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Le Yin et le Yang
Contrairement au septuagénaire Paul Bérenger, qui court, à bout de souffle, derrière le pouvoir perdu depuis plus de 18 ans, en annonçant un «troisième 60-0», Xavier Duval, relativement plus jeune et plus cool, surfe sur une vague positive que ce soit au Parlement ou sur le terrain. Les deux leaders, qui ne sont pas les meilleurs amis du monde, ne voient pas les choses de la même façon. L’un est excessif dans ses propos et ses gestes, l’autre a pris de la hauteur et reste posé, mesuré, paisible.
Il y a un peu moins de sept ans, soit en décembre 2016, le leader du PMSD a abandonné son poste de numéro deux du gouvernement Lepep pour rejoindre les rangs de l’opposition, avant d’en prendre le leadership, afin d’empêcher que le pays ne s’enlise dans une «dictature constitutionnelle». Il a été suivi, à une ou deux transfuges près, par ses troupes qui ont renoncé aux fruits saisonniers du pouvoir, pour se ranger du bon côté de l’histoire politique et de la morale.
Plaçant leurs intérêts personnels après celui du pays, les Bleus ont ainsi contré le besoin du MSM de retoucher, dans l’urgence, la Constitution (en misant sur la large victoire de décembre 2014 et les 47 sièges obtenus) afin de régner totalement, au lieu de gouverner dans le dialogue, dans la sérénité mais, plus important, dans le respect de la démocratie.
Si la gouvernance, un moyen d’atteindre un objectif de progrès, de développement, de prospérité, etc., est noble, le règne, lui, qui fait du pouvoir une fin en soi, reste vil. En claquant la porte de l’hôtel du gouvernement, le PMSD a démontré qu’il voulait gouverner, pas régner.
Le leader du PMSD, qui a survécu, dans le passé, à une tentative d’étranglement dans les couloirs de l’Assemblée nationale par nul autre que le leader du MMM, ne peut de ce fait être taxé d’opportuniste qui savait que le terrain allait glisser rapidement sous l’alliance menée par le MSM après seulement deux ans au pouvoir. Il a choisi de ne pas être complice d’une autocratie in the making.
Même si le comité présidentiel sur le projet de loi permettant la création d’une Prosecution Commission (que Duval avait présidé, bien qu’il ne soit pas légiste), même s’il avait fait partie du dernier conseil des ministres qui avait approuvé le projet de loi de sinistre mémoire, le leader du PMSD, encouragé certes par ses bailleurs de fonds et l’opinion, n’a pas hésité à quitter le pouvoir.
Bon gré, mal gré, grâce à Xavier Duval, la majorité n’a pu amender, dans une approche quasi-dictatoriale, la Constitution, pour faire place à la nébuleuse Prosecution Commission.
Le PMSD, qui a, comme le MMM, tété les seins du pouvoir sous Ramgoolam et sous Jugnauth, se range depuis 2016 dans le camp des démocrates purs et durs qui appellent, avec raison, un large débat sur le besoin et sur la manière dont le Directeur des poursuites publiques (DPP) se doit d’être plus «accountable». Qui reste un débat constitutionnel et politique majeur, que le DPP s’appelle Boolell ou Ahmine, puisque le pouvoir actuel continue à arpenter les frontières séparant le DPP et l’Attorney General (un MSM).
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Xavier Duval, comme leader de l’opposition, a imposé son style et est soutenu par les parlementaires rouges et mauves, alors que Bérenger est quasi-inactif et Ramgoolam carrément absent des travées parlementaires depuis 2014.
Le chef des bleus défend l’idée selon laquelle une Constitution ne peut être au service d’un Premier ministre ou de sa famille, mais doit être conçue pour un pays, une nation, pour le bien commun et l’intérêt général.
Les pays occidentaux reprochent souvent aux pays du Sud leur fâcheuse manie de modifier leur Constitution pour ne pas se soumettre au principe d’alternance politique. C’est une autre réalité en fait. Dans les pays en voie de démocratisation ou d’autocratisation, comme le nôtre, les chefs de gouvernement ne gouvernent pas, ils règnent. Et quand on règne, c’est le règne total !
C’est cette finalité que visent les Constitutions modifiées, tunées au rythme des dynasties politiques. Le pouvoir absolu est à chaque échelon. Pas qu’au sommet du gouvernement d’ailleurs.
Une dictature constitutionnelle s’empare des institutions publiques (administration, justice, investisseurs institutionnels, médias complaisants…) en les plaçant sous tutelle pour les mettre au service de la dictature qui se prépare. C’est pour cette raison que la dictature constitutionnelle reste dans le cadre de la loi. Les lois existantes sont complétées ou remplacées par d’autres lois plus favorables aux intérêts des oligarques. C’est dans la complexité et l’urgence voulues du débat imposé que le citoyen s’égare, alors qu’il prépare, lui, la fin de 2023.
C’est aussi en raison de cela que le MSM pourrait être intéressé à négocier de nouveau avec le PMSD alors que les indices internationaux (V-Dem, Afrobarometer, Reporters Sans Frontières et l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance) tendent à classer Maurice parmi les six pays africains (sur 54) qui ont connu les baisses les plus significatives durant ces cinq dernières années en matière de Représentation, d’État de Droit et de Droits/Libertés individuels et Participation citoyenne.
Xavier Duval demeure donc un atout autant pour le MSM que pour le PTr, contrairement au MMM et à Paul Bérenger, qui attendent un raz-de-marée ou un miracle électoral. En 2025, l’usure du pouvoir sera réelle, mais l’alternance n’est pas une promesse de neuf. Tout reste donc possible.
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