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L’équation impossible : moins de naissances, plus de dépenses
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Constat
L’équation impossible : moins de naissances, plus de dépenses

Maurice ne fait plus naître. Le moment est venu d’en faire une priorité nationale.
C’est un chiffre qui passe sous les radars des grands débats, mais qui dit tout de ce qui vient : en 2024, le taux de natalité à Maurice est resté à 10,3 pour 1 000 habitants, avec 12 853 naissances enregistrées. Pendant ce temps, 12 507 décès ont été comptabilisés. Résultat : un gain naturel de seulement 346 personnes, effacé immédiatement par une migration nette négative de 3 186 résidents. Le pays a donc perdu 2 840 habitants en un an. Le genre de nouvelle qui ne fait ni frissonner ni hurler, mais qui prépare la plus lente des crises : celle de la disparition progressive.
Il est peut-être temps de regarder les choses en face : Maurice entre dans une phase de déclin démographique, une spirale douce et silencieuse, comme un sucre qui se dissout dans le thé. La pyramide des âges le confirme : sa base se rétrécit, son ventre s’élargit et son sommet se densifie. Le pourcentage d’enfants de moins de 15 ans est passé de 16,2 % à 16 % ; celui des personnes âgées de 65 ans et plus a grimpé de 13,6 % à 14,2 %. La société se fige. L’avenir rétrécit. La République se recroqueville.
Silence, on vieillit
C’est une scène qu’on croise dans presque chaque famille mauricienne : des parents seuls, des enfants partis vivre ailleurs, une grand-mère qui regarde les informations, un vieux calendrier accroché dans une cuisine vide. Ce n’est pas de la poésie : c’est notre projection nationale. Nous sommes un pays de jeunes retraités, de vieux qui durent et de berceaux qui se vident. Le taux de fécondité à Maurice est aujourd’hui inférieur à 1,4 enfant par femme, loin du seuil de remplacement de 2,1. En clair, chaque génération est plus petite que la précédente. Et à ce rythme, dans quelques décennies, Maurice aura un tiers de sa population âgée de plus de 60 ans.
Pendant ce temps, la dépendance augmente : en 2024, le ratio des personnes à charge (enfants + seniors) par rapport à la population active est monté à 431,7 pour 1 000 actifs. Nous avançons dans un monde où les forces productives se raréfient et où les besoins sociaux explosent.
On a longtemps cru que les enfants coûtaient cher. Aujourd’hui, leur absence coûte encore plus cher. Car ce ne sont pas les enfants qui vident les caisses ; ce sont les sociétés vieillissantes qui plombent les budgets. Plus d’aides sociales, plus de retraites à verser, plus de soins à garantir, moins de recettes fiscales. Et surtout, moins d’innovation, moins d’énergie, moins de renouvellement.
Ce qu’on perd avec le recul de la jeunesse, ce n’est pas qu’une force de travail. C’est une vision. Une capacité à rêver demain. Une société sans enfants, c’est une société qui cesse de se projeter. Elle regarde derrière elle, elle s’inquiète, elle gère, mais elle ne construit plus.
Pourquoi fait-on moins d’enfants ?
Parce que les jeunes ne s’y retrouvent plus. Pas assez de logements abordables. Pas assez de sécurité économique. Pas assez d’emplois dignes. Trop de pression, pas assez de soutien. Le mariage recule : 8 220 mariages en 2024, soit 5 % de moins qu’en 2023. Les couples vivent plus tard ensemble. Et quand ils le font, ils hésitent. À faire un, puis deux, puis parfois aucun enfant.
Ajoutez à cela la montée de l’individualisme, la défiance envers les institutions, les incertitudes climatiques et économiques. Ce n’est pas une mode. C’est une transformation civilisationnelle. Et Maurice n’y échappe pas.
Que peut-on faire ? D’abord arrêter de croire que ce n’est pas grave. Ensuite, agir sur trois fronts : l’économie, la société et l’identité.
L’économie : créer des incitations intelligentes à la parentalité. Aides à la garde d’enfants, fiscalité plus souple, soutien au logement familial. Cesser de punir les mères dans le monde du travail. Penser à des politiques actives qui facilitent la conciliation vie pro/vie perso.
La société : revaloriser l’idée de l’enfant, non pas comme un fardeau, mais comme un lien. Repenser l’école, l’espace public, les services médicaux autour des jeunes. Et surtout, donner envie aux jeunes de rester au pays. Car aucun plan de relance démographique ne réussira si la jeunesse se barre.
L’identité : repenser la place de la transmission. Une société sans jeunes est une société sans mémoire en devenir. Il nous faut une nouvelle alliance entre générations. Faire de l’enfant non pas une option, mais une ambition nationale.
Ce n’est pas une utopie. C’est une affaire de survie collective. Le Japon, la Corée du Sud, l’Italie ou l’Allemagne ont déjà franchi ces seuils. Et tous peinent à inverser la tendance. Maurice, avec sa petite taille, son insularité, sa diaspora, a peut-être un avantage : celui de pouvoir agir à temps.
Mais pour cela, il faut oser faire de la démographie un enjeu politique central. Oser débattre de notre avenir autrement qu’en pourcentage de croissance ou en milliards de dettes. Car le vrai indicateur de la vitalité d’un pays, ce n’est pas son PIB, c’est sa capacité à faire naître et à élever la vie.
Démographie
Déclin en chiffres
🔵 Population totale au 31 décembre 2024 : 1 244 477 habitants, soit une baisse de 0,23 % sur un an.
🔵 Naissances vs décès : 12 853 naissances contre 12 507 décès en 2024, soit un solde naturel de +346 seulement.
🔵 Migration nette négative : 3 186 résidents en 2024.
🔵 Proportion de jeunes (0-14 ans) : 16,0 % en 2024 (contre 16,2 % en 2023).
🔵 Proportion de seniors (65 ans et +) : 14,2 % en 2024 (contre 13,6 % en 2023).
🔵 Ratio de dépendance : 431,7 personnes à charge pour 1 000 actifs.
🔵 Taux de fécondité estimé : ≈ 1,4 enfant par femme, bien en dessous du seuil de remplacement (2,1).
🔵 Taux de mortalité infantile : 14,4 pour 1 000 naissances vivantes, en hausse de 10,1 % par rapport à 2023.
🔵 Mariages : 8 220 enregistrés en 2024, en baisse de 5 %.
🔵 Espérance de vie : 70 ans pour les hommes, 77 ans pour les femmes en 2022.
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