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Libération de Vimen Sabapati

Les arguments de la magistrate face à la police

27 septembre 2023, 10:00

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Les arguments de la magistrate face à la police

Vimen Sabapati a obtenu la libération sous caution mardi 26 septembre, mais doit attendre que le DPP dise s’il fera appel ou pas.

Il a retrouvé la liberté conditionnelle en cour de district de Port-Louis hier, mardi 26 septembre. Cependant l’instructeur de muay-thaï Vimen Sabapati a été reconduit en cellule. La représentante du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) a demandé à la cour un «stay of execution», le temps s’il décide ou pas s’il fera appel de ce verdict. La poursuite fera connaitre sa décision le 3 octobre.

La magistrate Valentine Mayer a accordé la liberté conditionnelle à Vimen Sabapati contre deux cautions de Rs 400 000 et une reconnaissance de dette de Rs 6 millions. Dans son ruling elle a avancé que la police doit convaincre la cour quant à ses objections sur la base de raisons satisfaisantes et/ou de preuves appropriées.

L’une de ces objections est le risque d'interférence avec les témoins. Or, selon la police, les témoins potentiels et les suspects n’ont pas encore été identifiés. De plus, étant donné qu'un téléphone portable a été trouvé à l'extérieur de la cellule du détenu, la police avait avancé que Vimen Sabapati a déjà pris des mesures pour communiquer avec les témoins. La magistrate estime que ce motif d'objection est infondé.

Valentine Mayer fait état qu’à ce stade, aucune personne témoin ou suspecte avec lesquelles le suspect pourrait interférer n'a été identifiée par l'équipe d'enquête. La police se base sur l'hypothèse que les factures détaillées révéleront des témoins et des suspects. Cette hypothèse n'est pas étayée et relève de la pure spéculation. Bien qu'il soit possible que des témoins et des suspects soient identifiés à partir des factures, il reste possible que celles-ci ne révèlent pas d'autres protagonistes. Une simple hypothèse quant à l'existence de témoins ne peut pas justifier la détention continue d'un suspect.

Aucune preuve

Autre point avancé par la magistrate, il n'y a aucune indication que le téléphone portable trouvé à l'extérieur de la cellule de Vimen Sabapati était destiné à son utilisation. L'enquêteur, ayant déclaré qu'une autre unité de police enquêtait sur l'affaire, n'était pas en mesure de préciser, par exemple, à quelle distance de la cellule le téléphone portable avait été trouvé ou s'il avait été utilisé par le détenu. Par conséquent, il n'y a aucune preuve indiquant que le suspect a tenté de menacer ou d'interférer avec les témoins.

A la lumière de ce qui précède, ce motif d'objection découle d'une simple appréhension. La police n'a pas été en mesure d'établir, sur la base de raisons satisfaisantes et de preuves appropriées, qu'il existe un risque sérieux d'interférence avec les témoins si le suspect est libéré sous caution.

Etant donné que de l'héroïne a été trouvée dans le véhicule du suspect en sa présence, la qualité des preuves semble apparemment solide. Cela étant dit, la cour est consciente du fait que de graves allégations ont été formulées par le suspect concernant les circonstances entourant son arrestation, et qu'elles ont fait l'objet d'une demande sous forme d'affidavit devant la Cour suprême et d'une plainte devant la Commission indépendante des plaintes contre la police. La magistrate n’est pas convaincue que la nature des preuves soit particulièrement solide ou particulièrement faible pour qu'elle constitue un élément significatif dans l'évaluation des risques identifiés.

Appréhension de la police

En ce qui concerne le risque de commettre une infraction sous caution, la magistrate note que l'appréhension de la police découle de la nature de l'accusation provisoire et de la rentabilité du trafic de drogue. Elle a pris en compte la gravité de l'infraction présumée, son impact sur la société en cas de récidive, ainsi que la peine sévère qui pourrait découler de la poursuite et de la condamnation du demandeur pour une telle infraction.

D'autre part, elle dit avoir pris en compte le caractère du «bail applicant», ainsi que ses conditions professionnelles et personnelles. Vimen Sabapati n'est pas en liberté sous caution, il a des liens familiaux solides, et il travaille. Bien que le suspect ait déjà été condamné pour possession d’objet volé en août 2013, cela ne rend pas plausible le risque de récidive s'il est libéré, d'autant plus que le risque identifié par la police concerne des infractions liées à la drogue.

Toutefois la magistrate reconnait que l'infraction actuelle est d'une nature grave, passible de sanctions sévères et nuirait à la société en cas de répétition. Mais après avoir pris en compte le caractère, les conditions professionnelles et personnelles du suspect, elle n’est pas convaincue, sur la base des arguments avancés par la police, qu'un risque plausible de récidive existe si Vimen Sabapati est libéré sous caution. Le risque de commettre une infraction en cas de libération sous caution repose sur une simple appréhension et n'a donc pas été établi.

Attaches à Maurice

Vimen Sabapati n'a aucun antécédent de fuite et il a de fortes attaches avec Maurice. Il a une résidence fixe et des liens familiaux solides. Il soutient financièrement sa famille. Il semble également avoir de solides liens communautaires et professionnels à Maurice. Pour la magistrate, tous ces éléments constituent de fortes incitations pour un individu à ne pas fuir et, en fait, ce sont des éléments qui, dissuaderaient un individu de fuir. L'argument de la police selon lequel Maurice est une île et que la surveillance constante est impossible ne renforce pas la plausibilité de ce motif. Par conséquent, elle conclut que le dernier motif d'objection de la police demeure une simple appréhension qui n'a pas été étayée.

Ainsi elle a décédé d’accordé la liberté conditionnelle à Vimen Sabapati sous des conditions strictes, notamment de ne pas directement ou indirectement, contacter les témoins ; de se présenter au commissariat de police le plus proche de son lieu de résidence deux fois par jour, sept jours par semaine, une fois entre 6 heures et 10 heures et une fois entre 15 heures et 19 heures ; d’avoir sur lui un téléphone portable et être joignable par la police ; de résider à une adresse fixe et permanente jusqu'à la fin de l'affaire, et de comamuniquer cette adresse à la police. Il doit obtenir l'autorisation préalable de la cour en cas de changement d'adresse. Il doit aussi respecter un couvre-feu à son lieu de résidence de 20 heures à 5 heures. En cas d'urgence pendant les heures de couvre-feu nécessitant qu'il quitte sa maison, il doit contacter la police et demander une autorisation.

Vimen Sabapati était défendu par Mᵉ Shakeel Mohamed, Melany Nagen et Neelkanth Dulloo. «Nous somme contents que notre client ait obtenu sa liberté conditionnelle et qu’il y ait de bonnes nouvelles dans l’air. Nous avons aussi appris que le DPP va revoir cette décision. Nous respectons le processus. Nous attendons que le DPP prenne sa décision dans les délais après avoir étudié le dossier», commente Mᵉ Shakeel Mohamed.

Rapelons que Vimen Sabapati, âgé de 39 ans, domicilié à Vacoas avait été arrêté le 3 mai après que près de 10,35 kg d'héroïne d'une valeur marchande de Rs 150 millions ont été découverts dans son Ford Raptor, à Port-Louis par la Special Striking Team. Vimen Sabapati se défend d'être un trafiquant de drogue et dit avoir été piégé.