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Air Mauritius

Le «wet lease», un gros business

27 mars 2024, 22:00

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Le «wet lease», un gros business

MK avait lancé le 12 janvier un «request for proposal» urgent pour des «wet leases».

Après que l’avion de Hi Fly, qui devait venir dépanner Air Mauritius (MK), se soit lui-même retrouvé en panne à Johannesburg, le vol MK 042 de dimanche soir pour Gatwick et le vol retour MK 053 ont été annulés. Un chamboulement qui remet en question le contrat de «wet lease» passé avec Hi Fly.

MK a eu recours à des wet leases en plusieurs occasions de- puis novembre 2023. Et c’est toujours avec la compagnie portugaise Hi Fly, dirigée par Paulo Mirpuri, d’ascendance gujaratie. MK n’avait fait mention de wet lease que le 21 mars (voir le communiqué pas clair du tout), mais sans préciser que c’est un appareil de Hi Fly qui assurerait les vols entre Maurice et Londres du 24 mars au 15 avril. Cela, pour, à la fin du communiqué, expliquer ce qu’est un wet lease. Est également mentionné que «Members (NdlR, au pluriel) of the Air Mauritius cabin crew will also be present on each flight». «Si un wet lease veut ‘dire location d’avion avec équipage’, pourquoi MK parle-t-elle de la présence de PNC (NdlR, personnel navigant commercial) de MK à bord ?» s’interroge Raj Ramlugun. «Est-ce pour des raisons purement commerciales ? Cette présence de PNC local présuppose-t-elle que le contrat de voyage entre le passager et MK reste toujours en vigueur ? Les dédommagements éventuels aux passagers incombent-ils à MK ?»

Le wet lease est la location d’un avion avec son personnel navigant, ce qui prive ainsi nos pilotes, hôtesses de l’air et stewards d’heures de vol. En wet lease, que l’on appelle aussi «vol charter», l’aéronef est fourni en ACMI (aircraft, complete crew, maintenance and insurance). Le coût moyen par heure pour, par exemple, un Airbus A330 tourne autour de USD 30 950, soit Rs 1,4 million par heure ! Et c’est la compagnie locatrice, ici MK, qui paie pour le carburant, les frais d’accès aux aéroports, et les autres droits et taxes. Il est évident que le wet lease coûte beaucoup plus à Air Mauritius que l’usage de ses propres avions. Car elle continue à encourir des frais fixes comme le paiement des salaires du PNC qui reste à quai et les frais afférents à l’avion cloué au sol. Et c’est sans parler des intérêts bancaires ou de leasing si l’avion de MK a été loué.

MK avec le logo de Hi Fly

Il faut également savoir que les avions loués en wet lease ne portent pas le logo de MK vu que c’est à courte durée. Donc, pas de publicité pour Air Mauritius ni pour Maurice. Alors qu’en dry lease, qui est à longue durée, le logo de MK peut être accolé sur l’appareil. Un ancien directeur s’interroge : «Que gagne notre pays si l’on utilise des avions et du personnel étranger pour transporter notamment les touristes qui viennent dans nos hôtels où de plus en plus d’étrangers sont employés ?» Un autre ancien directeur revient sur la décision de Sattar Hajee Abdoula de liquider, entre autres avions, deux A330-200 à USD 3 millions chacun, «… ces appareils venaient d’être remis à neuf au coût de USD 6 millions chacun. Si j’avais un expert-comptable comme lui dans mon entreprise, c’est lui que je débarquerais !» Pour Raj Ramlugun, «les administrateurs d’Air Mauritius ont liquidé des avions capables de voler et maintenant, on loue en wet lease des appareils apparemment plus vieux que les avions vendus pou dipin diber».

Résultat: avec un avion en panne depuis un mois à Mumbai, un autre qui le serait à Paris depuis samedi, et qui devait revenir avec une pièce détachée pour un autre aéronef qui risque maintenant d’être cloué sur le tarmac à l’aéroport sir Seewoosagur Ramgoolam, et maintenant, l’avion de Hi Fly devant dépanner MK qui est tombé en panne, que feront Charles Cartier et le board d’Air Mauritius ? La réponse ironique d’un employé : «Émettre un énième communiqué…»

Sollicité, Atma Bumma, le porte-parole de MK, a promis de revenir vers nous.

Hi Fly atterrit…

Aux dernières nouvelles, l’avion de Hi Fly, qui était en panne à Johannesburg, est arrivé à Maurice hier. Mais des vols prévus sur Londres avaient déjà été annulés. En revanche, l’A-350, cloué au sol à Paris, l’est toujours. Et le troisième avion, qui attendait sa pièce de rechange devant être transportée par l’avion de Paris, a pu prendre son envol, sans que la pièce défectueuse ne soit remplacée. Il aurait obtenu une dérogation spéciale de l’aviation civile. On nous a fait comprendre qu’il n’y a aucun danger.

Les pièces détachées

L’immobilisation des avions de MK serait due, au moins en partie, nous diton, à l’attente de pièces de rechange. Un professionnel de l’aviation reconnaît un manque de pièces de moteur et d’autres composants aéronautiques sur le marché mondial en ce moment, dû à la forte demande de voyages, le fameux «revenge travel» après le confinement. Il reconnaît aussi que beaucoup de compagnies d’aviation internationales ont plusieurs appareils cloués au sol pour cette raison. «Cependant, Indigo par exemple, a 70 appareils immobilisés, mais c’est sur un total de 324 aéronefs qu’il possède !» Tout en nous expliquant que le problème vient d’un manque de pièces pour les moteurs américains Pratt & Whitney équipant ses Airbus. Le motoriste américain a aussi rappelé beaucoup de ces avions pour inspection. Toutefois, notre interlocuteur est d’avis que des décisions auraient pu être prises par MK pour limiter les dégâts «si elle avait des dirigeants qui ne connaissent pas seulement la finance mais aussi l’aéronautique».

Pas d’interpellations sur MK

Raj Ramlugun ne comprend pas pourquoi l’opposition ne pose aucune question au Parlement sur Air Mauritius ni dans ses conférences de presse. «Pourtant, MK n’est plus cotée en Bourse et plus de Rs 25 milliards d’argent public y ont été injectées.» Cela, bien que, chose étonnante, Xavier-Luc Duval ait menacé de le faire en l’annonçant à l’avance. «Le fera-t-il ?» Attendons voir.

Questions à la compagnie d’aviation

Combien de «wet leases» ont été contractés depuis un an et combien coûtent-ils ? Y a-t-il eu des appels d’offres ? Si non, qui a choisi Hi Fly ? Combien de PNC sont présents sur Hi Fly et pourquoi ? Est-ce vrai qu’au moins un avion loué de Hi Fly est plus vieux que les A 330 vendus par MK en 2021 ? Est-ce qu’un autre avion est immobilisé à Paris ? Nous attendons la réponse de MK.

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