Publicité

Les cagoules de la terreur

26 octobre 2023, 08:05

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Ils possédaient tous les attributs d’un commando terroriste : un petit groupe (de 20 à 30 éléments très mobiles). Ils n’étaient certainement pas venus pour protester contre la pollution sonore car ils n’habitent pas tous à Port-Louis près de la Citadelle. La méthode utilisée n’était pas celle de voyous amateurs. Elle était calquée sur ce que nous avons l’habitude de voir à la télé, ailleurs. Une opération nocturne rapidement exécutée : les visages masqués, le choix du lieu et de la cible, la rapidité d’exécution, les armes ostensiblement exhibées et des menaces de mort («Nou pou touyé») assorties d’une expropriation d’une partie des terres de la République avec des cris : «Porlwi pou nou sa !»

Ils n’avaient qu’un but : semer la terreur parmi la foule réunie pour un concert à vocation caritative à la Citadelle samedi soir. Une foule joyeuse (des familles, des femmes et des enfants de toutes les communautés, y compris musulmane, faut-il le préciser) attaquée et tenue en otage par une meute encagoulée armée hurlant, proférant des menaces et détruisant le matériel de sonorisation. Surtout, ils affichaient ostensiblement des signes distinctifs, comme pour faire savoir à leurs commanditaires qui ils étaient et à leur boss que la mission avait été accomplie. Terreur accomplie !

Cinq jours après cette attaque, il convient de souligner que la police aurait pu tuer dans l’œuf cette opération ; d’autant que la veille, une attaque avait eu lieu le matin contre un commissariat de police. Et que Plaine-Verte bruissait de rumeurs d’une descente nocturne à la Citadelle depuis dans la matinée. De plus, la police avait été mise au parfum préalablement. Dev Jokhoo, ancien patron du NSS, a été catégorique dans l’express d’hier pour qualifier cette carence : «It’s a total intelligence failure!» Que le commissaire de police a tenté de dissimuler avec des déclarations musclées tardives dans le but de rassurer l’opinion après ce break-down évident de law and order qui laisse pantois.

En revanche, dès dimanche soir, le Premier ministre a tweeté son intransigeance en condamnant cette barbarie et en menaçant les terroristes à coups de PoTA (Prevention of Terrorism Act) que la police, de manière surprenante, a ramené à la baisse avec deux charges provisoires dérisoires: damaging property by band et unlawul gathering . Les rumeurs les plus folles circulent à ce sujet, prêtant à la police des motivations inavouables. L’ancien Juge Vinod Boolell est catégorique : «La police peut choisir les charges provisoires qu’elle veut. Il appartient au DPP de choisir, au vu du dossier, si ce sera sous la PoTA ou autre.» Ce qui est rassurant.

Sur le plan politique, les leaders de pratiquement tous les partis (mainstream) , d’éminentes personnalités musulmanes et des personnalités civiles ont dénoncé cette barbarie, ne laissant aucune ambiguïté quant à leurs positions. Entre autres, de ne pas faire l’amalgame avec la cause palestinienne qu’elle est susceptible de desservir. Ce qui a déjà été fait d’ailleurs. Mais ces terroristes n’en ont cure. Leurs frasques largement répercutées par la presse et les médias sociaux vont leur permettre de continuer de bénéficier de leurs soutiens financiers locaux et étrangers. Un des moyens de les combattre aussi, c’est de taper dans… leur portefeuille. Les mouvements de fonds ne devraient pas échapper à la vigilance de nos services financiers.

La charge la plus grave qu’on devrait retenir contre cette opération-commando, c’est l’atteinte à notre République laïque, à ses valeurs, à ses croyances et surtout à sa tolérance. Hélas, cette manifestation d’intolérance ne date pas de samedi dernier. Ses premières manifestations datent des années 90 avec l’émergence de l’ Escadron de la mort , dont les frasques de triste mémoire avaient marqué le pays à l’époque. À son actif, incendies criminels, braquages, assassinats, intimidation, la liste n’est pas exhaustive… jusqu’à ce que cette descente dans l’horreur se termine par quelques suicides. Après cette accalmie, le germe de l’intolérance refait surface en 2016, lors de la 11e édition de la manif LGBT, et en juin 2018, pour la même raison, avec des pancartes exigeant l’institution d’une république religieuse.

Pastichons Camus à la fin de La Peste et disons que l’on a pu se réjouir de ces accalmies, mais reviendra un jour encore où les rats de l’intolérance se réveilleront pour pourrir notre République heureuse. C’est ainsi que l’on a le sentiment que les taupes de l’Escadron de l’intolérance, longtemps endormies, se sont peut-être réveillées de manière commode à une année des élections.

Pour les amnésiques, Il est utile de rappeler que les Talibans interdisent – la musique, le cerf-volant, l’école et l’université pour les filles, le football, le rire… entre autres. Ici les concerts.