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Exposition de la police sur le trafic humain

Le sergent Jocelyn Bugwondeen : «Des enfants confondent pornographie et amour»

1 août 2025, 09:00

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Le sergent Jocelyn Bugwondeen : «Des enfants confondent pornographie et amour»

Ils étaient nombreux à s’arrêter devant les différents stands de l’exposition de la police. Comment éviter de se faire piéger en ligne, quelles sont les drogues qui circulent dans le pays et comment faire pour assurer sa sécurité au maximum quand on part faire des études à l’étranger : les officiers étaient là pour répondre. Dans le cadre de la Journée mondiale contre la traite des êtres humains, la Crime Prevention Unit (CPU) de la police a organisé, le mercredi 30 juillet, cette exposition à La City Trianon. L’objectif : alerter la population sur un phénomène souvent mal compris et rappeler qu’il ne s’agit pas d’un problème lointain réservé aux films ou faits divers étrangers, mais bien d’une réalité qui concerne aussi Maurice.

Le sergent Jocelyn Bugwondeen (photo), des CPU Headquarters de Rose-Hill, a d’abord voulu corriger une idée reçue : «À Maurice, on pense souvent que le trafic humain, c’est uniquement le trafic d’organes. Ce n’est pas vrai. Ici, nous faisons surtout face à la prostitution, aux réseaux pédophiles et à l’exploitation des travailleurs.» Selon lui, les victimes viennent principalement des poches de pauvreté. «Certains parents ferment les yeux, voire vont jusqu’à vendre leurs enfants», a-t-il déploré. Il a aussi cité les cas de travailleurs étrangers et même de Rodriguais : «On leur promet monts et merveilles, mais ils finissent par travailler de 6 heures à 21 heures, logés dans des conditions inhumaines. C’est du trafic humain.»

Ce qui nous a interpellés lors de notre entretien avec le sergent Bugwondeen, ce sont bien les témoignages qu’il partage, surtout là où la pornographie devient un outil de manipulation. Pour la CPU, le manque d’éducation expose particulièrement les enfants aux dangers du trafic humain.

Lors d’une sensibilisation dans une école primaire, le sergent raconte avoir rencontré des élèves de Grade 6 déjà exposés à la pornographie : «Quand je leur ai demandé ce qu’ils en comprenaient, certains ont répondu : ‘‘C’est de l’amour.’’ Cela prouve qu’ils n’ont aucun cadre pour interpréter ce qu’ils voient.» Ce phénomène est renforcé par les méthodes des réseaux criminels eux-mêmes. Le policier a rapporté le témoignage d’une victime : «On leur faisait regarder des vidéos pornographiques pour leur dire : ‘‘Ce n’est pas la guerre, ce n’est pas la violence, c’est juste de l’amour.’’ C’est une façon de les conditionner pour qu’elles finissent par accepter l’inacceptable.» Pour la CPU, cette banalisation de la pornographie et l’absence d’éducation sur ces sujets créent un terrain propice à la manipulation, surtout chez les plus jeunes.

Le danger ne s’arrête pas aux frontières. «De faux amis rencontrés à l’université ou sur les réseaux sociaux peuvent faire partie de ces organisations. Comme dans le film Taken, certaines filles sont droguées, puis vendues», a expliqué le sergent Bugwondeen. Il a évoqué un cas glaçant : «Récemment, un couple mauricien est parti en Turquie. La femme est tombée malade et a été hospitalisée. Le lendemain, on a annoncé son décès. Mais une contre-autopsie à Maurice a révélé qu’il lui manquait… le cœur.»

L’usage de drogues est aussi au cœur de ces réseaux. «Certaines victimes sont dopées pour les rendre dociles. Même la drogue est payée par les clients.» Cette dépendance chimique renforce l’emprise des trafiquants et enferme leurs victimes dans un cycle dont il devient presque impossible de s’échapper.

Pour la CPU, la seule réponse reste la prévention. «Nous ne voulons pas attendre qu’un Mauricien devienne une victime pour réagir. Notre mission, c’est d’agir en amont, de briser le cycle avant qu’il ne commence», a conclu le sergent Bugwondeen.

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