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Portrait craché vif de Lutchmeenaraidoo
Le revenant aux phrases taillées au couteau
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Portrait craché vif de Lutchmeenaraidoo
Le revenant aux phrases taillées au couteau

■En 1983, le grand public découvre le nouveau ministre des Finances. 2) En 2015, de passage sur le plateau de «l’express». 3) Vendredi, lors de sa conférence de presse sur la BAI...
Il est revenu. L’œil profond, la voix intacte. Comme s’il n’avait jamais quitté la scène. Vishnu Lutchmeenaraidoo, le silencieux bavard, le stratège spirituel, l’économiste combatif, est réapparu après six ans d’exil volontaire. Une conférence de presse, une cible : Dawood Rawat.
L’ancien ministre des Finances n’a pas oublié. Ni les chiffres. Ni les trahisons. Ni les phrases qui claquent. Il ressuscite comme il avait disparu : sans prévenir. Pas pour se réconcilier avec son passé, mais pour le corriger. Le ré-écrire. L’éclairer sous sa lumière. Celle de la vérité, dit-il. La sienne. Celle d’un homme qui a pratiquement tout vu, tout tenu, tout encaissé, mais qui n’a rien digéré.
■En 1983, le grand public découvre le nouveau ministre des Finances.
Assez, avait-il dit. Enough is enough. Puis, il avait tourné le dos au pouvoir, à la politique, à la diplomatie, au ministère, au théâtre des ego. On le disait en paix. En quête d’absolu. Mais il ruminait. Et il préparait son retour. Pas pour postuler. Pour témoigner. Pour solder les comptes. Les siens. Ceux de l’État.
Quand il évoque BAI, le Super Cash Back Gold, les 220 000 déposants, la Bramer Bank, les 14 tonnes d’or et les milliards publics engagés pour sauver la face d’un système, Lutchmeenaraidoo ne lit pas un rapport. Il relit son propre livre. Il veut qu’on sache. Que ce pays ne lui doit peut-être rien, mais qu’il ne lui doit pas tout ce qu’on raconte non plus.
Son ton ? Le même qu’en 2016 quand, bronchite au souffle et caméra au poing, il disait : « Je suis un fearless warrior. I mean business. » Le même qu’en 2017, quand il fustigeait Roshi Bhadain d’avoir levé une pierre sur son ventre pendant qu’il était à l’hôpital. Le même qu’en plein scandale Euroloan, lorsqu’il passait du mutisme au tonnerre, de Facebook à l’Assemblée. Un mélange d’autorité blessée, de foi affichée et d’amertume non digérée.
■En 2015, de passage sur le plateau de «l’express».
Il n’a pas changé. Il se pense toujours droit. Transparent. Intouchable. «Mo pa enn dimounn ki pran bribe», disait-il. «On ne peut prier et voler», insistait-il. On ne le contredira pas : Lutchmeenaraidoo ne vole pas. Il s’envole.
Il parle d’économie comme d’un art de vivre. D’or comme d’un pari philosophique. De la politique comme d’un théâtre tragique. Mais derrière ses grandes déclarations et son style professoral, il reste cet homme blessé que l’affaire Euroloan a précipité hors des Finances. Ce ministre «remanié», ce diplomate «bronchité», ce politicien jamais démissionnaire dans l’âme.
Aujourd’hui, il ne cherche pas à revenir. Il veut corriger. Ce n’est pas un come-back. C’est un règlement de comptes. Public. Spirituel. Comptable. Et peut-être un peu romanesque.
■ En 2015, de passage sur le plateau de «l’express».
Parce qu’au fond, Vishnu Lutchmeenaraidoo est un personnage de roman. Un personnage de Zola parachuté dans une île où la mémoire politique tient sur un écran de téléphone. Il cite Kant, soupçonne des complots, remercie les prières, attaque les médias, parle de l’État comme d’un héritage personnel.
Un jour, il sera oublié. Comme tous les autres. Mais en attendant, il rappelle à cette île amnésique que certains silences pèsent plus que des discours. Et que certains ministres, même déchus, n’ont pas dit leur dernier mot.
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