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L’équation impossible

25 mars 2024, 15:51

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Pour retrouver le pouvoir politique, Navin Ramgoolam doit composer avec des intérêts contraires, c’est-à-dire ménager le chou bleu et la chèvre mauve. Tout un travail de coordination et de dextérité pour la vache rouge. Le batelier n’a pas droit aux fausses manoeuvres, l’équilibre étant précaire, et l’adversaire reste aux aguets, pour saborder l’embarcation.

LE NOMBRE. Ce ne sera pas facile de plaire à la fois à Xavier Duval et à Paul Bérenger. Les deux s’attendent à être reconnus, ni plus ni moins, pour leur contribution à l’histoire politique.

Déjà le leader des rouges a dû s’assurer, auprès de ses deux partenaires (qui partagent le même toit pour la première fois), que les rouges se tailleront la part du lion – 35 tickets sur 60 – afin de rassurer leur électorat traditionnel; frileux il ne veut pas d’un autre épisode Katori. Ramgoolam aurait pu prendre deux ou trois tickets de moins. Cela aurait facilité la découpe entre Duval et Berenger, qui subissent, eux aussi, la pression de leurs effectifs. Mais Ramgolam ne le fera pas pour des raisons tactiques afin de corser le vin.

Le problème reste donc entier quant aux 25 tickets qui sont dans la balance entre les mauves et les bleus. Duval, par rapport à sa contribution active à la tête de l’opposition parlementaire, depuis ces six dernières années, voudrait au moins dix tickets pour son parti, car il ne souhaite pas que celui-ci fasse de la figuration. Il est dans l’action au front. Et mardi avec la PNQ sa visibilité va s’accroître alors que Paul Bérenger reste effacé comme acteur de second ou troisième rôle devant Rajesh Bhagwan. Plus de visibilité en ce moment confère un avantage certain.

LE RANG. Si vous posez la question aux politiciens du bloc PTr/MMM/PMSD, personne ne vous dira ouvertement qui sera ou devrait être le numéro deux de Ramgoolam. C’est après le nombre de tickets, le deuxième sujet d’une discorde qui ne s’affiche pas (surtout lors des conférences de presse où l’on doit sourire avec profusion). Duval mise sur l’étoffe acquise comme numéro deux au sein des gouvernements Ramgoolam et Jugnauth mais aussi à la tête de l’opposition parlementaire, quand il n’y avait personne pour assumer le poste, et alors que les élus rouges ne soutenaient pas entièrement Arvin Boolell comme chef de l’opposition, parce qu’à un moment le MMM courtisait Boolell. Ce qui joue contre Bérenger comme éventuel numéro 2 : très (trop?) vite après, les législatives de 2019, le leader mauve, en proie à ses calculs machiavéliques, avait même tenté de virer Navin Ramgoolam à la tête du... Parti travailliste (alors que lui ne compte pas céder sa place de leader du MMM à vie !) avec le soutien de Xavier-Luc Duval, Roshi Bhadain et... Nando Bodha (qui s’était fait embobiner par le leader MMM qui lui avait fait croire qu’il est un PM potentiel). Mais Ramgoolam, rusé, ne s’était pas laissé faire. Paul Bérenger avait alors compris qu’il lui fallait jeter Bodha comme une vieille chaussette et s’agripper à nouveau au pantalon de Navin Ramgoolam, celui-là même qu’il avait blâmé pour la cinglante défaite de 2014 contre l’alliance Lepep, et de rester correct avec Duval, qui, lui, n’a jamais renié son amitié pour Ramgoolam.

LA QUESTION DYNASTIQUE. Le leader des rouges a un troisième dilemme. Si Ramgoolam n’aime pas qu’on le catégorise parmi les cliques dynastiques, parce qu’il clame haut et fort qu’il n’a jamais hérité le pouvoir ou le parti des mains de son père, il doit composer avec la chose. Il doit pouvoir expliquer fermement, comme Modi le fait actuellement en Inde, et comme Pravind est incapable de le faire ici, qu’il faut faire éclater les symboles dynastiques, que le pays doit tourner la page et focaliser sur l’égalité des chances, qui est au coeur même de la démocratie. Comme son père l’avait expliqué à sir Gaëtan Duval, il aura à convaincre ses deux alliés qu’ils ne peuvent pas, ou ne doivent pas, s’entourer de manière ostentatoire de fils, fille, cousin, gendre, belle-soeur sur leur liste de candidats, etc. En même temps, il doit pouvoir expliquer que ce n’est pas parce qu’on s’appelle Boolell, Mohamed, Uteem, Anquetil, etc., qu’on devrait être privé de ticket, surtout si on est compétent, honnête et populaire sur le terrain. Une position délicate, une équation très compliquée, du moins pour l’instant.