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Niesly Piron, coach de tennis et superviseur de construction de terrains de padel

Le sport a été sa planche de salut

26 octobre 2024, 20:00

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Le sport a été sa planche de salut

Si aujourd’hui, la drogue circule aux quatre coins de l’île, le trafic a commencé dans les cités ouvrières. Niesly Piron, né de parents séparés et élevé par sa grand-mère, a grandi à la cité Briquèterie. Des membres de sa famille, qui trempaient dans le trafic, ont tenté de faire de lui un dealer à un âge où il était encore influençable. Heureusement qu’il s’était découvert un amour pour le tennis et le sport a été sa planche de salut. Aujourd’hui, Niesly Piron est non seulement coach de tennis mais il supervise aussi l’installation de terrains de padel pour le compte d’O2 Padel Pro. Portrait d’un trentenaire qui a la niaque de réussir sa vie.

Niesly Piron, 37 ans, est né à Ste Croix. Feu son père José chantait dans les hôtels et a même participé à l’émission «Sofe Ravann». Sa mère, Marie-Josée était femme au foyer. Ses parents divorcent lorsqu’il a quatre ans et il est recueilli par sa grand-mère Mimose Nany. Bien qu’elle ne sache pas lire, elle encourage son petit-fils à être scolarisé. Niesly Piron fréquente plusieurs écoles mais ne va pas au-delà de la Form IV car si les études lui plaisent moyennement, il n’aime pas l’ambiance de l’école. Son grand-père qui est chauffeur de taxi, s’essaie à l’exportation de vêtements sur La Réunion. Et fait faillite. La famille doit donc déménager pour aller vivre à la rue Enniskilen à Port-Louis.

A 15 ans, Niesly Piron apprend qu’on enseigne bénévolement le tennis au Champ de Mars. Il s’y rend. L’essai le passionne et il décide d’y mettre toute son énergie. Sa grand-mère lui achète une raquette de tennis selon ses petits moyens et le jeune garçon s’entraîne non seulement à Solitude avec Bruno Lebon, coach à la Fédération de Tennis, mais pratique aussi en «tapant la balle sur le mur du garage de la maison.»

Ayant grandi seul et voulant faire partie d’un groupe alors qu’il se cherche, à 17 ans, il se rapproche de parents en ignorant d’abord que plusieurs d’entre eux sont des dealers de drogue. Ils essaient de le faire recruter dans leur cercle en lui disant que le sport ne lui rapportera pas grand-chose alors qu’avec la vente de drogue, il gagnera d’importantes sommes d’argent sans trop d’efforts. Niesly Piron, qui a suivi les bons conseils de sa grand-mère, s’accroche au tennis comme à une bouée de sauvetage.

Il se fait remarquer sur le terrain par un membre de la famille Ah Chuen d’ABC Motors et celui-ci lui offre sa «première vraie raquette de tennis. Cela a changé mon jeu et m’a donné confiance en moi, me motivant à m’améliorer davantage.» Alors qu’il s’entraîne à Solitude, Philippe Lemoine, le Français qui était numéro 3 à Roland Garros, et qui est à l’époque Directeur technique national à la Fédération de Tennis Mauricienne, le fait venir à Petit Camp pour s’entraîner. Il le fait quatre heures par jour avec un coach et deux à trois fois la semaine, le coach malgache Jean-Marc Randriamanalina lui donne des cours gratuits pendant une heure. Niesly Piron se jette à fond dans ce sport. Après un an et demi, il joue pour l’équipe l’Avenir de Maurice à Petit Camp et après pour l’équipe nationale. Il figure alors parmi les dix meilleurs joueurs de l’île.

Comme il n’a pas les moyens d’aller suivre des formations à l’étranger, il met sept ans pour devenir coach. Avec la Fédération, il participe à un tournoi à La Réunion et à plusieurs tournois à Maurice. Philippe Lemoine le forme et c’est ainsi qu’il obtient son Brevet d’Etat de Coach Sportif (B.E.C.S 1) et la certification de l’International Tennis Federation.

Pendant 17 ans, Niesly Piron a entraîné les enfants comme les adultes à la Fédération de Tennis d’abord puis pour le compte d’Ace Tennis. Voulant se mettre à son compte, il a lâché ce club et a donné des cours dans des hôtels, tout en faisant de petits boulots en parallèle en mécanique et dans la construction. Lorsque son meilleur ami, Matteo Zinno, qui est également coach de tennis, constitue la l’académie MTA, ce dernier le recrute et il devient son bras droit. Basés à Azuri à l’époque, ils donnent tous deux des cours de tennis. Un de leurs élèves, Hirad, leur parle du padel. Les deux compères se documentent à fond sur le sujet et Matteo Zinno décide d’importer les structures et tous les équipements pour installer des terrains de padel à Maurice. Il crée ensuite la compagnie O2 Padel Pro et confie la responsabilité de la supervision de l’installation des terrains de padel à Niesly Piron. Celui-ci recrute et dirige une équipe de 11 hommes.

O2 Padel Pro installe le premier terrain de padel à Azuri et bien vite, les commandes pleuvent aussi bien chez les particuliers que dans les hôtels (plus 40 terrains dans l’océan Indien). Niesly Piron se fait la main rapidement et si à ses débuts, lui et l’équipe mettent un mois pour installer un terrain de padel de niveau professionnel, aujourd’hui, cela ne leur prend qu’une semaine à le faire. Il doit aussi s’occuper de l’entretien des terrains de padel. «Si les joueurs jouent sept heures par jour sur un terrain de padel, le terrain doit subir un entretien tous les deux mois.»

Depuis mai dernier, l’académie MTA et O2 Padel Pro ne sont plus basés à Azuri mais dans plusieurs endroits de l’île, notamment à Synergy, Moka, au Racing Club de Maurice et au Dodo Club. Niesly Piron est agréablement surpris par l’engouement suscité par le padel. Un sport qui, à l’en croire, est plus facile à maîtriser que le tennis. «Si une personne a une notion de badminton ou de squash, elle peut apprendre à jouer au padel en trois semaines. Par contre, pour être un bon joueur de tennis, il faut compter au moins un an d’entraînement.»

L’installation de terrains de padel lui prend pratiquement tout son temps. Mais Niesly Piron tient à conserver ses bons clients au tennis. «Je ne peux pas arrêter le tennis complètement. Cela me manquera trop.» Marié à Jessica, qui est esthéticienne à domicile, Niesly Piron qui est très conscient des ravages de la drogue dans les cités rebaptisés résidences, a tenté d’éviter à certains jeunes qu’il connaît de prendre cette mauvaise pente en leur proposant de les embaucher comme ouvriers à O2 Padel Pro. Mais en vain. «Ils disent carrément que ce qu’ils peuvent gagner en deux jours avec la drogue, ils devront travailler deux mois pour l’obtenir. Aujourd’hui dans bon nombre de résidences, plusieurs jeunes veulent avoir la vie facile. C’est dur de les convaincre de gagner leur vie honnêtement.»

Cela ne l’empêche pas d’essayer. S’il est triste que sa grand-mère ait fermé les yeux pour toujours avant de voir sa réussite, il sait au moins que ses parents sont fiers de lui. Il y a de quoi.