdict du Conseil privé même si elle tente de ramener le débat sur la question de free and fair des élections de 2019, convaincue qu’elles ne l’étaient pas.

Alors que la classe politique et d’autres commentateurs pensaient que dans le sillage d’un jugement favorable, Pravind Jugnauth allait dissoudre le Parlement pour organiser les élections à la fin de l’année, cela pour garder le tempo et s’appuyer sur le feel-good factor qu’une telle décision a entraîné, il ne compte pas le faire, annonçant que ce sera «business as usual», avec à la clé un dernier exercice budgétaire en juin 2024.

On peut certes lui donner le crédit de sa parole, vu qu’il a toujours affirmé que son gouvernement irait au terme de son mandat. En même temps, il attend que certains projets-phares, qui généralement paient des dividendes politiques comme les 8 000 logements sociaux, l’extension de la nouvelle ligne de métro à St-Pierre (qui pourrait prendre du retard en raison d’une contestation d’un soumissionnaire en Inde) et celui du pont Coromandel–Sorèze, plus prestigieux celui-là, soient complétés pour présenter un bilan en béton.

À n’en point douter, le Premier ministre jouera son va-tout avec le cinquième budget de Renganaden Padayachy. Le Privy Council ayant «légitimé» les promesses électorales de l’Alliance Morisien de novembre 2019, qu’elles soient sur l’augmentation de la pension pour les seniors ou encore l’annonce des révisions salariales du PRB à l’intention des fonctionnaires, entre autres, il faut s’attendre à une véritable opération de distribution de cadeaux à l’approche des élections. Ce sera la course ouverte pour amadouer les différentes classes sociales et les catégories professionnelles, celles qui constituent potentiellement la clientèle politique attitrée des formations politiques. Qui a dit que «met for gagn for».

Aujourd’hui, on est loin d’un électorat qui choisit le parti qu’il souhaite voir installé au pouvoir sur la base de son programme gouvernemental et de l’idéologie politique et économique qui l’anime. Il y a d’autres considérations, principalement celles liées aux pièces sonnantes et trébuchantes dans la poche. Du coup, comme on le souligne volontiers ces jours-ci, c’est la «money politics» qui dicte ses lois dans une campagne électorale et c’est le parti qui brassera le plus de milliards qui a le plus de chance de remporter une échéance électorale.

Même si Pravind Jugnauth a un boulevard qui s’ouvre devant lui, il doit savoir que Maurice n’est pas déconnecté du reste du monde et que toutes les institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ainsi que les agences de notation nous surveillent comme le lait sur feu. Toute largesse démesurée du pouvoir nuirait aux principaux variables économiques du pays, certains virant toujours au rouge comme l’inflation et la dette publique.

Mais plus important, il ne faut pas que le gouvernement dise de ces cinq ans au pouvoir, «Après moi, le déluge», pour parodier le roi français Louis XV.