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Le rendez-vous manqué de La Haye
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Le rendez-vous manqué de La Haye
La semaine dernière, 39 États et organisations internationales ont pris la parole devant la Cour internationale de justice (CIJ), à La Haye, pour dénoncer les obstacles imposés par Israël à l’action humanitaire dans les territoires palestiniens occupés. Parmi les voix qui manquaient à l’appel : celle de Maurice, qui pourtant a toujours soutenu la Palestine.
Notre République, inscrite sur la liste des États devant intervenir le 1er mai, a choisi le silence. Cette absence, loin d’être anodine, soulève des interrogations sur les nouvelles orientations diplomatiques du gouvernement. Elle intervient quelques mois après un autre désistement remarqué : celui des audiences de la CIJ sur les obligations climatiques des États, en décembre 2024 – en grande partie à cause d’un manque de moyens financiers (selon le PMO).
Outre nos contraintes budgétaires, et les communiqués des Affaires étrangères qui restent vagues, qu’est-ce qui pourrait expliquer, cette fois-ci, ce silence, alors que Maurice se présente régulièrement comme un défenseur du droit international ? Pourquoi éviter de s’exprimer devant la CIJ sur des sujets aussi fondamentaux que le respect des Conventions de Genève ou les droits humains des Palestiniens ?
Il faut peut-être chercher les réponses dans nos fragilités stratégiques. Maurice mène actuellement des négociations délicates autour de deux dossiers prioritaires : la souveraineté sur l’archipel des Chagos et les tarifs douaniers punitifs de 40 % imposés par l’administration Trump sur ses exportations. Dans ce contexte, le gouvernement pourrait avoir opté pour une diplomatie prudente, évitant toute déclaration susceptible de froisser Washington, D.C., principal allié d’Israël.
Mais cette prudence pourrait se retourner contre nous. Car la force des petits États sur la scène internationale ne réside pas dans leur pouvoir militaire ou économique, mais dans leur capacité à incarner des principes. Et à les défendre avec constance. Or, en s’abstenant de soutenir, le 1er mai dernier, les Palestiniens à La Haye, Maurice fait certes des économies, mais affaiblit sa propre position lorsqu’il s’agit de réclamer la restitution des Chagos ou de dénoncer l’injustice des sanctions commerciales.
Ce double silence – sur le climat comme sur Gaza – s’inscrit dans une tendance inquiétante : celle d’une diplomatie à géométrie variable. Loin de l’élan qui avait porté Maurice à jouer un rôle actif aux Nations unies en faveur de la Palestine ou du climat, le pays semble aujourd’hui se replier sur une logique strictement bilatérale, dictée par les rapports de force du moment.
Pourtant, lors des audiences de la CIJ sur Gaza, des États comme la France, l’Afrique du Sud, le Brésil ou encore le Sénégal ont rappelé qu’Israël, en tant que puissance occupante, avait l’obligation de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. Ils ont dénoncé les lois interdisant à l’UNRWA – l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens – d’opérer dans Jérusalem-Est ou d’entrer en contact avec les autorités israéliennes.
Comme pour les Chagos, l’avis consultatif attendu de la CIJ n’aura peut-être pas de valeur contraignante, mais il contribuera à façonner le droit international. Et à poser les jalons d’une protection juridique pour les populations les plus vulnérables. Se taire, c’est renoncer à influencer cette construction. C’est laisser d’autres écrire les règles du jeu.
Maurice, comme d’autres petits États insulaires, a souvent été en première ligne dans les batailles juridiques sur le droit de la mer, le climat ou la décolonisation. Notre voix compte, non pas pour notre poids, mais pour notre cohérence.
Dans un monde de plus en plus polarisé, la diplomatie ne peut se limiter à une gestion des risques. Elle doit aussi affirmer des principes. Maurice aurait pu rappeler que le droit humanitaire ne s’applique pas à géométrie variable. Que le droit au retour des réfugiés, comme celui des habitants de l’archipel des Chagos, mérite d’être défendu avec la même énergie.
Le silence de Maurice n’est pas qu’un oubli protocolaire. C’est un signal. Celui d’un repli. D’un effacement. Et peut-être, d’une perte de confiance en la force du droit international…
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